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International

Systèmes de cuisson dangereux : Protéger la population africaine contre une pratique nocive


Rédigé par Wolondouka SIDIBE Lundi 20 Mai 2024

Comment mettre fin au recours des foyers de cuisson ouverts ou à des poêles rudimentaires alimentés au bois, charbon de bois, charbon, kérosène, déchets agricoles ou bouses en Afrique ? Une pratique qui a des conséquences multiples sur la vie des populations, notamment les femmes et les enfants. Un sommet vient de se tenir à Paris sur cette question. Grille de lecture.



Le constat est alarmant. En effet, près de 2,3 milliards de personnes, dont plus d'un milliard en Afrique, doivent aujourd’hui cuire leurs aliments sur feu ouvert ou sur des poêles rudimentaires chauffées par du charbon, du fumier, du bois, des déchets agricoles...Et le ministre malgache de l'Énergie, Olivier Jean-Baptiste, paraphrase en ces termes : « Dans mon pays, 90% des ménages sont encore au bois et au charbon, et 100.000 hectares de forêt disparaissent chaque année, dont un tiers en raison des besoins culinaires ».

Le décor est planté pour parler de l’importance d'un sommet, tenu récemment à Paris, destiné à favoriser l'équipement des ménages africains en systèmes de cuisson non dangereux, un enjeu sanitaire, social et climatique majeur. D’ailleurs, un rapport de l’Agence internationale de l'énergie (AIE)-Banque africaine de développement (BAD)-ONU avait lancé l'alerte l’an dernier sur ce phénomène.

Toujours sur le même registre, le rapport indique qu’en Afrique sub-saharienne, les méthodes impropres à la cuisson sont la 2ème cause de décès prématuré, plus d'un milliard de personnes sont concernées, en premier chef les femmes et les enfants. Sans compter que le fait de brûler ces combustibles pollue l'air intérieur comme extérieur avec des particules fines qui pénètrent dans les poumons et causent de multiples problèmes respiratoires et cardiovasculaires, jusqu'à des cancers ou des AVC.

Les émanations provoquent chaque année 3,7 millions de morts, troisième cause de décès prématurés dans le monde et deuxième en Afrique. Chez le jeune enfant, c'est une cause majeure de pneumonie.Les premières victimes en sont les femmes et les enfants, qui passent des heures chaque jour à chercher des combustibles, autant de temps non consacré à l'école. 
 
Engagements financiers

C’est à juste raison, d’ailleurs, que gouvernements, institutions, ONU, entreprises... quelque 800 participants et représentants de 50 pays ont pris part à cette rencontre au siège de l'Unesco à l'invitation de l'AIE, de la BAD et des dirigeants tanzanien et norvégien.Selon les organisateurs, l’objectif premier de cette réunion, avant tout centrée sur l'Afrique, première zone concernée, est de réunir des engagements financiers et en termes de projets.

En la matière, les annonces faites donnent de l’espoir. Lors de la rencontre de Paris, ces annonces se sont élevées à 2,2 milliards de dollars, et viennent en plus celles déjà connues. D’autres promesses sont venues pour un peu plus de la moitié du secteur privé, pour environ 30% de prêts à conditions très favorables, essentiellement d'origine publique, et pour 15% de crédits carbone.

Pourtant, les financements nécessaires pour résoudre ce problème sont modestes, selon l'AIE, qui suit le sujet depuis 25 ans, il faudrait 4 milliards de dollars annuels pour régler en grande partie le problème en Afrique d'ici à 2030, quand seulement 2 milliards sont aujourd'hui investis dans le monde, pour l'essentiel hors du continent africain.

Parmi les initiatives des entreprises privées, TotalEnergies a annoncé son intention d'investir plus de 400 millions de dollars dans le développement et la distribution en Afrique et en Inde de gaz de pétrole liquéfié (GPL) destiné à la cuisson.GPL, électricité, granulés à base de déchets agricoles, bioéthanol à base de cultures sucrières…, les propositions varient pour remplacer les systèmes actuels. Plutôt « lowtech », mais encore trop chères pour un foyer moyen, qui doit être soutenu.

Ce qui fait dire à la présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan, qu’assurer un accès général à des modes de cuisson propres en Afrique requiert un financement abordable et durable. Pour sa part, le président du Togo, Faure Gnassingbé, regrette que l’on avance trop lentement avant de marteler que la cuisson traditionnelle n'était plus soutenable.

Pour lui, les réseaux électriques en Afrique restent souvent déficients. D’où il a plaidé pour le GPL tout en appelant les institutions réticentes à subventionner des énergies fossiles à « envisager une exception ».Quant au secrétaire de l'ONU pour le climat (Ccnucc), Simon Stiell, il a appelé, non sans résignation, les États à inclure des mesures en la matière dans leurs futurs engagements climatiques nationaux, attendus pour 2025. Pour l’instant, seuls 60 pays l'ont fait.
 
Fumées toxiques

Le Sommet de Paris a permis de révéler que de nombreux projets, publics ou privés, visent à remplacer ces foyers de cuisson par des cuisinières ou des mini-poêles plus efficaces. C'est-à-dire plus fermés dans le but de dissiper moins de chaleur et utiliser moins de combustible (charbon, bois, fioul), tout en réduisant les fumées nocives, voire par des systèmes fonctionnant avec des sources d'énergies plus « vertes » (électricité, biogaz, bioéthanol, granulés).

Une étude fait savoir que le coût d'un de ces mini-poêles est de quelques dizaines de dollars, inabordable pour les plus pauvres.Plus de 1.300 de ces projets, la plupart en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, ont permis ces deux dernières décennies de générer des crédits carbone - un crédit équivalant à une tonne de CO2 retirée ou empêchée de rentrer dans l'atmosphère grâce à un projet -, selon la base de données du Berkeley Carbon Trading Project qui recense l'immense majorité des projets de crédits carbone dans le monde.

Aujourd’hui, plus de 53 millions des crédits carbone ont été utilisés principalement par des entreprises pour compenser leurs propres émissions de CO2, le reste est encore techniquement en circulation.

Leur prix est en moyenne de quelques dollars la tonne quand les experts recommandent de dépasser les 100 dollars pour rendre les investissements dans la transition attractifs. Une partie de cet argent est censé revenir aux populations locales. Un vaste programme en perspective.








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