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Stress hydrique au Maghreb: Comment le Maroc continue à éviter le scénario catastrophe


Rédigé par Omar ASSIF Jeudi 27 Avril 2023

Si les pays du Maghreb font face au même spectre de la pénurie hydrique, le Royaume est plus avantagé, autant par ses atouts naturels que par les avancées de son chantier de l’eau.



Alors que s’égrènent les derniers jours d’avril, se profile à l’horizon le retour de l’été, des canicules et parfois, hélas, des pénuries d’eau potable. Une situation que vivent les pays du Maghreb avec plus ou moins d’intensité et de résilience, surtout après plusieurs années marquées par une baisse notable des précipitations pluviométriques et une longue période de sècheresse. Si jusqu’alors, la pénurie hydrique était ressentie plus fortement en Algérie avec des ruptures d’approvisionnement en eau potable - qui sont devenues monnaie courante dans plusieurs régions -, la Tunisie semble également subir cette année le plein fouet de la précarité hydrique. En témoigne l’arrêté du ministère tunisien de l’Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydrauliques, publié le 31 mars 2023 et interdisant avec effet immédiat l’utilisation de l’eau potable dans l’agriculture sur une période de 6 mois allant jusqu’en septembre 2023.

La décision des autorités tunisiennes s’applique également à d’autres activités, dont l’irrigation des espaces verts, le nettoyage des rues et des espaces publics, ainsi que pour le lavage des voitures, et cela sur l’ensemble du territoire. En dépit de son caractère impopulaire, cette mesure est le seul moyen que les décideurs étatiques tunisiens ont trouvé pour optimiser les chances d’éviter des ruptures d’approvisionnement en eau potable durant les longs mois d’été à venir. 
 
Changement climatique

Actuellement, les trois pays du Maghreb font face à une réalité implacable : les changements climatiques et leurs diverses manifestations extrêmes sont à l’œuvre plutôt que prévu. Ainsi, selon un rapport du Réseau méditerranéen des experts en environnement et changements climatiques (MedeCC), la zone subit une augmentation de températures à un rythme 20% plus élevé que les moyennes mondiales, qui pourrait, sans action supplémentaire, atteindre +2,2°C dès 2040 et aller jusqu’à +3,8 °C dans certaines régions en 2100. « Les ressources en eau du Maroc sont estimées entre 650 et 750m3 par an et par habitant, alors qu’il est question en Algérie de 430 m3 par an et par habitant et de 410 m3 par an et par habitant en Tunisie. Ces chiffres sont évidemment à prendre avec prudence puisqu’il s’agit d’estimations. Cela dit, en termes d’ordre de grandeur, ces moyennes reflètent une réalité dans laquelle le Maroc a une certaine avance.

Les trois pays sont cependant tous sous le seuil de la pénurie hydrique qui est défini à moins 1000m3 par an et par habitant », nous explique un expert en gestion des ressources hydriques. Si le Royaume semble relativement privilégié par rapport à ses voisins de l’Est, une des principales raisons est un certain « avantage pluviométrique » découlant de sa position géographique et de ses hauts reliefs montagneux.
 
Le coup de pouce de l’Atlas

« Les montagnes de l'Atlas au Maroc sont considérées comme l'un des châteaux d'eau de l'Afrique, et reçoivent plus de précipitations que leurs alentours plus bas. Avec des variations extrêmes dans les caractéristiques géographiques, la proximité de la côte, etc., les précipitations au Maghreb sont très variables à la fois dans l'espace et dans le temps. C'est au Maroc que l'on observe la plus grande variation des précipitations. Avec des quantités de plus de 800 mm dans les zones montagneuses du Nord (résultant en un excédent de précipitations par rapport à l'évapotranspiration) à moins de 300 mm dans le Sud (déficit de précipitations par rapport à l'évapotranspiration) », peut-on ainsi lire dans un autre rapport, paru en avril 2021, sur l’utilisation de l’eau dans le domaine agricole au Maroc, en Algérie et en Tunisie.

Si le Royaume se retrouve avantagé dans sa situation hydrique actuelle, les raisons ne peuvent cependant pas être réduites à ses seuls atouts naturels. « Par rapport aux autres pays de la région, le Maroc est très avancé dans sa stratégie en termes de gestion des ressources en eau. Les autres pays du Maghreb s’inspirent souvent du Maroc dans leurs propres politiques. Il faut en revanche admettre qu’il y a un effort à faire en matière d’opérationnalisation des politiques hydriques engagées par le Royaume », nous expliquait en 2021 Dr Redouane Choukr’Allah, expert en agriculture durable et co-auteur du rapport en question.
 
Intensification des efforts

Depuis, le vital chantier de l’eau au Maroc s’est intensifié encore plus, capitalisant sur des acquis précieux, notamment en matière d’infrastructures hydrauliques. Ainsi, la gestion intégrée des ressources en eau - qui a été consacrée dans l’arsenal juridique national - se retrouve progressivement mise en œuvre à travers une approche territorialisée par les Agences des Bassins Hydraulique et les diverses parties prenantes concernées. Une dynamique qui s’est intensifiée encore plus suite aux instructions de SM le Roi Mohammed VI qui avaient été déclinées lors de son discours prononcé au parlement en octobre dernier. Ainsi, pour résumer l’approche stratégique actuelle du ministère de l’Equipement et de l’Eau, M. Nizar Baraka avait récemment expliqué qu’en plus du pilier « classique » relatif à la mobilisation des eaux conventionnels, la vision actuelle s’emploie à renforcer deux autres nouveaux piliers stratégiques, à savoir : l’utilisation des eaux non-conventionnelles et la gestion de la demande hydrique. « Auparavant, il était plus question de gérer l’offre hydrique, actuellement, nous estimons fondamental de gérer la demande à travers la limitation du gaspillage, l’augmentation de la rentabilité des réseaux de distribution de l’eau et l’activation des contrats de nappe.

L’idée fondamentale étant que nous disposons aujourd’hui d’une stratégie où les efforts sont équilibrés au niveau de ces trois composantes et catégories d’action », précise le ministre. Si le Maroc n’a pas échappé à des épisodes de pénurie durant lesquels des mesures d’urgence ont dû être mises en œuvre, force est de constater que notre pays continue à faire face aux défis hydriques avec autant de lucidité que de sérénité.
 
Omar ASSIF