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« Zéro déchet » au Maroc : Tri et recyclage, parents pauvres de la gestion des déchets ? [INTÉGRAL]


Rédigé par Omar ASSIF Lundi 1 Avril 2024

La Journée internationale zéro déchet, célébrée Samedi dernier, est une occasion pour faire le point sur le chantier de gestion des déchets au Maroc. Zoom sur un bilan où tout n’est pas à jeter.



Le 30 mars 2024, le monde a célébré pour la deuxième fois la Journée internationale zéro déchet. Une date symbolique qui revêt une importance particulière au vu de l’enjeu (stratégique, sanitaire et environnemental) de la bonne gestion des déchets. C’est également une reconnaissance de la mobilisation du mouvement zéro déchet (voir article ci-bas), dont les Nations Unies ont officiellement repris et amplifié les valeurs et les plaidoyers. Si les militants et les adeptes du concept zéro déchet (zero waste en anglais) ne sont pas inexistants dans notre pays, les enjeux de réduction du gaspillage des ressources et de protection de l’environnement à travers une bonne gestion des déchets en sont encore à des stades fondamentaux. En dépit d’avancées notables, le Royaume peine encore à développer les filières de recyclage hors du secteur informel, sachant qu’il demeure encore et à ce jour inimaginable au niveau national d’imposer une loi destinée au commun des Marocains, pour les inciter à trier leurs déchets à domicile. 
 
Avancées et défis

« Le sujet de la gestion des déchets, au Maroc comme ailleurs, est vaste et plus technique que ne pourrait le croire monsieur tout-le-monde. Cela dit, s’il fallait résumer d’une manière très globale et très synthétique l’état actuel de ce chantier au Maroc, on peut dire que notre pays a pu réussir plusieurs étapes importantes, surtout en matière de régulation et de recours à une gestion déléguée efficace », contextualise Mouhssine Abderrahim, expert en procédés de l’environnement et fondateur de la société BE Monitoring Environnemental. « Il convient de comparer le Maroc à des pays qui ont un contexte similaire pour réaliser les avancées en la matière. Il faut cependant souligner que le chemin est encore long avant d’atteindre une gestion efficiente et responsable du point de vue environnemental et social. Pour réaliser l’ampleur des efforts qui nous attendent, il faut cette fois nous comparer au niveau de gestion efficace des déchets que nous pouvons observer dans les pays qui ont le plus avancé dans ce domaine », nuance notre interlocuteur.
 
2030 en perspective

« Il nous reste plusieurs grands défis qui s’imposent et que nous devons relever dans la gestion des déchets, notamment la résistance du secteur informel, la transition technique et normative vers l’économie circulaire et la banalisation du tri chez les familles et les particuliers », prévient Abderrahim Mouhssine qui estime cependant que « la perspective d’organisation de la Coupe du Monde en 2030 est un catalyseur potentiel pour accélérer cette transition nécessaire en matière de gestion des déchets ». Une prédiction qui se confirme par les propos tenus (en fin janvier dernier) par la ministre de la Transition énergétique et du  Développement durable, Mme Laila Benali, lors d’une séance de réponses aux questions orales à la Chambre des Représentants. Six milliards de dirhams seront mobilisés afin de mettre en place le tri sélectif au niveau de six villes hôtes, avait ainsi annoncé la ministre évoquant également « l’élaboration d’un programme spécial visant les communes qui produisent moins de 50.000 tonnes d’ordures ménagères par an ».
 
Améliorer le pilotage

Le Maroc pourra-t-il relever en six ans les défis du tri en amont et de la construction des filières formelles et structurées de valorisation pour améliorer la gestion des déchets et créer de la valeur économique à partir du recyclage ? « Face à ce contexte caractérisé par la complexité du terrain et la multitude des intervenants, on s’accorde de plus en plus sur la nécessité d’instaurer une nouvelle approche intégrée capable de saisir l’ensemble des aspects susceptibles d’améliorer le système de gestion des déchets, notamment les déchets solides municipaux. Analyser les maillons faibles du modèle actuel, en s’interrogeant sur les rôles de tous les acteurs potentiels, devrait définir de nouvelles règles et repenser les rôles qu’exige une amélioration continue et efficiente de la situation actuelle », conclut M. Abderrahim Mouhssine. 

3 questions à Nadir Sinaceur, président de Zero Waste Skhirat : « Le zéro déchet peut être pratiqué au Maroc, mais cela exige un engagement collectif à tous les niveaux de la société »

Militant pour la protection de l’environnement et président de l’association Zero Waste Skhirat, Nadir Sinaceur répond à nos questions sur le concept zéro déchet au Maroc.
Militant pour la protection de l’environnement et président de l’association Zero Waste Skhirat, Nadir Sinaceur répond à nos questions sur le concept zéro déchet au Maroc.
  • La pratique militante du zéro déchet peut-elle réellement se faire dans le contexte marocain ?

Je crois fermement que le zéro déchet peut être pratiqué au Maroc, mais cela exige un engagement collectif à tous les niveaux de la société. Actuellement, le Maroc fait des progrès significatifs vers cet objectif, notamment à travers l’adoption de politiques visant à réduire les déchets plastiques et à encourager le recyclage. Cependant, nous sommes encore loin de l’objectif zéro déchet. Pour y arriver, il est crucial de renforcer la sensibilisation à l’importance du tri des déchets à la source, d’améliorer les infrastructures de recyclage, et d’encourager les initiatives locales qui favorisent l’économie circulaire.
 
  • Quelles sont les activités que vous menez dans votre association pour promouvoir le concept zéro déchet ?

Notre mission est de sensibiliser, d’éduquer et d’impliquer notre communauté dans des initiatives zéro déchet. Nous avons mené plusieurs projets significatifs, notamment des campagnes de sensibilisation publique, des ateliers éducatifs sur le recyclage et des initiatives de nettoyage de plage. Notre engagement envers la durabilité nous a par ailleurs valu deux trophées de la part de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement. Nous avons également collaboré étroitement avec des organismes publics, dont le PNUD et le ministère de l’Environnement, dans une opération de nettoyage des filets de pêche délaissés sur la plage. Cette opération a permis de récupérer 400 tonnes de filets de pêche de la plage de Skhirat...
 
  • Pensez-vous que les politiques publiques du Maroc faciliteront l’atteinte des objectifs zéro déchet ?

Au Maroc, l’engagement envers la durabilité et la bonne gestion des déchets s’est intensifié ces dernières années, notamment avec l’interdiction des sacs en plastique à usage unique en 2016. Cependant, pour atteindre véritablement les objectifs zéro déchet, un soutien plus fort et plus cohérent de la part des politiques publiques est nécessaire. Cela inclut l’élaboration de cadres législatifs plus stricts autour de la réduction, du réemploi et du recyclage des déchets, le financement de programmes de recherche sur des alternatives durables aux matériaux à usage unique et non recyclables, ainsi que le soutien des initiatives locales et des entreprises engagées dans l’économie circulaire. En outre, une collaboration étroite entre le gouvernement, les ONG, les entreprises et la société civile est essentielle pour développer une culture de responsabilité environnementale parmi les citoyens et promouvoir des pratiques zéro déchet au quotidien.
Recueillis par O. A. 

Concept : Agir pour éviter les emballages jetables et privilégier la réutilisation

Avant de faire l’objet d’une Journée internationale, le concept « zéro déchet » incarne un mouvement environnemental actif depuis plusieurs années, avec pour objectif d’encourager à minimiser le gaspillage des ressources et la production de déchets. En s’opposant fermement aux produits à usage unique et aux méthodes traditionnelles de traitement des déchets telles que la mise en décharge ou l’incinération, ce mouvement encourage une mobilisation à la fois individuelle et collective. Cette mobilisation se traduit par un plaidoyer, mais également des démonstrations sur les moyens d’adopter un mode de vie où le consommateur opte systématiquement pour les produits réutilisables, privilégie le réemploi et la réparation, et préfère acheter des produits alimentaires sans emballage jetable. Le mouvement aspire à influencer les réglementations et les pratiques industrielles afin de réduire l’empreinte environnementale à chaque étape de la production, dans une perspective systémique. Il prône une approche basée sur la sobriété et l’économie circulaire.
L’info...Graphie
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2030 : Vers le décollage programmé de la valorisation des déchets ?

Annuellement, le Royaume produit environ 7,82 millions de tonnes de déchets ménagers (urbain : 0,78 kg/hab/j et rural : 0,3 kg/hab/j) et 5,46 millions de tonnes de déchets industriels (dont 59% de déchets agroalimentaires). Selon le Système d’Information National de l’Environnement et du Développement Durable (SINEDD), déployé par le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, le tonnage annuel des déchets médicaux et pharmaceutiques (catégories 1 et 2) est de l’ordre des 7.642 tonnes. « Parmi tous ces déchets, certains sont considérés comme dangereux en raison des substances qu’ils contiennent (déchets médicaux et pharmaceutiques, huiles lubrifiantes usagées, batteries et déchets d’équipements électriques et électroniques) », explique la même source, ajoutant que « les déchets ménagers au Maroc se distinguent par leur richesse en matière organique. Très humides, ils posent des contraintes lors du traitement de leur lixiviat variant entre 10 et 25% du tonnage des déchets ». Une étude récente commanditée par le ministère de l’Industrie évoque pour sa part treize filières de valorisation des déchets actives actuellement au niveau national. La même source prévoit que le gisement total des déchets au Maroc devrait augmenter, pour passer de près de 26 millions de tonnes par an (actuellement) à plus de 39 millions de tonnes en 2030, dont 30% de déchets ménagers. Ce volume devrait faire l’objet de transformation à hauteur de 65%, générant plus de 12 milliards de dirhams en termes de chiffre d’affaires et 3.7% milliards de dirhams en valeur ajoutée.








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