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Tribune-analyse: COVID 19, quel déconfinement pour le Maroc ?


le Samedi 9 Mai 2020

Réagissant au plan de déconfinement dont copie a circulé sur les réseaux sociaux avant que son contenu ne soit décrété non officiel tout en étant authentifié par les autorités sanitaires, professeur Aziza Benkirane nous livre ici sa vision de ce plan et de l’ensemble du dispositif de confinement et de déconfinement. Instructif.



Professeur Aziza Benkirane
Professeur Aziza Benkirane
La violence de la crise économique
 
Autrefois quand le prix du riz augmentait en Californie, on lynchait les noirs. De tels raccourcis abondent aujourd’hui. Sous le choc économique et pétrolier provoqués par le confinement, les USA et l’Europe lynchent la Chine, les pays arabes lynchent le Maroc ... Pour l’instant de simples rhétoriques et escalades de violences verbales. Demain le Crash-test économique passera-t-il par une escalade de taxes douanières, des sanctions économiques, un non remboursement de la dette, ou même par des affrontements militaires si le déconfinement s’avère difficile ou impossible dans une région du globe ?
 
Les violences du confinement général

Les populations plongées violemment dans le chômage et l’absence de revenus, par le confinement généralisé, avec explosion des inégalités, s’en donnent à cœur joie sur les réseaux sociaux, accusant leurs gouvernants de mauvaise gestion, d’absence de transparence, voire de « crime contre l’humanité », et instituant un écosystème de fake-news, infox, théories complotistes, retour à l’irrationnel, surtout quant aux traitements miracles du Covid19 …. sans parler des femmes victimes du retour aux violences du cerveau primitif.
 
De nombreux gouvernements, obsédés par ces réseaux sociaux, ont adopté des lockdown, des réactions autoritaires, qui profitent du confinement pour censurer, museler, essayer d’instaurer des lois liberticides, ou même procéder à des mandats de dépôts, des emprisonnements et des jugements sans audience contradictoire, jusqu’aux GAFA qui suppriment des contenus, ferment des WebTV, … à la demande des états.
 
Opacité, et infodémies mensongères

L’Asie accuse l’occident de « mauvaise gestion de la crise sanitaire », tandis que les pays dits démocratiques, accusent les pays dits autoritaires « d’absence de transparences », de mensonges. En réalité aucun chiffre n’est digne de foi quel que soit le pays, pas même celui des morts. Aucun détail de la pandémie, aucune précision ne sont publiés. Tous les états se sont mis à l’infodémie-propagande que ce soit via des agences d’état comme les USA (Global Engagement Center) et la Russie, ou via les médias, et réseaux sociaux. Même la Chine s’y est mise. Et le Maroc n’y échappe pas.
 
Comment lever le confinement ?

Des questions fondamentales demeurent tout de même. Pourquoi le Maroc qui a fermé ses frontières suffisamment tôt, mené à bien une politique soft power des masques, en utilisant le maillage des épiceries et supermarchés pour leur distribution, s’est brutalement arrêté alors qu’il était sur la bonne voie ? Pourquoi ne s’est-il pas réinventé pour permettre le confinement ciblé, en se dotant des moyens de dépistages, alors que les procédés de fabrication des tests RT-PCR et des tests sérologiques sont publiés en open source sur internet ? Pourquoi reste-t-il confiné sur des stratégies hypothétiques de levée de confinement alors qu’il sait que le seul déconfinement rationnel et définitif consiste à cibler les Covid19-actifs par un dépistage massif et répété, sans attendre que la population rentre dans le moule des définitions OMS ou hors OMS ?
 
Que nous propose-t-on ?
Si les diapositives sans audio, attribuées au Ministère de la Santé Publique, qui circulent timidement sur 2 stratégies possibles de levée du confinement au Maroc, et leurs risques, étaient confirmées, elles prévoient un déconfinement progressif. L’argument pour ce choix serait qu’une « sortie totale et brutale du confinement » nous exposerait à un « risque élevé de 2ème vague ». Admettons.

Une des conditions du déconfinement serait qu’il y ait moins de 5 cas/semaine pour 100.000 habitants. Soit moins de 1850 cas par semaine si nous étions 37 millions d’habitants. Alors qu’en 10 semaines depuis le 3 mars nous n’aurions enregistré que 5711 cas confirmés. Même durant la semaine autour du pic du 19 avril, nous n’avions pas atteint ce nombre de 1850 cas. Pourquoi alors nous avoir confiné avec une moyenne de 571 cas/semaine ?!
 
Une deuxième condition serait une létalité < 3,6%, or à ce jour le 8/05/2020, si on se fie aux déclarations officielles, le taux de létalité au Maroc est de 3,25% (186/5711).Pourquoi sommes-nous confinés ?!

Vue l’absence de publications détaillées, nous ne pouvons pas juger d’une 3ème condition : un taux de reproduction ((nombre de jours x nombre de contacts/jour) x probabilité de transmission) ou R0 < 0,7, ce qui veut dire que 10 malades infectent moins que 7 personnes. Pourquoi 0,7 quand pour tout le monde un R0 < ou égal à 1 suffit pour réduire la circulation du virus et éteindre l’épidémie, mais passons.
 
On ne peut juger non plus de la 4ème condition : le nombre de cas sévères < 10%, c’est-à-dire, si l’on tient compte des chiffres actuels moins de 571 personnes en réanimation. La proposition sous forme de diapositives non audibles précise en rouge que la capacité en réanimation reste « à définir ». De qui se moque-t-on ? Même sans tous les efforts entrepris (1640 lits de réanimation), est-ce que le Maroc ne possédait pas déjà plus de 571 lits de réanimation entre tous ses (44) hôpitaux et CHU ? sans compter la multitude de cliniques privées.

Bref si la France a terminé son coloriage, le Maroc doit réapprendre ses tables de multiplication, avant de pouvoir déconfiner.
 
Professeur Aziza Benkirane



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