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Zakaria Abouddahab : "Il serait difficile pour l’Allemagne d’engranger des bénéfices stratégiques au Maghreb et au-delà sans le Maroc"


Rédigé par Anass Machloukh Mercredi 15 Décembre 2021

Quelques jours après son entrée en fonction, le nouveau gouvernement d'Olaf Schulz veut manifestement tourner la page de crise diplomatique avec le Maroc en clarifiant sa position sur le Sahara et en insistant sur la place centrale qu'occupe le Royaume dans le cercle des partenaires de l'Union européenne en Afrique du nord. S'agit-il une prise de conscience de l'importance stratégique du Royaume ? L'Allemagne s'est-elle résignée à céder au pragmatisme après la réaction sévère de la diplomatie marocaine ? Mohammed Zakaria Abouddahab, Professeur de Relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, réponds à ses questions, tout en livrant sa lecture du futur des relations entre Rabat et Berlin après une crise sans précédent. Interview.



Zakaria Abouddahab : "Il serait difficile pour l’Allemagne d’engranger des bénéfices stratégiques au Maghreb et au-delà sans le Maroc"

-L'Allemagne tente de détendre la tension avec le Maroc après sept mois de crise diplomatique, les réactions fermes de la diplomatie marocaine ont-elles donné leurs fruits ?

Après plusieurs mois de froid entre le Maroc et l’Allemagne, l’on remarque ces deniers jours un début de dégel des relations entre les deux pays. C’est d’abord l’effet de l’arrivée au Pouvoir du socio-démocrate, Monsieur Olaf Sholz et la nomination d’un nouveau ministre des affaires étrangères, Madame Annalena Baerbock. L’on en déduit que la nouvelle équipe nouvellement installée a analysé la situation et envisage de relancer le dialogue avec le Maroc, un partenaire de longue date, depuis 1956. 

Or, la crise avec l’Allemagne, déclenchée en mars 2021, a duré plusieurs mois. Elle a touché ou affecté non seulement les relations bilatérales entre les deux Etats, mais aussi l’action de la GIZ (Coopération technique allemande) et celle des Fondations politiques allemandes présentes au Royaume, notamment Konrad Adenauer, Hans Seidel, Friedrich Ebert et Friedrich Naumann. Tous ces organismes  ont été paralysés durant tout ce temps. L’on peut donc imaginer les dégâts qui ont en résulté et l’imbroglio dans lequel ils se sont retrouvés.
 "La demande de clarification adressée par le Maroc à l’Allemagne, par rapport notamment à sa position concernant le Sahara marocain, a trouvé des échos à Berlin qui compte revenir à la charge et refonder les relations avec Rabat sur de nouvelles bases".

Le temps a été donc pour la maturation et l’analyse, probablement à l’apurement du passif, sachant bien que les relations entre les deux pays ont été caractérisées par l’entente mutuelle et n’ont jamais connu une crise d’une telle nature. C’est dire que la demande de clarification adressée par le Maroc à l’Allemagne, par rapport notamment à sa position concernant le Sahara marocain, a trouvé des échos à Berlin qui compte revenir à la charge et refonder les relations avec Rabat sur de nouvelles bases.

- L’Allemagne a qualifié le plan d’autonomie d’”importante contribution”, que peut-on en déduire ?

Il faudra surtout replacer la déclaration récente de la diplomatie allemande dans son contexte et dans sa dynamique. Il ne s’agit certes pas d’une position qui soutient franchement la marocanité du Sahara, mais qui rappelle au moins que, d’abord, le Maroc est un partenaire clé de l’Union européenne et de l’Allemagne en Afrique du nord, et que, ensuite, le Gouvernement fédéral allemand n’a pas changé sa position concernant le Sahara depuis des décennies et qu’il soutenait les efforts onusiens tendant à trouver un solution politique, sur la base notamment de la dernière résolution 2602. En outre, le communiqué publié par le ministère allemand des affaires étrangères, le 13 décembre dernier, a estimé que le Maroc a apporté au processus de règlement chapeauté par l’ONU une contribution importante avec son Plan marocain d’autonomie.

Si on lit entre les lignes, l’on conclut que ledit communiqué cherche à rétablir la confiance avec le Maroc en le rassurant que l’Allemagne adopterait une position de « neutralité positive » ; ce qui est de nature à réactiver les relations entre les deux pays, non seulement dans une perspective bilatérale, mais aussi dans une optique régionale.
"Si on lit entre les lignes, l’on conclut que ledit communiqué cherche à rétablir la confiance avec le Maroc en le rassurant que l’Allemagne adopterait une position de « neutralité positive "

- La nouvelle déclaration de la diplomatie allemande veut-elle dire que le gouvernement de Berlin a besoin du Maroc pour défendre ses intérêts au Maghreb et également en Afrique ?

Il va de soi que la raison a regagné les esprits. La crise diplomatique a coïncidé avec la transition politique en Allemagne. Par conséquent, il aurait fallu apporter un nouveau souffle à la politique étrangère de ce pays, réévaluer les relations avec les partenaires sud-méditerranéens, à leur tête le Maroc, et dérouler une nouvelle feuille de route dont le maître mot serait la protection et la consolidation des intérêts mutuels. L’Allemagne a certainement besoin du Maroc et le contraire est tout à fait vrai : l’Allemagne, à côté de la France, est le cœur battant de l’Union européenne, son moteur en quelque sorte. Dès lors, il serait quasiment impossible pour le Royaume de protéger ses acquis stratégiques au sein de cette intégration sans l’Allemagne (ou du moins le couple franco-allemand auquel il faudra lui ajouter l’Espagne) et il serait difficile pour l’Allemagne d’engranger des bénéfices stratégiques au Maghreb et au-delà sans le Maroc. Sur ce point, la crise majeure du Maroc avec l’Algérie bridera toute velléité pour un partenariat stratégique solide Germano-Maghrébin ; mais c’est un autre sujet.
"l’Allemagne, à côté de la France, est le cœur battant de l’Union européenne, son moteur en quelque sorte. Dès lors, il serait quasiment impossible pour le Royaume de protéger ses acquis stratégiques au sein de cette intégration sans l’Allemagne (ou du moins le couple franco-allemand"

-Quel profit le Maroc pourrait-il tirer d'une réconciliation avec
l'Allemagne ? 


Avoir des relations normalisées avec l’Allemagne, c’est disposer d’un soutien, tantôt direct tantôt indirect, au sein de l’Union européenne. Un soutien qui pourrait revêtir plusieurs formes, dont des appuis financiers conséquents dont pourraient bénéficier les provinces sahariennes du Royaume. On pourrait aussi songer à des actions positives tendant à soutenir l’extension des accords maroco-européens à la région du Sahara : pêche, produits agricoles, etc. Il n’est pas sans intérêt que l’Allemagne allait débloquer au profit du Maroc l’enveloppe budgétaire substantielle de 1 milliard 200 millions d’euros (1,2) en vue de lutter comme la pandémie liée au Covid-19 ; ce qui n’est pas anodin.
"On pourrait aussi songer à des actions positives tendant à soutenir l’extension des accords maroco-européens à la région du Sahara"

En tout état de cause, il semble que l’Allemagne et le Maroc sont sur le point d’imprimer à leurs relations un nouveau momentum dans l’intérêt bien compris des deux pays en quête de nouveaux horizons stratégiques. Des actions concrètes doivent suivre comme le retour de l’ambassadeur marocain à Berlin et la nomination d’un nouvel ambassadeur allemand à Rabat, pour envisager ensuite l’instauration de mécanismes innovants de coopération multisectorielle entre Rabat et Berlin.








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