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Voiture à hydrogène : De nombreux défis à relever avant la commercialisation [INTÉGRAL]


Rédigé par Soufiane CHAHID Mardi 23 Mai 2023

La NamX de Faouzi Annajah soulève des questions sur l’avenir de la voiture à hydrogène. Chez les professionnels, des doutes persistent.



Design futuriste, lignes épurées, proportions imposantes. Devant SM le Roi Mohammed VI, le jeune entrepreneur Faouzi Annajah a présenté, le 15 de ce mois, son concept car NamX. Il s’agit d’un HUV (Hydrogen Utility Vehicule), c’est-à-dire une voiture qui utilise l’hydrogène comme énergie de propulsion. L'entrepreneur franco-marocain croit dur comme fer en l’avenir de sa voiture, qui devrait bousculer le marché automobile dans les prochaines années. 

La voiture à pile à combustible à hydrogène n’est pas une invention récente dans le monde automobile. Au sein de cette industrie qui réfléchit aux moyens de s’affranchir du moteur thermique, la question de l’hydrogène suscite depuis des années un vif débat. 
 
Ecoutez la science !

«Il est prouvé que la voiture à hydrogène n'est PAS la solution. L'électrification s'est imposée dans le trafic. Les faux débats sont une perte de temps. S'il vous plaît, écoutez la science !», avait ainsi tweeté en 2021 Herbert Diess, à l’époque président du directoire de Volkswagen. Un avis partagé par le fondateur de Tesla, Elon Musk, qui avait répondu : ”Diess a raison. L'hydrogène est une forme incroyablement stupide de stockage d'énergie pour les voitures. Mérite à peine d’être envisagée pour un étage supérieur de fusée, qui est son utilisation la plus convaincante”.

Comment expliquer cette méfiance envers l’hydrogène chez les fabricants automobiles ? “La voiture à hydrogène souffre d’un vrai problème d’efficacité. Sur une même distance, il faut trois fois moins d'énergie pour faire rouler une voiture électrique en comparaison à une voiture à hydrogène”, nous apprend Damien Ernst, professeur titulaire en électromécanique à l'Université de Liège et à Télécom Paris. 

Selon une étude de la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, l’efficacité énergétique globale d’un véhicule à pile à hydrogène n’est que de 22%, alors que celle d’un véhicule électrique à batterie à charge directe atteint les 73% (voir infographie). Cet énorme écart s’explique par la manière avec laquelle l’énergie de propulsion est produite.

Dans un véhicule à pile à hydrogène, l'hydrogène est utilisé pour produire de l'électricité à travers une réaction chimique dans une pile à combustible. Cette conversion d'énergie implique des pertes significatives. En comparaison, dans un véhicule électrique à batterie, l'électricité est stockée directement dans une batterie et peut être utilisée sans passer par une étape de conversion supplémentaire, ce qui réduit les pertes d'énergie.
 
Des limites physiques

La nature même du gaz hydrogène pose des problèmes et des défis importants quant à son exploitation. “L’hydrogène est un gaz très difficile à transporter. En plus, il a tendance à s’échapper facilement, parce que la molécule est très petite. Et il a aussi une nature explosive. Tout cela me fait penser que l’hydrogène ne sera jamais utilisé au Maroc pour la mobilité de surface”, tranche Damien Ernst. 

A cause de son caractère petit et léger (onze fois plus léger que l'air), ce gaz requiert des moyens conséquents pour son stockage et son transport, en utilisant des matériaux particulièrement étanches. L’hydrogène est également un gaz très peu dense, ce qui nécessite la compression de son volume à température basse et à très haute pression. Cette opération (de compression ou de liquéfaction) consomme de l’énergie, rendant par conséquent son coût encore plus prohibitif.

Ultime défi pour la voiture à hydrogène, et pas des moindres : l’infrastructure qui doit l’accompagner. Dans un pays complètement électrifié comme le Maroc, installer des bornes de recharges pour voitures électriques ne représente pas de difficultés particulières. Alors que pour l’hydrogène, il faut investir des sommes colossales dans tout un dispositif dédié : les énergies renouvelables, puis des usines d’électrolyse, ensuite des réseaux de transport d’hydrogène (gazoducs, camions…) et enfin les stations de recharge spéciales. 

“La première utilisation de l’hydrogène au Maroc devrait être les engrais azotés. Ensuite, on pourra penser à exporter ce gaz en Europe. Son usage pour la voiture individuelle ne devrait clairement pas être une priorité”, pense le professeur titulaire en électromécanique.
 
Un horizon à explorer

Doit-on pour autant enterrer définitivement cette idée ? La NamX de Faouzi Annajah présente un avantage de taille par rapport à la concurrence : son autonomie. Selon le site de la marque automobile, la voiture aurait une autonomie de 800 kilomètres, grâce à son double réservoir d'hydrogène. En plus du réservoir fixe, un réservoir amovible composé de 6 capsules d'hydrogène permet de s'approvisionner facilement en hydrogène. C’est beaucoup plus qu’une Tesla Model S et son autonomie de 600 kilomètres. 

De plus, les recherches sur les utilisations de l'hydrogène ne sont qu’à leur début. Une chose est sûre : ce gaz jouera un rôle important dans la transition énergétique mondiale et la décarbonation de plusieurs secteurs, dont l’agriculture, l’industrie lourde et le transport. Selon nombre d’experts, l’hydrogène serait très prometteur pour des modes de transport à grande capacité tels que les navires et les avions, qui bénéficient du double avantage d’avoir plus d’espace disponible pour le stockage de ce gaz, et des infrastructures de ravitaillement spécifiques.

Le Maroc se rêve en pôle international de production et d’exportation d’hydrogène vert, et a adopté une stratégie ambitieuse dans ce domaine. Mettre en avant des initiatives comme NamX revêt tout son sens, car cela reflète la volonté non seulement d’être à la pointe dans l’amont de la chaîne, mais également dans l’aval en encourageant les futures utilisations innovantes de ce gaz.
 
Soufiane CHAHD

 

Trois questions à Damien Ernst « Il n’y a aucune chance que la voiture à hydrogène remplace un jour la voiture thermique »

Damien Ernst, professeur titulaire en électromécanique à l'Université de Liège et à Télécom Paris, a répondu à nos questions concernant l’avenir de la voiture à hydrogène.
Damien Ernst, professeur titulaire en électromécanique à l'Université de Liège et à Télécom Paris, a répondu à nos questions concernant l’avenir de la voiture à hydrogène.
Du point de vue énergétique, la voiture à hydrogène a-t-elle un sens ?
 
La voiture à hydrogène souffre d’un vrai problème d’efficacité. Sur une même distance, il faut trois fois moins d'énergie pour faire rouler une voiture électrique en comparaison à une voiture à hydrogène. En se rapportant à la source d’énergie, il faut nettement moins de panneaux photovoltaïques pour faire fonctionner votre voiture électrique, qu’il ne faut pour votre voiture à hydrogène. Par conséquent, je ne crois pas du tout que la voiture à hydrogène soit une bonne solution dans un pays ensoleillé comme le Maroc.
 
Quelles sont les autres limites de l’hydrogène ?
 
L’hydrogène est un gaz très difficile à transporter. En plus, il a tendance à s’échapper facilement, parce que la molécule est très petite. Et il a aussi une nature explosive. Tout cela me fait penser que l’hydrogène ne sera jamais utilisé au Maroc pour la mobilité de surface.
 
En plus, il y a toute la chaîne de production d’hydrogène derrière. Contrairement à l’électricité qui est chargée directement dans la batterie de la voiture, l’hydrogène est fabriqué à travers l'électricité au travers de l’électrolyse. Et vous devez redistribuer cet hydrogène, le liquéfier et tout cela rend les choses fort difficiles pour le véhicule à hydrogène.
 
Quelles devraient être les utilisations prioritaires de l’hydrogène ?
 
La première utilisation de l’hydrogène au Maroc devrait être les engrais azotés. Ensuite, on pourra penser à exporter ce gaz en Europe. Il peut aussi utiliser l’hydrogène pour fabriquer le gaz naturel, à travers la réaction de Sabatier (hydrogène et dioxyde de carbone pour donner du méthane et de l’eau).
 
Son usage pour la voiture individuelle ne devrait clairement pas être une priorité. Il n’y a aucune chance que la voiture à hydrogène remplace un jour la voiture thermique.  La voiture électrique va sans doute la remplacer, mais pas la voiture à hydrogène. Et si le Maroc va dans cette direction, il fait très clairement une erreur stratégique en matière de politique énergétique.
 
Recueillis par S. C.

Compétitivité : Un atout marocain

En tant que tel, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un vecteur énergétique. Cela veut dire qu’il permet de stocker et de transporter de l’énergie sous une autre forme. En ce sens, l’hydrogène vert devrait jouer un rôle important dans la transition énergétique mondiale. Selon les prévisions de l’ONU, la demande pour l’hydrogène pourrait atteindre 650 millions de tonnes à l’horizon 2050, soit environ 14% de la demande énergétique mondiale totale anticipée.

Cet hydrogène devrait cependant être “vert”, c’est-à-dire venant exclusivement d’énergies renouvelables. De par sa position géographique, le Maroc pourrait fabriquer ce gaz avec un coût au kilogramme des plus compétitifs au monde.

Pour cette raison, le Souverain avait donné le 22 novembre 2022 ses instructions pour l’élaboration d’une “offre Maroc” pour la filière de l’hydrogène vert. Cette nouvelle offre devrait couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière de l’hydrogène vert au Maroc.

L’info...Graphie


Start-ups : Quels sont les autres prototypes ?

La NamX de Faouzi Annajah est certes un des projets les plus prometteurs dans le domaine de la voiture à hydrogène, mais il n’est pas le seul. Dans le monde, on dénombre une dizaine de start-ups qui veulent se lancer sur le même créneau.
 
Parmi les plus connues, il y a l’entreprise française Hopium, lancée en 2019 par le pilote automobile Olivier Lombard. Introduite à la Bourse de Paris en mars 2020, la start-up encaisse des pertes importantes et est contrainte, en mars 2023, de suspendre son projet de voiture à hydrogène de luxe Hopium Machina Vision, pour se concentrer sur l'industrialisation des piles à combustible et des véhicules à hydrogène grand public.
 
De l’autre côté de l’Atlantique, la start-up californienne Hyperion Motors a dévoilé en 2022 son modèle de voiture à hydrogène Hyperion XP-1. Le véhicule hyper-futuriste défie toute la concurrence avec une autonomie de 1.600 kilomètres en utilisant, comme la NamX, un système de stockage via piles à combustible.
 
A côté de ces pionniers, les constructeurs automobiles classiques tentent aussi de commercialiser des modèles équivalents. Honda avait ainsi proposé le modèle à hydrogène FCX Clarity, avant d'abandonner le projet par manque de perspectives. La Toyota Mirai est pour l’instant le modèle le plus vendu aux Etats-Unis, avec 2.629 unités écoulées en 2021, suivie par la Hyundai Nexo avec 430 unités.








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