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Troisième vague du Covid : Relancer le dépistage massif par la gratuité des tests ?


Rédigé par Anass Machloukh Mardi 20 Avril 2021

A cause des prix jugés exorbitants, les citoyens ne se font plus dépister au moment où le flou plane sur la prise en charge des tests PCR par la Sécurité sociale. Le secteur public tente quant à lui de dépister gratuitement pour motiver les gens face au risque d’une troisième vague. Détails.



Troisième vague du Covid : Relancer le dépistage massif par la gratuité des tests ?

« Tester, tracer, isoler », un slogan que les autorités sanitaires ont brandi pour juguler la pandémie à son paroxysme et qui ne semble plus respecté aujourd’hui, après le début de la campagne de vaccination. La pandémie semblerait se redéployer au Maroc après une longue accalmie, tandis qu’elle fait des ravages en Europe, submergée par une troisième vague qui a fait confiner plusieurs pays tels que la France.

En dépit des efforts entrepris en matière de vaccination et de stabilisation de la courbe épidémiologique, le Maroc n’a pas le luxe de se considérer à l’abri d’une troisième vague de propagation du Covid-19, d’autant que le nouveau variant britannique semble s’enraciner davantage sur notre sol, et risque à tout moment de relancer un engrenage de contaminations incontrôlable, compte tenu de sa forte contagiosité. 

Plus de 1600 cas sont d’ores et déjà détectés selon les chiffres présentés par le ministre de la Santé Khalid Ait Taleb au Conseil de gouvernement. Des chiffres jugés inquiétants par l’Exécutif, qui s’inquiète également d’une hausse relative de la courbe des cas positifs qui a augmenté de 6,4% de la troisième à la quatrième semaine du mois de mars. Cette tendance haussière s’est confirmée en ce début du mois d’avril avec une moyenne quotidienne de 615 cas. 

Face à cette situation, le dépistage de masse n’est plus aussi conséquent qu’il l’a été aux premiers mois de la pandémie. Le nombre de tests quotidiens ne cesse de chuter, sachant qu’il est passé de 20.000 tests en début de décembre à moins de 10.000 tests par jour en mars. La démotivation des citoyens en est la cause principale face aux prix élevés des tests dans le secteur privé. 

Des tests rapides gratuits au public 

Après avoir ouvert la voix aux laboratoires privés pour satisfaire la demande sur les tests PCR, le secteur public semble tenter de motiver les citoyens à se faire dépister en offrant des tests rapides gratuitement aux cas suspects. « Je me suis fait dépister dans une structure hospitalière gratuitement près de chez moi, à l’aide d’un test rapide », nous assure Ahmed, fonctionnaire âgé d’une quarantaine d’années qui a senti des symptômes du Covid-19. « J’ai obtenu les résultats en 15 minutes », nous a-t-il confié, ajoutant que les gens ne semblent pas au courant que les tests sont gratuits. S’agit-il d’une exception ? Pas du tout puisque des responsables au sein de plusieurs directions régionales du ministère de la Santé (dont les régions de Rabat et Casablanca), nous ont confirmé que le dépistage se fait désormais gratuitement dans les structures publiques. Or, peu de gens s’y rendent pour se faire tester, sachant qu’une grande partie de la population ne croit plus à l’utilité des tests et préfère suivre directement un traitement anti-Covid-19. Les médicaments sont faciles à s’en procurer chez les pharmacies par simple ordonnance du médecin et parfois sans en avoir besoin, si on connaît le pharmacien, nous explique Adil, jeune étudiant récemment atteint du Covid, ayant vécu cette situation. 

Privé : les tests PCR pas encore remboursables 

Dans le privé, le coût jugé élevé des tests PCR découragent les gens à se tester contre le Covid-19 d’autant que les tests ne sont pas encore pris en charge par la Sécurité sociale, malgré les promesses. Bien que l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM) ait fixé à 450 dirhams le prix de référence des tests dans sa grille tarifaire des prestations relatives au Covid-19, une source autorisée à la CNSS nous a assuré que les tests PCR ne sont pas encore remboursables, idem pour la CNOPS. La même source explique que cela dépend d’un accord définitif entre les tous les organismes gestionnaires de la Sécurité sociale, les laboratoires biologistes privés et l’ANAM. 

Par conséquent, c’est la surenchère des prix. Faute de régulation, les prix varient selon les laboratoires privés, allant de 500 à 700 dirhams. Quelques Laboratoires « de luxe » proposent même des tests à domicile facturés à hauteur de 1200 dirhams, un prix qui nous a été confirmé par quelques labos à Rabat et à Casablanca, en réponse aux demandes de l’un de nos collaborateurs. 

Dépistage massif : plus une priorité ? 

La stratégie de traçage des cas de Covid-19 ne serait plus perçue comme un moyen de contenir la circulation du virus pour les autorités, ces derniers parient davantage sur les mesures barrières et la vaccination. En témoigne les multiples prorogations de l’état d’urgence sanitaire et les restrictions qui l’accompagnent telles que la suspension des vols internationaux et le couvre-feu qui sera appliqué tout au long du mois de Ramadan. Selon le député istiqlalien Allal Amraoui, l’utilité des tests dépend de la capacité à isoler les malades soit à domicile, soit dans les structures hospitalières, autrement la chaîne de contamination risque de s’allonger. Or, ceci fait défaut dans de nombreux cas, où des personnes ne respectent pas l’auto-isolement. Cependant, la tendance haussière du variant anglais au Maroc appelle à la vigilance, estime M. Amraoui, rappelant que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne cesse de recommander le dépistage massif pour casser la transmission des nouvelles souches du Covid-19. 

 

Anass Machloukh


3 questions à Tayeb Hamdi

« La réussite du dépistage massif dépend de la capacité d’isoler les gens »
 
Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, a répondu à nos questions sur l’évolution de la stratégie de dépistage au Maroc en rapport avec l’évolution de la situation épidémiologique.

- Le nombre de tests au Maroc a manifestement chuté depuis le mois de décembre, les autorités sont-elles en train d’abandonner le dépistage massif en faveur des restrictions de déplacement ?

- Au Maroc, le dépistage reste très faible. Il est à hauteur de 0,3 pour mille personnes tandis que des pays comme l’Allemagne et la France sont respectivement à 5/1000 et 2/1000. Comme vous le savez, il existe deux stratégies pour contenir le Covid-19 : soit le dépistage massif et l’isolement destiné à casser la chaîne de transmission, ou les restrictions strictes de la mobilité. Le dépistage demeure toujours une bonne option. Pourtant, sa réussite dépend de la capacité d’assurer l’isolement des cas suspects. Contrairement à des pays comme la Corée du Sud ou le Japon, on peine au Maroc à faire respecter l’isolement, ce qui rend parfois le dépistage inutile.

- Le secteur public a relancé les tests rapides gratuitement dans quelques structures hospitalières, qu’en pensez-vous ?

- Les tests rapides sont normalement destinés à tester des personnes asymptomatiques pour s’assurer de leur non-infection avant de leur permettre de prendre part à des rassemblements ou des lieux publics. Je vous rappelle que les tests PCR sont très onéreux pour l’Etat, ils coûtent plus de 300 dirhams l’unité sans parler de l’écouvillon. Il serait donc probable que le dépistage n’est plus une option efficace pour les autorités sanitaires.

- La courbe épidémiologique semble reprendre son élan ces dernières semaines après la propagation du nouveau variant anglais, la relance d’un dépistage massif est-il nécessaire d’un point de vue épidémiologique ?

- Cela reste tributaire d’un choix stratégique des autorités qui, comme je vous ai dit, préfèrent, semble-t-il, réduire la mobilité plutôt que de se lancer dans une campagne de dépistage onéreuse. En plus, même les citoyens ne sont plus disposés à payer des sommes importantes dans le privé. Donc, les mesures barrières sont considérées plus efficaces pour juguler la circulation du virus. Toutefois, les tests PCR sont toujours utiles sachant qu’ils sont valables pour le variant anglais.








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