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Transition énergétique : Hydrogène vert, un nouveau souffle pour l’industrie marocaine


Rédigé par Abdallah MOUTAWAKIL Jeudi 19 Mai 2022

La production d’hydrogène vert au Maroc figure parmi les grands objectifs de la stratégie énergétique. Pour le Royaume, c’est une manière de préserver l’environnement, mais surtout de donner un nouveau souffle à la production industrielle. L’hydrogène fait l’affaire de nombreux géants nationaux, à commencer par l’OCP.



« L’hydrogène est le complet royal des énergies renouvelables ». L’auteur de cette déclaration n’est autre qu’Abdellatif Miraoui, alors directeur général de l’Institut National des Sciences Appliquées de Rennes (INSA). Aujourd’hui, il est à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation. C’est en homme conscient du potentiel de l’hydrogène qu’il essaiera d’orienter les efforts scientifiques vers cette source d’énergie.

D’ailleurs, le gouvernement en est plus que conscient, puisque son homologue en charge de l’Industrie et de l’investissement, Ryad Mezzour, vient de signer deux conventions sur la décarbonation de l’industrie, mais également sur l’utilisation de l’hydrogène vert au Maroc. Ce partenariat a été conclu le lundi 16 mai avec l’Organisation des Nations-Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), dont le secrétaire général, Gerd Muller, vient de consacrer au Maroc sa première visite sur le continent et dans le monde arabe.

Bonne nouvelle pour l’OCP

Selon plusieurs experts et acteurs de l’écosystème énergétique, la production de l’hydrogène au Maroc ferait l’affaire d’une bonne partie du secteur industriel. « L’hydrogène est utilisé dans plusieurs secteurs de l’industrie. C’est le cas notamment dans l’aciérie, la raffinerie, ou encore la production des engrais », note Saïd Mouline, directeur général de l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique (AMEE). Désormais, le défi est de n’utiliser que de l’hydrogène vert, le seul véritablement propre, du moment que l’hydrogène gris provient du gaz naturel, donc des énergies fossiles.

Au Maroc, de nombreux géants de l’industrie ont beaucoup à gagner avec l’hydrogène vert. A commencer par le premier producteur de matières premières exportables, à savoir l’Office Chérifien des Phosphates (OCP). « L’OCP importe de l’ammoniac.

Si le Maroc arrive à produire de l’hydrogène vert, cela va énormément contribuer à renforcer l’autonomie de l’Office dans ce volet », poursuit Saïd Mouline. Probablement, ce sera bientôt le cas d’ici quelques mois, puisqu’un important projet de production d’hydrogène vert au Maroc est en gestation.

Futur de l’automobile

Lancé l’été dernier, il devrait permettre, dès sa finalisation avant fin 2022, de produire 600 tonnes d’hydrogène vert. Ce projet de près de 8 milliards de dirhams est mené par une entreprise portugaise : Fusion Fuel Green et Consolidated Contractors (CCC), fournisseur mondial de solutions d’ingénierie.

Dénommé « HEVO Ammoniac Maroc », il ambitionne à terme de produire 31.850 tonnes par an d’hydrogène vert, 151.800 tonnes annuelles de nitrogène, et 183.650 tonnes d’ammoniac vert. Par ailleurs, à l’heure où le Royaume a fini de s’imposer comme un exportateur en puissance dans l’industrie automobile, un clin d’oeil à l’hydrogène serait plus que bienvenu. Et ce, pour une raison simple : à l’horizon 2030, on estime à environ 20% des véhicules du monde qui rouleront soit à l’hydrogène, soit à la batterie électrique. D’où l’intérêt pour le Maroc de se positionner, surtout que l’écosystème industriel national est un grand pourvoyeur de composant automobile à travers le monde.

En tout cas, ce ne sont pas les compétences qui manquent, sachant que le Marocain Faouzi Annajah vient tout juste de rendre public le premier prototype de voiture roulant entièrement à base d’hydrogène, produite par la société NamX.

Export

Globalement, pour le Royaume, en plus d’atteindre ses objectifs sur le plan environnemental, en faisant monter la part des renouvelables à plus de 53% du mix énergétique dans les prochaines années, le but est de doter l’industrie nationale de capacité de production et d’utilisation optimale de l’énergie à base d’hydrogène.

« La production de l’hydrogène vert au Maroc favorisera sa croissance économique, contribuera à la décarbonation de son industrie et renforcera la sécurité de son approvisionnement en intrants énergétiques et non énergétiques », préconise la feuille de route nationale sur l’hydrogène vert.

Plus encore, conscient des besoins en hydrogène des pays partenaires européens, le Maroc se positionne déjà comme un futur exportateur d’hydrogène.



Abdellah MOUTAWAKIL

 

Repères

Hydrogène : faire la différence entre le vert et le gris
Quand on parle d’hydrogène, il faut faire la différence entre deux hydrogènes : le vert et le gris. Ce dernier provient de ressources fossiles comme le gaz naturel. Il est déjà très utilisé dans de nombreuses industries, même au Maroc. L’enjeu porte désormais sur l’hydrogène vert, jugé plus propre et plus respectueux de l’environnement. Au Maroc, tous les efforts portent sur l’usage de cette énergie verte.
Hydrogène : les investisseurs à l’affut !
« Au regard du potentiel du Maroc dans la production d’hydrogène, notre pays intéresse les investisseurs étrangers », indique Saïd Mouline, directeur générale de l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique. Mais pour l’heure, cette filière commence à peine à laisser entrevoir ses opportunités. Les années à venir devront certainement marquer son véritable envol. A ce propos, les conventions signées avec l’ONUDI vont certainement baliser le terrain pour les futurs producteurs nationaux et internationaux.

L'info...Graphie


Hydrogène


Un rang mondial à tenir
 
Selon des estimations officielles, le Maroc peut capter jusqu’à 4% de la demande mondiale en molécules vertes. Et ce, « en raison de sa situation géographique optimale et de ses ressources exceptionnelles en énergies renouvelables », ce qui fait du Royaume un potentiel acteur clé du développement de la filière de l’hydrogène vert au niveau régional et mondial.

« L’Objectif est de positionner le Maroc dès aujourd’hui sur l’hydrogène vert en tant que solution technologique de conversion et de stockage d’énergie, à l’instar du Japon, de l’Allemagne, de la France, du Danemark, de l’Espagne », fait-on savoir au niveau des instances publiques en charge de la politique énergétique du Royaume.

Ainsi, la création de filières économiques et industrielles autour des molécules vertes, particulièrement l’hydrogène, l’ammoniac et le méthanol, contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre (jusqu’à 20%) et soutenir la décarbonation de pays partenaires.
 

Hydrogène


Cluster et grands projets
 
Selon la feuille de route sur l’hydrogène vert au Maroc, la demande nationale en hydrogène vert et ses dérivés est estimée à 4TWh en 2030, pour une puissance de 2GW en sources d’énergie renouvelable. En 2040, elle montera à 22TWh pour une puissance de 12GW, et 40TWh en 2050 pour une puissance d’environ 20GW.

Quant à la demande à l’export, elle est calculée à 10TWh en 2030, 46TWh en 2040 et 115TWh en 2050. « Ceci équivaut à un investissement cumulé de 90 milliards de dirhams à l’horizon de 2030 et 760 milliards de dirhams à l’horizon de 2050 », indique la feuille de route.

A ce propos, d’importants projets voient progressivement le jour, afin de concrétiser la vision du Maroc dans l’hydrogène. C’est le cas d’un projet ambitieux de référence pour la production d’hydrogène vert à partir de sources renouvelables entrepris par l’Agence Marocaine de l’Énergie Durable (MASEN).

Ce projet, conçu dans le cadre du partenariat maroco-allemand, est le premier en son genre au Maroc et en Afrique. Il porte sur la réalisation d’une centrale hybride photovoltaïque et éolienne pour alimenter une usine d’hydrogène vert d’une capacité d’électrolyse d’environ 100 MW.

La mise en service commercial du site est prévue entre 2024 et 2025. Par ailleurs, il faut également noter la création du « Cluster Maroc Hydrogène », qui ambitionne de réglementer la filière hydrogène vert et dérivés au niveau national, en interagissant avec les acteurs régionaux et en mettant en relation l’ensemble des parties prenantes.
 

3 questions à Yassine Elamine


« Le potentiel de l’hydrogène au Maroc est d’abord stratégique »
 
Pour Yassine Elamine, expert en certifications internationales et normes ISO, le potentiel de l’hydrogène au Maroc est d’abord stratégique. Le contexte actuel de tensions sur les énergies en fait même une urgence nationale.

- Quel est le potentiel économique de l’hydrogène au Maroc ?

- Plus qu’économique, le potentiel de l’hydrogène au Maroc est d’abord stratégique. L’établissement d’un écosystème national basé sur l’hydrogène permettrait de remplacer en priorité les importations d’ammoniac (dérivé azoté de l’hydrogène) par une production locale de cette matière première critique au secteur des engrais.

Le Maroc est le plus grand producteur de phosphate au monde, cependant, notre production nationale reste limitée. Avec le contexte géopolitique actuel, l’internalisation de la production d’hydrogène et d’ammoniac est une urgence nationale afin de préserver l’industrie clé du pays et d’asseoir la longueur d’avance internationale détenue par le Maroc.


- Que faut-il pour mieux favoriser les investissements dans l’hydrogène au Maroc ?


- Au vu de sa situation géographique favorable, le Maroc cherche à se positionner avec une priorité donnée à son potentiel d’exportateur vers l’Europe, où la demande est prévue forte dans les années à venir. L’Europe mise en partie sur l’hydrogène pour servir les véhicules utilitaires, poids lourds, cars et bus. L’initiative « Morocco Now » est excellente.

Davantage de synergies sont à créer entre l’AMDIE, l’AMEE et le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable afin de montrer à l’international le potentiel que représente le Maroc pour la production d’hydrogène.


- Selon vous, l’hydrogène peut-il être considéré au Maroc comme une alternative aux énergies fossiles et au charbon ?


- Les avantages de l’hydrogène sont nombreux, c’est une réelle solution pour remplacer les énergies fossiles (notamment pour les transports car l’autonomie est grande). On consomme de l’énergie sans directement émettre de gaz à effet de serre. Mais l’hydrogène n’est pas une solution miracle du point de vue écologique. Il génère des pollutions, et son faible rendement le rend peu avantageux pour les usages où l’électricité peut déjà remplacer les énergies fossiles. L’hydrogène présente par ailleurs des dangers non négligeables. En tant que combustible, il est hautement inflammable et ses fuites présentent donc un risque sérieux d’incendie.


Recueillis par A. M.

 








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