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Vaccin antigrippal : entre scepticisme et forte affluence, le risque de pénurie guette


Rédigé par Salima HAFID Mardi 27 Octobre 2020

C’est cette semaine que commence la très attendue campagne de vaccination contre la grippe saisonnière. Mais à l’ombre de la pandémie du Covid, la population cible reste partagée quant à l’opportunité de l’utilisation ou non de ce vaccin.



Vaccin antigrippal : entre scepticisme et forte affluence, le risque de pénurie guette
Alors que les premières pluies annonciatrices de la saison froide ont commencé à arroser de leur douce fraîcheur nos terres en proie à une inquiétante sécheresse, le ministère marocain de la Santé a décidé, avec un certain retard, de lancer sa traditionnelle campagne de vaccination contre la grippe saisonnière. Mais à l’ombre de la pandémie du Coronavirus, ce vaccin, pour le moins anodin, n’a jamais suscité autant d’interrogations et de débats.

D’un côté, il y a les anti-vaccin purs et durs, dont les rangs ont été renforcés cette année par l’afflux important des vaccino-sceptiques qui redoutent de potentiels effets immunosuppresseurs du vaccin antigrippal pendant cette période de forte prévalence du Covid. Et de l’autre côté, il y a les pragmatiques qui voient en ce vaccin un précieux bouclier contre le risque de confusion entre grippe saisonnière et Sars Cov-2 qui ont la fâcheuse manie de présenter des symptômes quasi-analogues. Entre ces deux camps, le risque de rejet total du vaccin antigrippal ou, au contraire, celui d’une affluence générale synonyme de pénurie en ce vaccin, n’a jamais été aussi présent. 

Le doute, grand facteur de rejet
En cette période anxiogène, il va sans dire que le camp le plus visible reste celui des vaccino-sceptiques. Il regroupe tous ceux qui appréhendent avec force prudence un vaccin dont on ignore la composition et les éventuels effets secondaires. Bien que beaucoup de personnes soient prêtes à faire la queue devant les officines pour se procurer le vaccin grippal, bon nombre de Marocains demeurent hésitants, d’une part, par peur de se faire injecter des anticorps méconnaissables, qui pourraient avoir de graves effets secondaires par la suite, et, d’autre part, parce qu’aucune campagne de communication n’a été initiée à ce jour pour éclairer l’opinion publique sur la nécessité du vaccin antigrippal.

Néanmoins, les professionnels de la Santé ne sont pas du même avis. Contacté par nos soins, Dr Hamza Guédira, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, affirme « que le vaccin antigrippal est très important en cette période qui coïncide avec la flambée des contaminations», et ce, du fait que les symptômes de la grippe et du SARS-COV-2 sont presque similaires et la vaccination contre la grippe va réduire le sentiment de doute au sein de la population.

Par ailleurs, Dr Guedira rassure sur l’actuel vaccin hivernal en soulignant qu’il est plus riche que celui des années précédentes, puisqu’il contient quatre souches au lieu de trois. « L’objectif est de prémunir l’ensemble de la population contre une éventuelle contagion de grippe hivernale et, par conséquent, d’éviter une éventuelle surcharge des hôpitaux », précise-til, ajoutant qu’il n’y a «aucune raison d’avoir peur de ce vaccin». En effet, la célèbre entreprise Sanofi a, pour la première fois, lancé sur le marché marocain un vaccin quadrivalent qui contient quatre souches de virus grippal, 2 de types A (H1N1 et H3N2) et 2 de type B (appartenant aux lignées Yamagata et Victoria). Dans sa cuvée 2020, le vaccin antigrippal offre donc une protection élargie par rapport aux vaccins trivalents et une meilleure adéquation à l’évolution épidémiologique.  

Versant dans le même sens, Dr Tayeb Hamdi, président du Syndicat National de Médecine Générale (SNMG) et Vice-président de la Fédération Nationale de la Santé (FNS), rappelle que l’utilisation du vaccin est de mise, surtout pour éviter tout scénario «apocalyptique» en ces temps de crise. «Bon nombre d’internautes proclament que le vaccin antigrippal peut nuire à la santé des patients», remarque Dr Hamdi, qui s’étonne que certaines personnes sont même persuadées que la campagne de vaccination hivernale relève du complot. «Or, cette opération va rendre un grand service au Maroc et particulièrement aux professionnels de la Santé, dans le sens qu’elle évitera d’engorger les services hospitaliers».

Quid de l’approvisionnement des officines ? 

Officiellement, et selon nos sources au ministère de la Santé, les vaccins devaient être mis en vente au Maroc à partir du 25 octobre. Mais plusieurs officines contactées au lendemain de cette date nous ont indiqué que leurs stocks n’ont pas encore été alimentés. En France, où ce vaccin est produit et où la campagne de vaccination a commencé depuis le 13 octobre, une pénurie est même constatée au niveau des officines qui ont écoulé en un temps record les sept millions de doses mises sur le marché. En attendant, au Maroc, les représentants des pharmaciens informent que le marché sera approvisionné à deux reprises et les pharmaciens s’attendent à une première livraison cette semaine comptant environ 300.000 doses qui seront proposées au prix de 125 dirhams, contre quelque 70 dirhams l’année dernière.

Un faible niveau d’approvisionnement qui interpelle le Dr Tayeb Hamdi. Celui-ci n’exclut pas la possibilité d’une éventuelle « pénurie » du vaccin, du fait qu’à l’échelle mondiale le manque se fait déjà sentir comme on l’a vu en France. En temps normal, le Maroc commande 500.000 doses par an, mais au cas où la situation épidémiologique requiert plus, Sanofi a affirmé être disposé à «déployer tous les efforts nécessaires, en étroite collaboration avec les autorités de Santé, pour répondre aux urgences de la santé publique». Mais au-delà de ces risques réels ou incertains d’approvisionnement, Dr Hamdi insiste sur l’opportunité de vacciner certaines populations fragiles et donc vulnérables, tels que les personnes âgées, les porteurs de maladies chroniques, les femmes enceintes (puisqu’elles protègent leurs bébés à travers les anticorps injectés), les enfants qui ont moins de cinq ans, le corps professionnel de la Santé…

De leur côté, les pharmaciens appellent le gouvernement à autoriser la vaccination contre la grippe au niveau des officines, comme c’est le cas dans d’autres pays, et ce, en raison des circonstances particulières imposées par la pandémie. Dans ce contexte, Dr Guédira rappelle que «les pharmacies sont des espaces de proximité qui pourraient encourager les gens à se faire vacciner. Ainsi, cette opération permettra non seulement de rapprocher le service de vaccination des personnes vulnérables, mais aussi de limiter la mobilisation des hôpitaux et autres cabinets médicaux dans le contexte actuel de Covid-19 ». 

Salima HAFID

3 questions à Dr Najib Amghar, Secrétaire Général du CNOM

Vaccin antigrippal : entre scepticisme et forte affluence, le risque de pénurie guette
« Notre système sanitaire ne pourra pas gérer la contagion de la grippe hivernale ainsi que celle du Coronavirus »

Dr Najib Amghar, Secrétaire Général du Conseil National de l’Ordre des Médecins, a répondu à nos questions sur la primauté du vaccin hivernal en ces temps pandémiques.

- Comment peut-on distinguer entre la grippe hivernale et le Coronavirus ?
- Les deux maladies se manifestent par des symptômes respiratoires, mais il existe des différences importantes entre les deux virus et leur mode de propagation. Le virus de la Covid-19 et celui de la grippe donnent un tableau clinique similaire, marqué par des manifestations respiratoires parfois identiques. Or, la symptomatologie est très variée : tandis que certains sujets sont asymptomatiques ou ont des symptômes bénins, d’autres présentent des manifestations graves qui peuvent parfois mener au décès. Normalement, nous disposons déjà d’un vaccin de la grippe hivernale, tandis que pour la Covid-19, il n’en existe aucun à l’heure actuelle. Pour les personnes déjà vaccinées, la distinction se fera sur la base des symptômes. 

- Comment peut-on éviter une double contamination ?
- Jusqu’à présent, il n’existe pas de formule magique qui permette d’éviter tout risque de contagion. Il est en revanche conseillé de prendre le vaccin hivernal afin d’éviter une double contamination, surtout pour les personnes âgées et celles qui présentent des facteurs de risques ou de comorbidité. Le vaccin hivernal permet ainsi d’éviter la double contamination et, par conséquent, de détecter la contagion à la Covid-19. 

- Que vous inspire la campagne de vaccination hivernalede cette année ?​
- Il faut absolument réussir cette campagne de vaccination anti-grippale, et ce, à l’aide d’une meilleure sensibilisation du corps médical. En pratique, il faut déterminer les sujets prioritaires à cette vaccination pour éviter toute spéculation. Enfin, il faut assurer la disponibilité du vaccin hivernal en quantités suffisantes. A titre d’exemple, l’année précédente, il y a eu plus de 500.000 doses de vaccin consommées. Il faut donc s’attendre à une demande plus forte cette année, ce qui impose d’augmenter l’approvisionnement.

Recueillis par S. H.​ 

Effet du vaccin sur l’immunité

Idrissa Diawara
Idrissa Diawara
«une infection au Coronavirus pourrait contribuer à une altération du système immunitaire».
 
Nous avons contacté Idrissa Diawara, Professeur de Microbiologie & Biologie Moléculaire à l’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé, pour nous parler des risques du vaccin antigrippe sur l’immunité. 

 - Quel est l’impact du vaccin grippal sur l’immunité des personnes ?
- Le vaccin grippal est un vaccin capable d’induire une immunité d’au moins 6 mois chez les personnes vaccinées. Toutefois, l’impact du vaccin est limité, du fait qu’il ne couvre que certaines souches (types) du virus responsable de la grippe. Le vaccin protège donc uniquement contre les souches de la grippe qu’il contient. Il faut aussi rappeler que le vaccin de la grippe ne confère pas de protection contre les autres infections respiratoires, comme les pneumonies bactériennes, le rhume ou encore la Covid-19.

 Quid des risques en cas d’infection par le Coronavirus directement après la vaccination ?
- Une infection par le nouveau Coronavirus SARS-CoV-2 est bien possible directement après la vaccination antigrippale. Vu qu’à l’heure actuelle, il n’est pas prouvé d’immunité croisée du vaccin de la grippe sur la Covid-19. La vaccination antigrippale est destinée principalement aux personnes à risque, il ne s’agit pas d’un vaccin universel. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, ces personnes à risques sont les personnes âgées, les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes présentant des affections préexistantes. Il est également recommandé de vacciner les professionnels de Santé qui peuvent constituer un vecteur de transmission en milieu de soins.

- Quel danger pour les personnes vulnérables ?
- Comme danger pour ces personnes vulnérables, une infection au Coronavirus pourrait contribuer à une altération du système immunitaire, surtout des voies respiratoires, ce qui pourrait contribuer à avoir un terrain vulnérable pour développer la grippe ou d’autres infections respiratoires.  
Recueillis par S. H
 

Repères

 Le vaccin hivernal
Le vaccin contre la grippe est fabriqué à partir de virus inactifs. Il ne contient pas de virus vivant, « il n’y a donc aucun risque de transmission de la grippe par le vaccin », s’est prononcé un professionnel de la Santé. Sa composition est définie chaque année pour s’adapter aux virus grippaux qui peuvent circuler, ces derniers étant très changeants. C’est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui est chargée, en amont, de leur surveillance.
Personnel médical et personnes âgées en première ligne
« L’OMS a recommandé et approuvé que, parmi les cinq groupes à risque, les travailleurs de la Santé et les personnes âgées sont les groupes prioritaires pour la vaccination contre la grippe saisonnière pendant la pandémie Covid-19 », a déclaré, lors d’un point de presse à Genève, Dr Ann Moen, cheffe de l’Unité de préparation et de riposte à la grippe à l’OMS. Chaque année, les épidémies de grippe peuvent toucher gravement tous les groupes d’âge. Mais le plus haut risque de complications concerne les personnes de plus de 65 ans, les femmes enceintes et les enfants de 6 à 59 mois.








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