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International

Tout ce qu'il faut savoir sur le Plaquenil ?


Vendredi 10 Avril 2020

Au lendemain de la rencontre surprise entre Emmanuel Macron et Didier Raoult, que sait-on de la si controversée chloroquine et son dérivé l'hydroxychloroquine, actuellement expérimentée dans plusieurs pays, aux côtés d'autres molécules, contre le Covid-19 ?



Plaquenil médicame à base d'hydroxychloroquine au centre du protocole médical adopté au Maroc
Plaquenil médicame à base d'hydroxychloroquine au centre du protocole médical adopté au Maroc
La chloroquine, issue de la quinine, est prescrite depuis plusieurs décennies contre le paludisme, un parasite véhiculé par le moustique.

Il existe un dérivé, l'hydroxychloroquine (HC), mieux toléré, connu en France sous le nom de Plaquenil, utilisé contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde.

Dans l'attente d'un hypothétique vaccin, les scientifiques travaillent sur de nombreuses pistes thérapeutiques, dont plusieurs médicaments existants, comme des antiviraux ou l'hydroxychloroquine.

La chloroquine et l'hydroxychloroquine ont l'avantage d'être déjà disponibles, bon marché et bien connues.

Avant même le SARS-CoV-2, leurs propriétés antivirales ont fait l'objet de nombreuses études, in vitro ou sur des animaux et sur différents virus, avec dans certains cas, des résultats positifs.

Des études ont aussi montré des effets in vitro sur le nouveau coronavirus mais bien souvent, des résultats scientifiques in vitro ne se retrouvent pas in vivo chez l'homme.

En France, le Pr Didier Raoult et son équipe à l'Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection ont conclu dans plusieurs études à "l'efficacité" de l'hydroxychloroquine associée à l'azithromycine, un antibiotique, sur des patients malades.

Des scientifiques chinois ont également observé des signes d'efficacité dans des études cliniques.

Mais l'OMS et nombre de scientifiques estiment impossible de tirer cette conclusion sur la seule base de ces études, en raison de la manière dont elles sont élaborées, en particulier parce le nombre de patients est trop limité.

Preuve de la complexité du sujet, d'autres études, elles aussi limitées, ont abouti récemment à une absence d'efficacité.

Face aux critiques, le Pr Raoult a mis en ligne vendredi le résumé d'une nouvelle étude -non encore publiée par une revue scientifique- portant cette fois sur plus de 1.000 malades, qui pour 95% d'entre eux avaient des symptômes de faible gravité.

Le chercheur y affirme notamment qu'après 10 jours, plus de neuf sur dix (91,7%) n'avaient plus de charge virale.

Mais pour Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, en l'absence de groupe-témoin de patients (qui reçoivent un placebo), on ne peut pas savoir si le traitement est efficace.

"Ces résultats sont juste nuls et non avenus, ça ne nous apprend rien sur l'efficacité du traitement", estime sa consoeur Catherine Hill, qui souligne qu'au moins 85% des gens guérissent spontanément, sans aucun traitement.

En revanche, à rebours de nombre de ses confrères, le professeur Christian Peronne, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital de Garches, plaide lui aussi pour l'utilisation large et rapide de l'hydroxychloroquine.

C'est à cause de toutes ces inconnues qu'une très large partie de la communauté scientifique, ainsi que les autorités sanitaires françaises ou américaines notamment, appellent à des essais bien plus larges.

Le débat se focalise donc entre ceux qui appellent à la prudence, le temps de mener à bien ces essais, et ceux qui prônent une large utilisation du médicament au nom de l'urgence sanitaire.

De fait, les controverses autour de l'hydroxychloroquine ont largement dépassé la sphère scientifique pour devenir, en particulier en France, un sujet de débat public et politique très médiatisé, suscitant des discussions enflammées en famille et dans les médias mais aussi une pétition, de féroces empoignades sur les réseaux sociaux et même un sondage d'opinion.

En France le Pr Raoult a reçu le soutien de personnalités politiques, comme le maire de Nice Christian Estrosi, le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau ou l'ancien ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy.

Le président Emmanuel Macron a quant à lui rencontré plusieurs chercheurs travaillant sur des traitements potentiels, dont le Pr Raoult jeudi, sans qu'il s'agisse, selon l'Elysée, d'une "reconnaissance" de la méthode du chercheur marseillais.

Aux Etats-Unis, c'est le président Donald Trump lui-même qui s'en est fait l'apôtre officiel, malgré la prudence martelée par le Dr Anthony Fauci, son conseiller sur la pandémie.

Médecins, chercheurs et autorités sanitaires mettent en garde contre un engouement précipité pour ces substances, à cause du risque de pénurie pour les malades chroniques mais aussi en raison des nombreux effets indésirables.

Ils sont nombreux et peuvent être graves, notamment rénaux, dermatologiques ou cardiaques. Un surdosage peut être dangereux, voire mortel.

Des cas d'intoxications ont été signalés en France ou au Nigeria et, aux Etats-Unis, un homme est mort après avoir ingéré une forme de chloroquine destinée aux aquariums.

En France, l'Agence du médicament a mis en garde vendredi une nouvelle fois contre un traitement à base d'hydroxychloroquine seule ou avec l'azithromycine, en raison d'effets indésirables cardiaques.

Sept arrêts cardiaques de cette nature ont ainsi été signalés, dont quatre ont conduit au décès.

Le Pr Émile Ferrari qui dirige le service de cardiologie à l'hôpital Pasteur à Nice, a indiqué mardi à Nice-Matin avoir interrompu le protocole hydroxychloroquine + l'azithromycine chez une patiente en raison de "risques majeurs d'accident gravissime".

Des effets indésirables qui ont conduit certains hôpitaux suédois à stopper le traitement, selon la presse suédoise.

"Certes le Covid-19 tue mais il ne faudrait pas, chez des patients, dont l'évolution spontanée est favorable et en particulier chez des patients ambulatoires, que le remède soit plus néfaste que la maladie elle-même", ajoute le Pr Ferrari.

Compte tenu de l'explosion de demandes de chloroquine et d'hydroxycholoroquine depuis plusieurs semaines, on peut supposer que des médecins dans le monde entier en ont prescrit contre le Covid.

De fait, elles sont administrées à des malades du Covid-19 dans plusieurs pays, en général à l'hôpital, selon des modalités différentes.

Vendredi, le laboratoire français Sanofi, qui démultiplie sa production, a annoncé faire don de 100 millions de doses d'hydroxychloroquine à une cinquantaine de pays pour traiter les malades atteints du Covid-19.

Pourtant ces médicaments ne devraient "être utilisés que pour des essais cliniques ou des programmes d'urgence" dans le cadre de protocoles stricts validés dans chaque pays, selon l'Agence européenne du médicament.

Aux Etats-Unis, l'agence du médicament (FDA) a autorisé l'utilisation, uniquement à l'hôpital, contre le Covid-19, "de manière adaptée, quand un essai clinique n'est pas disponible ou faisable".

La France a restreint l'usage de l'hydroxychloroquine à l'hôpital uniquement et seulement pour les cas graves.

L'Agence suédoise du médicament est allée plus loin et a décidé le 2 avril de limiter la prescription de chloroquine et hydroxychloroquine uniquement à certaines pathologies, non Covid-19, compte tenu du manque de données sur leur innocuité pour les malades du Covid.

Au Sénégal, de nombreux malades du coronavirus ont reçu de l'hydroxychloroquine en milieu hospitalier, tandis que par exemple le Maroc souhaite y recourir pour "les cas confirmés".

Parallèlement sont lancés des essais cliniques destinés à tester son efficacité et sa sûreté pour les malades du Covid, selon un protocole respectant la stricte orthodoxie scientifique.

En France, le CHU d'Angers a lancé avec d'autres hôpitaux une étude sur 1.300 patients (Hycovid).

Un essai européen (Discovery) teste quatre traitements, dont l'hydroxycholoroquine, sur 3.200 patients dont 800 cas graves en France. De premières observations intermédiaires sont imminentes.

L'OMS doit aussi lancer un vaste essai clinique international.

AFP








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