Si ces derniers mois, la pandémie s’est accaparé toutes les attentions, un autre spectre, pas si nouveau, celui de la pénurie d’eau resurgit alors que les pluies automnales se font très timides, et que les niveaux des barrages du Royaume sont au plus bas. Le 20 octobre dernier, un webinaire organisé par la Coalition Marocaine pour l’Eau (COALMA) sous le thème « le Maroc face au stress hydrique, l’urgence d’agir ensemble », a réuni plusieurs experts, acteurs de la société civile et représentants étatiques afin de débattre des moyens de prendre « des mesures rapides face à la menace réelle du stress hydrique au Maroc ». Dans son mot d’introduction, Mme Houria Sadeq Tazi, présidente de COALMA, a souligné que « le stress hydrique nous impose de repenser des questions liées à la gouvernance, à la participation des parties prenantes et aux impacts sur l’économie, d’autant plus que nous vivons déjà des difficultés dues à la pandémie de la Covid 19 ».
Une menace réelle
Pendant près de trois heures, les divers intervenants ont tenté d’évoquer les différents aspects du sujet - très complexe - et de proposer des pistes de réflexion et de solutions. À la source de toutes les préoccupations, des indicateurs qui certifient que le problème du stress hydrique se constate chaque jour sur le terrain. « L’écart cumulé entre les ressources en eau mobilisées et la demande en eau exprimée en 2020 pour tous les bassins hydrauliques est de l’ordre de 3 milliards de m3/an. Les volumes prélevés des aquifères sont estimés pour leur part à près de 5 milliards de m3/an, soit une surexploitation de 1,1 milliard de m3», a expliqué, dans son intervention, M. Hassan Agouzoul, expert en changement climatique et en développement durable. L’indice le plus explicite du stress hydrique au Maroc s’illustre cependant dans la chute vertigineuse de la disponibilité de l’eau qui est, selon la FAO, passée de 2500m3 par an et par habitant en 1960 à près de 650m3 en 2020.
Plusieurs pistes à prospecter
Lors de cette conférence en ligne, l’intervention de Moulay Driss Hasnaoui, Chef de la Division des Ressources en Eau à la Direction Générale de l’Eau, s’en penchée sur les solutions possibles pour lutter contre l’envasement des retenues des barrages. Mohamed Rifki, Chef de service d’assainissement au niveau de la Direction de l’eau et de l’assainissement au ministère de l’Intérieur, a pour sa part rappelé les grandes lignes du plan-programme prioritaire national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027. Plusieurs aspects techniques ont tour à tour été évoqués, et notamment celui de l’amélioration de l’accès aux financements pour les projets. « Dans le contexte de réflexion sur des plans de relance économique et sociale durable et résiliente où les ressources budgétaires et financières se font rares, il convient d’innover en matière de stratégie de diversification des ressources de financement et de captage des nouveaux instruments financiers dédiés au climat et à l’implémentation des objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 », nous confie M. Hassan Agouzoul.
« Branding climatique »
L’expert souligne ainsi la nécessité de développer une stratégie efficace de « branding climatique » auprès des marchés financiers internationaux et du secteur financier et bancaire national, pour la mise en œuvre notamment des projets programmés dans le cadre du programme prioritaire 2020- 2027 et du Plan National de l’Eau (PNE) Maroc 2050 et l’atteinte de l’ODD N°6 de l’Agenda 2030. « Il est, à mon sens, urgent d’intégrer les risques climatiques et environnementaux dans le système de management des risques des processus et produits du secteur bancaire et financier national. D’autre part, la présentation des projets qui ont pour ambition d’améliorer la résilience et la sécurité hydrique du Maroc ne doit pas se réduire à un branding pour un projet d’infrastructure. Même si l’ouvrage en question est une infrastructure clé, le montage technique, institutionnel et financier du projet d’investissement dans le secteur de l’eau et son « branding » auprès des bailleurs de fonds à l’international doivent mettre en valeur sa dimension climatique et notamment sa contribution au renforcement des capacités d’adaptation et d’atténuation des vulnérabilités climatiques pour améliorer les chances d’obtention d’un financement justement dédié à ce genre de finalité », conclut l’expert.
Une menace réelle
Pendant près de trois heures, les divers intervenants ont tenté d’évoquer les différents aspects du sujet - très complexe - et de proposer des pistes de réflexion et de solutions. À la source de toutes les préoccupations, des indicateurs qui certifient que le problème du stress hydrique se constate chaque jour sur le terrain. « L’écart cumulé entre les ressources en eau mobilisées et la demande en eau exprimée en 2020 pour tous les bassins hydrauliques est de l’ordre de 3 milliards de m3/an. Les volumes prélevés des aquifères sont estimés pour leur part à près de 5 milliards de m3/an, soit une surexploitation de 1,1 milliard de m3», a expliqué, dans son intervention, M. Hassan Agouzoul, expert en changement climatique et en développement durable. L’indice le plus explicite du stress hydrique au Maroc s’illustre cependant dans la chute vertigineuse de la disponibilité de l’eau qui est, selon la FAO, passée de 2500m3 par an et par habitant en 1960 à près de 650m3 en 2020.
Plusieurs pistes à prospecter
Lors de cette conférence en ligne, l’intervention de Moulay Driss Hasnaoui, Chef de la Division des Ressources en Eau à la Direction Générale de l’Eau, s’en penchée sur les solutions possibles pour lutter contre l’envasement des retenues des barrages. Mohamed Rifki, Chef de service d’assainissement au niveau de la Direction de l’eau et de l’assainissement au ministère de l’Intérieur, a pour sa part rappelé les grandes lignes du plan-programme prioritaire national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027. Plusieurs aspects techniques ont tour à tour été évoqués, et notamment celui de l’amélioration de l’accès aux financements pour les projets. « Dans le contexte de réflexion sur des plans de relance économique et sociale durable et résiliente où les ressources budgétaires et financières se font rares, il convient d’innover en matière de stratégie de diversification des ressources de financement et de captage des nouveaux instruments financiers dédiés au climat et à l’implémentation des objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 », nous confie M. Hassan Agouzoul.
« Branding climatique »
L’expert souligne ainsi la nécessité de développer une stratégie efficace de « branding climatique » auprès des marchés financiers internationaux et du secteur financier et bancaire national, pour la mise en œuvre notamment des projets programmés dans le cadre du programme prioritaire 2020- 2027 et du Plan National de l’Eau (PNE) Maroc 2050 et l’atteinte de l’ODD N°6 de l’Agenda 2030. « Il est, à mon sens, urgent d’intégrer les risques climatiques et environnementaux dans le système de management des risques des processus et produits du secteur bancaire et financier national. D’autre part, la présentation des projets qui ont pour ambition d’améliorer la résilience et la sécurité hydrique du Maroc ne doit pas se réduire à un branding pour un projet d’infrastructure. Même si l’ouvrage en question est une infrastructure clé, le montage technique, institutionnel et financier du projet d’investissement dans le secteur de l’eau et son « branding » auprès des bailleurs de fonds à l’international doivent mettre en valeur sa dimension climatique et notamment sa contribution au renforcement des capacités d’adaptation et d’atténuation des vulnérabilités climatiques pour améliorer les chances d’obtention d’un financement justement dédié à ce genre de finalité », conclut l’expert.
Oussama ABAOUSS
3 questions à Hassan Agouzoul, expert en changement climatique
Hassan Agouzoul
« Les impacts négatifs de la pénurie d’eau potable peuvent générer une instabilité sociale »
Pour comprendre les enjeux du chantier de lutte contre la pénurie hydrique, nous avons posé nos questions à M. Hassan Agouzoul, expert en changement climatique et en développement durable.
- Quelles sont les menaces liées au stress hydrique au Maroc ?
- Dans le pire scénario, les impacts négatifs de la pénurie d’eau potable peuvent éventuellement générer une instabilité sociale et aggraver les inégalités territoriales. La problématique nécessite donc une réponse politique urgente et devrait être considérée comme l’un des principaux garants de la paix sociale au niveau du pays et un facteur de soutenabilité et de résilience de son futur modèle de développement.
- Comment doit se décliner théoriquement la réponse à cette problématique ?
- Cette réponse doit émaner d’une politique à la fois protectrice et valorisante de la ressource, mais également d’une approche novatrice inspirée des meilleures pratiques en matière de gouvernance participative et intégrée du cycle de l’eau.
- Quels sont les leviers qui peuvent être actionnés à cet effet ?
- Plusieurs leviers peuvent être activés, notamment celui du contrôle effectif et strict des prélèvements et de la pollution de l’eau par les agriculteurs et les industriels (police de l’eau et de l’environnement), l’ouverture du chantier stratégique de la réforme équitable et incitatif de la tarification de l’eau, la mise en place d’une forte synergie entre la politique d’énergies renouvelables et le Plan National de l’Eau, l’utilisation accrue des technologies numériques pour une économie circulaire de l’eau dans l’agriculture et dans les villes et aussi la mise en place d’un système national de fiscalité verte coercitive et incitative à l’économie des ressources naturelles.
Pour comprendre les enjeux du chantier de lutte contre la pénurie hydrique, nous avons posé nos questions à M. Hassan Agouzoul, expert en changement climatique et en développement durable.
- Quelles sont les menaces liées au stress hydrique au Maroc ?
- Dans le pire scénario, les impacts négatifs de la pénurie d’eau potable peuvent éventuellement générer une instabilité sociale et aggraver les inégalités territoriales. La problématique nécessite donc une réponse politique urgente et devrait être considérée comme l’un des principaux garants de la paix sociale au niveau du pays et un facteur de soutenabilité et de résilience de son futur modèle de développement.
- Comment doit se décliner théoriquement la réponse à cette problématique ?
- Cette réponse doit émaner d’une politique à la fois protectrice et valorisante de la ressource, mais également d’une approche novatrice inspirée des meilleures pratiques en matière de gouvernance participative et intégrée du cycle de l’eau.
- Quels sont les leviers qui peuvent être actionnés à cet effet ?
- Plusieurs leviers peuvent être activés, notamment celui du contrôle effectif et strict des prélèvements et de la pollution de l’eau par les agriculteurs et les industriels (police de l’eau et de l’environnement), l’ouverture du chantier stratégique de la réforme équitable et incitatif de la tarification de l’eau, la mise en place d’une forte synergie entre la politique d’énergies renouvelables et le Plan National de l’Eau, l’utilisation accrue des technologies numériques pour une économie circulaire de l’eau dans l’agriculture et dans les villes et aussi la mise en place d’un système national de fiscalité verte coercitive et incitative à l’économie des ressources naturelles.
Recueillis par O. A.
Encadré
Stratégie : 2ème réunion du comité de pilotage du PNE 2020-2027
La deuxième réunion du Comité de pilotage du Programme national 2020-2027 d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation a eu lieu à Rabat, mercredi 27 octobre. Dans son mot d’ouverture, le Chef du gouvernement Saâd Dine El Otmani qui a présidé cette réunion, a rappelé les grandes réalisations du Royaume dans le domaine de l’eau. Suite à l’accord-cadre relatif à l’application du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation pour la période 2020-2027 qui a été conclu le 7 janvier 2020, pour une enveloppe de 115,4 milliards de dirhams, M. El Otmani a appelé l’ensemble des parties prenantes à ce programme à redoubler d’efforts en vue d’assurer sa mise en œuvre, dans le dessein d’assurer l’alimentation en eau potable et d’irrigation et limiter les effets des changements climatiques. Le ministre de l’Équipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, a ensuite présenté la situation hydrique actuelle dans le Royaume et le bilan d’étape de la réalisation du Programme en évoquant les projets prévus dans le cadre du Programme durant l’année 2021. Le ministre de l’Intérieur a pour sa part passé en revue l’état d’avancement des projets relatifs au renforcement de l’alimentation en eau potable dans le monde rural, la réutilisation des eaux usées et l’économie de l’eau. Après des présentations du ministre de l’Agriculture et du directeur général de l’ONEEP, le comité a approuvé une série de décisions et de recommandations liées au suivi du Programme, sa gestion et la mise à jour de ses composantes.
La deuxième réunion du Comité de pilotage du Programme national 2020-2027 d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation a eu lieu à Rabat, mercredi 27 octobre. Dans son mot d’ouverture, le Chef du gouvernement Saâd Dine El Otmani qui a présidé cette réunion, a rappelé les grandes réalisations du Royaume dans le domaine de l’eau. Suite à l’accord-cadre relatif à l’application du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation pour la période 2020-2027 qui a été conclu le 7 janvier 2020, pour une enveloppe de 115,4 milliards de dirhams, M. El Otmani a appelé l’ensemble des parties prenantes à ce programme à redoubler d’efforts en vue d’assurer sa mise en œuvre, dans le dessein d’assurer l’alimentation en eau potable et d’irrigation et limiter les effets des changements climatiques. Le ministre de l’Équipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, a ensuite présenté la situation hydrique actuelle dans le Royaume et le bilan d’étape de la réalisation du Programme en évoquant les projets prévus dans le cadre du Programme durant l’année 2021. Le ministre de l’Intérieur a pour sa part passé en revue l’état d’avancement des projets relatifs au renforcement de l’alimentation en eau potable dans le monde rural, la réutilisation des eaux usées et l’économie de l’eau. Après des présentations du ministre de l’Agriculture et du directeur général de l’ONEEP, le comité a approuvé une série de décisions et de recommandations liées au suivi du Programme, sa gestion et la mise à jour de ses composantes.
Repères
La pénurie, là où on ne s’y attend pas
Selon un rapport du World Resources Institute (WRI) qui a étudié la situation de 165 pays, le Royaume est le 23ème État le plus menacé par les pénuries d’eau. Une carte publiée par WRI montre que les zones les plus touchées par la menace de pénurie d’eau au Maroc sont des régions peuplées et loin d’être arides (Gharb, Rabat, Chaouia et Doukkala). Le WRI recommande différentes mesures à prendre d’urgence pour les pays les plus touchés, et notamment le recours à une agriculture efficace et moins gourmande en eau.
34 barrages d’ici 2027
Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, élaboré en exécution des orientations de S.M. Roi Mohammed VI et lancé le 7 janvier 2020, vise à renforcer le potentiel hydrique national en portant le nombre des barrages à 179. 14 barrages sont actuellement en cours de construction, et 20 autres seront prêts à l’horizon 2027. Grâce à ce programme, le Royaume compte augmenter les capacités de ses réserves en eau (18 milliards de m3 en 2020 vers 27 milliards de m3en 2027).