Dès le 8 décembre, l’appareil judiciaire va fonctionner selon le nouveau code de procédure pénale récemment promulgué. Le pouvoir du parquet est profondément restructuré, comme le montre la nouvelle note adressée par le président du Ministère public, Hicham Balaoui, aux procureurs.
Désormais, les poursuites ne sont plus systématiques. Les dénonciations anonymes ne suffisent plus pour lancer une action judiciaire, à moins qu’elles n’apportent suffisamment d’indices constitutifs d’une infraction, établis par la police judiciaire. Idem pour les infractions liées aux deniers publics qui ne peuvent être signalées que par les institutions de l’État (Cour des Comptes, inspection des finances, organes ministériels, Instance de probité…). Pour tout le reste, le parquet garde le monopole absolu. Là, on voit bien la touche personnelle du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui a pu en finir avec ce qu’il déteste le plus : les dénonciations calomnieuses. Car, dans la philosophie de la réforme, la présomption d’innocence est si précieuse qu’elle vaut qu’on durcisse la saisine du parquet. Cela dit, la rumeur n’est plus un gage pour traduire quelqu’un devant la justice. Ouahbi en a fait un de ses chevaux de bataille. Les dénonciations, pense-t-il, étaient souvent utilisées comme un moyen de règlement de compte ou de vengeance. D’où la vigilance. Si la réforme barre la route aux esprits véreux, elle n’encourage pas assez les lanceurs d’alerte, surtout dans les affaires de corruption. Ceux-ci doivent passer par les institutions de l’État. Or, l’état embryonnaire de l’Instance de Probité et la bureaucratie étouffante des procédures sont autant de facteurs de découragement.
Par ailleurs, l’introduction d’une nouvelle dose de justice négociée va aussi allonger le chemin vers le juge. L’action publique n’est plus une fin en soi. La répression n’est plus perçue comme la réponse inéluctable et, par conséquent, la justice peut dans certains cas être instruite en dehors des prétoires.
Comme dans les séries américaines, le parquet peut désormais proposer des deals dans un large éventail de petits délits comme le vol, l’abus de confiance ou quelques actes de violence… S’il y a accord entre les parties, l’action publique tombe sans arriver au juge. Ainsi, dans ce genre de cas, le parquet est dépourvu de sa capacité de poursuite systématique au mépris de la réconciliation. En somme, tout est fait pour que le juge ne soit pas l’unique point d’arrivée et que les tribunaux ne soient plus engorgés par du menu fretin judiciaire.



















