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Une autre tête de Janus : Le Mondial 2030 et le projet de tunnel ferroviaire sous le détroit de Gibraltar


Rédigé par Pr Mohamed Mohattane le Mercredi 1 Novembre 2023

L’attribution de l’organisation de la finale du mondial 2030 de football au Maroc, à l’Espagne et au Portugal avec d’autres pays de l’Amérique Latine, a constitué un événement de grande importance pour tous ces pays. Mais il faudra également rappeler que cette annonce, au-delà de son aspect institutionnel, a été aussi un sujet de grands débats au niveau des médias des deux rives de la Méditerranée.



Professeur Mohamed Mohattane *
Professeur Mohamed Mohattane *
Le Maroc et l’Espagne entretiennent depuis des lustres des relations faites de flux et reflux dans les deux sens. Ces relations qui puisent leurs racines dans l’histoire commune de ces pays des deux rives de la mer intérieure. Dans ce contexte le projet du tunnel ferroviaire Europe-Afrique sous le détroit de Gibraltar revient sur le devant de la scène médiatique, politique et géostratégique. Emportés par l’euphorie de l’annonce, des médias des deux rives de la Méditerranée vont jusqu’au rêve extrême, de voir la concrétisation de la réalisation de ce projet de grande envergure être au rendez-vous du Mondial 2030. C’est aussi l’occasion pour les historiens, les conjoncturistes, les hommes et les femmes de lettre pour donner libre court à leur imagination. Chacun y va de son rêve, ses supputations et ses prédictions de bon aloi. Donnons-nous ici l’opportunité de faire des rappels historiques avérés et citer les hommes et les événements qui ont marqué en profondeur les relations récentes de cette région.

L’histoire des deux rives de la Méditerranée : Sommet de Fès

Disons tout de suite que l’idée du projet remonte au milieu du XIXème siècle, elle deviendra crédible en 1979, après le sommet de Fès entre Le défunt SM le Roi Hassan II et SM le Roi Juan Carlos Ier d’Espagne qui ont exprimé leur enthousiasme et détermination pour la réalisation de ce projet. Un accord d’une grande signification politique et géoéconomique, cherchant à mettre fin à ce chaînon manquant dans le corridor de transport international entre Lagos et les pays scandinaves via Tanger,  pour amplifier les échanges  entre l’Afrique en friche et le Vieux continent, tout en jetant  les ponts pour le rapprochement et la multiplication des liens entre les peuples des deux rives de la Méditerranée.

Car le Détroit de Gibraltar, un bras de mer de 14 km, souvent agité par les vagues, est si banal qu’il invite à se laisser vaincre par la construction d’un lien fixe. Par beau temps, des hauteurs de Tanger ou des collines de Tarifa, il est possible de voir clairement l'autre rive. Ce « fossé rempli d’eau » entre l'Europe et l'Afrique est si insignifiant que l’idée de s’affranchir des bateaux pour le traverser « à pied » a stimulé l’appétit des scientifiques les plus ingénieux et la vision des politiques les plus audacieux.
 

Géostratégie, proximité : Pont ou tunnel

Cette décision stratégique au plus haut niveau entre le Maroc et l’Espagne à la fin du XXème siècle, d'une grande valeur symbolique pour les deux pays, a aussi une grande portée géostratégique pour l’avenir du partenariat euro-méditerranéen et la coopération euro-africaine. Une décision qui n’intervient pas comme par hasard…, elle s’inscrit dans un contexte international nouveau, quelques années avant la chute du mur de Berlin et la fin de l’ordre international hérité de la conférence de Yalta et l’émergence de profonds bouleversements géopolitiques, de nouveaux défis tant au niveau régional qu’international, avec en filigrane le phénomène de la mondialisation, dont la lame de fond est en train de réduire le globe en un village planétaire.

Autrement dit, l’'idée de réaliser un pont ou un tunnel entre les deux rives de la Méditerranée, entre l'Europe et l'Afrique à travers le Détroit de Gibraltar n'est pas une décision politique de circonstance, ni une idée utopique et fantaisiste du « Prince », avide de prestige et de gloire, mais un projet mûrement réfléchi, qui découle d'une lecture profonde et prospective de l'avenir de la Méditerranée et du partenariat entre l'Europe et l'Afrique.

Depuis le sommet de Fès et l'engagement du Maroc et de l'Espagne de  réaliser conjointement les études de faisabilité d'un projet de liaison fixe Europe-Afrique à travers le Détroit de Gibraltar, un grand chantier processus d'études géologiques, océanographiques, techniques, économiques, juridiques, avec la signature  d'accords bilatéraux (accord du 24 octobre 1980, accord additionnel du 27 septembre 1989); en plus de la mise sur pied de mécanismes d'exécution et de suivi de ces accords (Comité mixte intergouvernemental permanent) et  des organes administratifs pour la réalisation des études (Societe Nationale d'Etudes du Détroit de Gibraltar-SNED) · pour la partie marocaine  et pour l’Espagne la Sociedad Española de Estudios para la Comunicación Fija a través del Estrecho de Gibraltar-SECEGSA).
 
Un engagement du Maroc et de l’Espagne réaffirmé lors de la visite officielle au Maroc de Sa Majesté le Roi Juan Carlos 1er d’Espagne (17 au 19 janvier 2005), quand SM le Roi Mohammed VI et le Souverain espagnol ont réitéré l’intérêt qu’Ils portent au projet de liaison fixe Europe-Afrique à travers le Détroit de Gibraltar.
 
Toutes les solutions techniques envisageables sont mises sur la table et passées au peigne fin : des non conventionnelles (pont flottant, tunnel submergé flottant, tunnel posé sur le fond du détroit, la digue, le Super pont du détroit) aux plus classiques (pont fixe, tunnel souterrain foré). En 1996, seule la solution d'un tunnel souterrain foré est retenue comme alternative de base pour la suite des études ; une solution dont la version finale dépend des investigations géologiques approfondies.
 

Les trois phases de la construction de l’ouvrage

Pour des raisons technico-économiques et sous réserve des résultats de l’état d’avancement des études, la construction de l'ouvrage est prévue en trois phases successives : a) la phase 0, consistant en la construction d’une galerie sous-marine de reconnaissance; b) la phase 1, pour l’exploitation du projet en mode « monotube » (construction de la première galerie ferroviaire et de la galerie de service/sécurité); et c) la phase 2, de construction d’une deuxième galerie ferroviaire, afin de permettre l’exploitation de l’ouvrage en « bitube », à une date où la demande de trafic le justifierait.
 
En septembre 2006, la SNED et la SECEG ont sélectionné un consortium de quatre entreprises pour l’actualisation de l’étude de l'« Avant-Projet Primaire (APP)» de la solution tunnel ferroviaire sous le Détroit de Gibraltar. Les conclusions de cette étude sont attendues avec beaucoup d'intérêt parce qu'elles seront déterminantes pour l'avenir du lien fixe. A l’époque, les hypothèses les plus réalistes prévoient la mise en marche des trains dans le tunnel ferroviaire sous le Détroit de Gibraltar à l’horizon  2025, tout en émettant certaines réserves compte tenu de certaines inconnues géologiques qui restent à clarifier avec une grande précision et des contraintes d'ingénierie et de financement à examiner avec beaucoup de fiabilité, sans oublier le mouvement de balancier des relations hispano-marocaines, des crises géopolitiques qui secouent le pourtour méditerranéen, en particulier le conflit israélo-arabe et israélo-palestinien, ainsi que l’évolution sinusoïdale  de la conjoncture économique internationale. 
 
Compte tenu, d’une part des importantes étapes franchies dans le long parcours des études techniques, juridiques et économiques et les résultats obtenus, d’autre part le contexte actuel des relations entre le Maroc et l’Espagne au beau fixe et l’heureux évènement de l’organisation du Mondial 2030 par le Maroc, l’Espagne et le Portugal,  tout  porte à espérer et à croire qu'en ce début du XIème siècle, un autre miracle a des chances de se produire, à l’ouest de la Méditerranée, des siècles après le premier miracle de Moise à l’est de la Mare Nostrum.
 
Après plus de trente ans d'investigations techniques et d'études économiques et juridiques, invitent à marquer un arrêt sur cette longue période de labeur scientifique et technique, le temps d’une génération, pour  voir, à la lumière des résultats obtenus, si ce grand projet stratégique pour les deux rives de la Méditerranée, pour  l’Afrique et pour l’Europe a des chances de voir le jour à l'aube du troisième millénaire et en perspective du Mondial 2030.
 
Le projet de lien fixe et le Mondial 2030 pourraient-être une bonne réponse à cette prophétie d’Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu veux que les hommes s’entendent, donne leur quelque chose à construire en commun ». Que le Mondial 2030 soit le détonateur.
 
 *  Par le Professeur Mohamed Mohattane (ex Secrétaire d’Etat chargé du développement Rural, Docteur d’Etat ès sciences économiques et auteur d’une thèse de doctorat sur le sujet de : de l’étude comparative entre le tunnel sous la Manche et le projet de liaison fixe Europe-Afrique à travers le détroit de Gibraltar)

 
 



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