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Vaccination des seniors : Le Maroc s’attache à la souveraineté de sa décision


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 18 Février 2021

Mis en garde par la Chine qui veut se soustraire à toute responsabilité, le Maroc va poursuivre l’utilisation de Sinopharm pour la vaccination des seniors, en dépit des spéculations sur son inefficacité. Un attachement à la souveraineté qui rappelle l’épisode de l’Hydroxy-chloroquine et celui d’AstraZeneca. Eclairage.



Vaccination des seniors : Le Maroc s’attache à la souveraineté de sa décision
Plus de deux millions de Marocains vaccinés en l’espace de trois semaines. Un rythme qui place le Royaume à l’échelle des pays les plus dynamiques dans leur campagne de vaccination. Le stock vaccinal ne cesse d’être alimenté au fur et à mesure que le temps passe, atteignant 7 millions de doses du vaccin, après l’arrivée d’une deuxième livraison de 500.000 doses. Alors que tout semble se passer comme prévu, le doute a refait surface sur l’efficacité du vaccin chinois pour les personnes âgées, l’une des catégories prioritaires dans l’effort national d’immunisation, eu égard à leur vulnérabilité. 

Après avoir accordé d’urgence une autorisation au vaccin chinois, le Maroc a dû réaffirmer sa détermination à maintenir son usage sans limite d’âge, en dépit des mises en garde de la mission diplomatique de Chine, dont une note, parvenue au ministère des Affaires étrangères, a appelé les responsables marocains à agir avec « prudence », en référence à l’injection du vaccin aux personnes âgées. Le comité scientifique a, quant à lui, tenu à rassurer tout le monde, en émettant un avis favorable au maintien du vaccin chinois à tous les Marocains. 

Un scénario semblable à celui d’AstraZeneca où le Royaume a bravé le doute, tandis que les pays européens faisaient preuve de scepticisme quant à l’efficacité du vaccin britannico-suédois, sur les personnes âgées, avant de faire marche arrière. 

Vaccination des Seniors : le Maroc ne donne pas crédit au doute exprimé

Dès le début de la pandémie, le doute n’a cessé de compromettre l’effort de lutte contre le SARS-COV-2, et cette fois-ci avec le vaccin chinois, en témoigne les déclarations de membres des gouvernements du Cambodge et du Pakistan, dont des responsables gouvernementaux ont émis des réserves sur la vaccination des seniors, sur avis de l’ambassade de Chine, qui leur aurait également conseillé de limiter l’âge des personnes bénéficiaires à 59 ans. De son côté, le Maroc semble n’attacher aucune importance à la note chinoise envoyée au siège de la diplomatie marocaine, d’autant qu’elle ne vient pas du Laboratoire fabricant. Contactée par nos soins, une source autorisée du ministère des Affaires étrangères nous a indiqué qu’aucun sujet scientifique ne peut faire l’objet d’une note ou d’une correspondance diplomatique, ajoutant que le comité scientifique s’est exprimé sur le sujet sans équivoque et reste le seul interlocuteur crédible en matière de vaccination. Pour sa part, l’ambassade de Chine au Maroc n’a pas donné suite à nos nombreuses sollicitations. 

Pas question de reculer

Il semble que la ni communauté scientifique marocaine, ni le ministère de la Santé ne soient au courant de la mise en garde de l’ambassade de Chine, qui ne semblerait pas parvenue au comité technique de vaccination, dont plusieurs membres, contactés par nos soins, nous ont déclaré qu’ils n’ont aucune connaissance d’une quelconque réserve sur la vaccination des personnes âgées. 

Moulay Mustafa Ennaji, directeur du laboratoire de virologie de l’université Hassan II de Casablanca et membre du Comité technique, nous a clairement affirmé que sur la base des données que le Maroc a reçues sur le vaccin de Sinopharm, rien ne réfute son efficacité pour quelque catégorie d’âge que ce soit. Azzeddine Ibrahimi, également membre du Comité technique, avait confié, sur le plateau de 2M,que le Maroc avait donné son autorisation d’urgence, en se basant sur un dossier complet, livré par le Laboratoire chinois, identique à celui des Emirats. Le spécialiste a rappelé que le comité ad hoc a exigé les résultats des essais cliniques de plusieurs pays, à savoir le Pérou, l’Argentine, la Chine et le Bahreïn. Des résultats rassurants, selon l’avis du comité de vaccination, qui fait état de résultats excellents quant à l’efficacité de Sinopharm que ce soit celui de Wuhan ou de Pékin, durant les phases I et II. Les résultats préliminaires de la phase III ont montré une « bonne tolérance » chez les personnes de 60 ans, précise la même source. 

Effets secondaires pour les seniors ? Pas de panique

Les trois semaines de la campagne de vaccination ont permis au Maroc d’accumuler des données de pharmacovigilance, qui montrent que seulement huit cas de complication « mineure » ont été observés chez 36.009 seniors vaccinés, qui semblent réagir de la même façon au vaccin que les autres catégories. Nous avons contacté plusieurs centres de vaccination à Rabat, à Casablanca et à Tanger, dont des responsables nous ont indiqué que les cas d’effets secondaires sont très rares chez les seniors. « La plupart des cas sont des vertiges ou des rougeurs à l’endroit de la piqûre », nous a précisé une source sous couvert d’anonymat.

La souveraineté sanitaire avant tout

Alors, qu’est-ce qui justifie le scepticisme de l’ambassade de Chine, dont le Laboratoire concerné n’a pas émis de réserve pour les personnes âgées ? Une question que nous avons posée à plusieurs médecins, dont l’un nous a indiqué, sans dévoiler son nom, qu’il est probable que la Chine veut ralentir l’approvisionnement des pays partenaires en attendant une autorisation de l’OMS, sachant que l’empire du milieu a demandé à l’OMS d’autoriser les vaccins de Sinopharm pour rejoindre le programme COVAX. Nous avons vérifié cette hypothèse auprès de Mariam Begdili, représentante de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) au Maroc, qui nous a expliqué que le vaccin est toujours en examen, sachant que l’Organisation onusienne n’a pas encore statué sur son efficacité, pour toutes les catégories d’âge.

Au-delà des débats passionnels, le maintien de l’usage du vaccin pour les personnes âgées est un acte de souveraineté pour le Maroc. Durant la pandémie, le Royaume n’a eu de cesse de prendre des décisions aux antipodes du sens commun, rappelons-nous l’épisode de l’Hydroxy-Chloroquine où on avait prescrit le médicamentent de Didier Raoult contre l’avis de l’OMS. Idem pour AstraZeneca dont le Comité de vaccination a maintenu l’usage sans limite d’âge, malgré les recommandations contraires des agences du médicament de plusieurs pays européens. Une mesure qui s’est avérée pertinente du moment que l’OMS a homologué son usage, sans réserve pour les seniors. En sera-t-il de même pour Sinopharm ?

Anass MACHLOUKH

3 questions à Tayeb Hamdi

Tayeb Hamdi
Tayeb Hamdi
« Bien qu’elles ne réagissent pas au vaccin autant que les jeunes, les personnes âgées demeurent protégées contre les formes graves du Covid-19 »

Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé, a répondu à nos questions sur l’efficacité du vaccin de Sinopharm et les raisons des polémiques successives à propos des personnes âgées. 

• Quelques pays ont émis des réserves sur l’injection du vaccin de Sinopharm aux personnes âgées, une note de l’ambassade de Chine aurait appelé le Maroc à la prudence, faut-il la prendre au sérieux ?

• Absolument pas ! Personne n’a pris connaissance de cette potentielle « mise en garde », à ma connaissance. On ne pourrait interdire un vaccin à cause d’un appel à la prudence. J’ajoute que dans la médecine, il n’existe que des faits, et non pas des conjectures. Il n’existe que des contre-indications ou des consignes liées à des allergies probables ou à des effets indésirables qui ne peuvent émaner que du Laboratoire fabricant ou du médecin traitant. Concernant les personnes âgées, bien qu’elles aient une immunité inférieure aux autres catégories d’âges, la vaccination contre le Covid-19 leur permet de se prémunir contre les formes graves. Donc, l’efficacité ne peut être mise en doute.


• Ce doute a plané également autour du vaccin d’AstraZeneca avant que l’OMS ne tranche le débat, qu’est-ce qui explique ces polémiques répétitives concernant les personnes âgées?

• Je rappelle que la France et d’autres pays européens n’ont pas douté de l’efficacité d’AstraZeneca pour les seniors que faute de données suffisantes dont ils ne disposaient pas à l’époque, puisqu’ils n’ont pas eu suffisamment de volontaires. Après, Ils ont dû changer d’avis en élargissant la vaccination à toutes les catégories d’âges. Les études ont prouvé que les seniors réagissent au vaccin autant que les autres catégories, avec un taux de séroconversion qui avoisine 100%, ce qui a poussé l’OMS et l’Agence européenne du médicament à homologuer AstraZeneca pour tout le monde, comme l’a fait le Maroc. Personnellement, je trouve que par cette polémique, les pays européens ont voulu mettre plus de pression sur le laboratoire britannique, soupçonné de favoriser son pays à leur détriment.

• Avec les nouveaux variants qui envahissent le monde, l’efficacité des vaccins pourrait-elle être remise en cause pour les personnes âgées ?

• Jusqu’à maintenant, tous les spécialistes disent que la majorité des vaccins, y compris ceux d’AstraZeneca et Sinopharm, restent valables pour les nouvelles souches. L’OMS avait conseillé l’Afrique du Sud de continuer à utiliser le vaccin d’AstraZeneca, en dépit des rumeurs sur son inefficacité contre le variant local. Il ne faut prendre au sérieux que les études crédibles, dont plusieurs sont en cours, pour pouvoir se prononcer sur ce genre de sujets. L’Afrique du Sud a continué pour sa part à injecter le vaccin d’AstraZeneca en guise d’expérimentation. 
 
Recueillis par A. M.

Encadré

Sinopharm : Vaccin désormais de moindre importance ? 

Etant l’un des premiers pays à signer un contrat avec le laboratoire Sinopharm, le Maroc a fait du vaccin chinois un élément central de sa campagne de vaccination, au point que le Royaume comptait plus sur ce vaccin dont il a participé aux essais cliniques. Contre toute attente, le Maroc a donné, le 6 janvier, une autorisation d’urgence au vaccin d’AstraZeneca, avant d’autoriser ensuite celui de Sinopharm. En effet, ce retard était dû au fait que le comité technique avait reçu tardivement les données sur les résultats des essais cliniques du Laboratoire chinois, qui a fourni des données supplémentaires demandées par le comité.

En outre, plusieurs observateurs étaient surpris de constater que les livraisons « timides » de Sinopham qui n’a livré qu’un million de doses, tandis que le vaccin d’AstraZeneca afflue constamment renforçant le stock vaccinal du Royaume de 6 millions de doses. Si le Maroc a beaucoup parié sur la Chine, c’est pour la simple raison c’est le premier pays avec lequel il a signé un contrat d’acquisition, avec des avantages comme le transfert de technologie et une quantité suffisante pour satisfaire une grande partie de la population. C’est ce qu’a expliqué Azzedine Ibrahimi lors de son passage à 2M. Pour le directeur du laboratoire de biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, le vaccin chinois ne diffère en rien de celui d’AstraZeneca, car ils sont tous les deux fabriqués à partir de procédés « traditionnels », largement connus de la communauté scientifique internationale. Ainsi, l’usage des vaccins dépendra désormais de la cadence des livraisons. Les raisons des livraisons limitées de Sinopharm semblent liées à la forte demande internationale, surtout que le vaccin a été expérimenté dans plusieurs pays. 

A. M