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Statut d’Israël à l’UA : Le Maroc se tient à l’écart de la polémique


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 8 Février 2022

En plein débat sur le statut d’observateur de l’Etat d’Israël à l’Union Africaine, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a exprimé la position du Maroc tout en fustigeant les contradictions des pays qui instrumentalisent la cause palestinienne. Éclairage.



Le 35ème Sommet de l’Union Africaine s’est transformé aussitôt en une lutte entre quelques pays au sujet du statut d’observateur d’Israël. Après des discussions intenses, l’instance panafricaine a fini par suspendre le débat sur l’accréditation accordée à Israël en juillet 2021 par le Président de la Commission de l’Union, Moussa Faki Mahamat.

Bien que la majorité des pays du continent approuve la présence de l’Etat hébreu au sein de l’instance panafricaine, quelques-uns, dont l’Algérie et l’Afrique du Sud, se livrent à une fronde pour le chasser, en inscrivant cela à l’ordre du jour. Sur ce point, le Maroc reste serein et ne se laisse pas emballé par le débat ambiant. Lors d’une interview accordée dimanche à France 24 et Radio France Internationale, le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des MRE, Nasser Bourita, s’est prononcé sur cette polémique, qui dure depuis le commencement des travaux du Sommet de l’UA.

Interrogé sur la position officielle du Maroc sur ce point, le chef de la diplomatie marocaine s’est dit favorable à la mise en oeuvre des textes fondateurs de l’Union. Profitant de cette occasion, Nasser Bourita n’a pas manqué de fustiger l’attitude des pays qui tentent d’imposer leur position au reste des Etats.

Force est de constater que 44 pays, sur les 54 pays du continent, entretiennent des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu et ne font aucune objection à son statut d’observateur. «Il faut comprendre que l’Union Africaine a changé et qu’il n’est plus la chasse gardée de qui que ce soit», a-t-il asséné, en faisant allusion aux pays qui contestent la présence de l’Etat hébreu au sein de l’UA. Selon M. Bourita, ces derniers se prévalent de ce sujet pour créer un débat sous des prétextes qui n’ont aucune relation avec la cause palestinienne.

La question est claire aux yeux du Maroc qui ne veut pas se mêler d’une controverse inutile. Pour la diplomatie marocaine, l’octroi du statut d’observateur à quelque pays que ce soit est du ressort du président de la Commission de l’UA, seul habilité à examiner ce genre de sujets sans se concerter avec les Etats membres. Pour cette raison, le chef de la diplomatie marocaine plaide pour le strict respect des textes et des procédures de l’Union. «Le Maroc, pour sa part, respecte les procédures et les prérogatives du président de la Commission», a-t-il expliqué, ajoutant que la majeure partie des Etats africains soutiennent le respect des procédures. Une condition sine qua non pour que l’Union Africaine reste crédible.

Bourita fustige l’hypocrisie de l’Afrique du Sud

Parmi les pays qui mènent la fronde contre Israël au sein de l’UA, se trouve l’Afrique du Sud, dont Nasser Bourita a critiqué la contradiction et sa volonté d’imposer son propre agenda. «Il y a une semaine, le président de l’Afrique du Sud a reçu l’ambassadeur israélien (...), comment peut-on accepter une réalité chez soi et venir imposer le contraire à l’Union Africaine ?», s’est-il demandé, expliquant que cette attitude signifie que l’on perçoit l’UA comme une chasse gardée. «Ce n’est plus le cas aujourd’hui», a-t-il martelé.

En effet, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a accueilli, il y a six jours, le nouvel ambassadeur israélien, Eliav Belotecovsky, qui lui a remis ses lettres de créance. Pretoria, rappelons-le, justifie ses rapports avec l’État hébreu par la volonté d’aider la cause palestinienne. Par ailleurs, il est hors de question pour le Maroc que les organisations régionales, telles que l’Union Africaine, soient subordonnées à la volonté d’un ou d’une poignée de pays, au mépris des institutions et des textes fondateurs.

“Il faut savoir que l’Union Africaine a changé et que les pays africains ne tolèrent plus de se voir imposer des décisions unilatérales”, a mis au clair le chef de la diplomatie marocaine. Nasser Bourita a également critiqué la volonté de l’Afrique du Sud et de l’Algérie de placer le Commissaire de l’UA sous tutelle.

Refus de l’instrumentalisation de la cause palestinienne

Au moment où des pays comme l’Algérie allèguent le rapprochement entre le Maroc et Israël pour nuire à sa réputation, le Maroc refuse d’instrumentaliser la cause palestinienne dans des surenchères politiques. “Lorsqu’on n’instrumentalise pas les causes des autres, cela ne pose pas de contradictions”, a repris M. Bourita, ajoutant que le Maroc souhaite que ses relations avec Israël puissent bénéficier à faire avancer la résolution de la cause palestinienne.

En ce qui concerne la position du Maroc sur le conflit au Proche- Orient, Nasser Bourita a réitéré l’attachement du Royaume à la solution de deux Etats. «Le rétablissement des relations diplomatiques avec Israël ne signifie nullement que la position du Maroc sur la question a changé», a-t-il tranché, réfutant ainsi les fausses interprétations du rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv. Fidèle à ses principes, le Royaume reste en faveur d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 avec Al-Qods comme capitale. Il soutient également la coexistence pacifique entre Israël et la Palestine, deux États vivant côte à côte dans la quiétude.

L’Algérie, un verbiage consommé

Par ailleurs, le chef de la diplomatie n’a pas manqué d’épingler l’Algérie qui s’est acharnée contre le Maroc après la reprise des relations avec Israël. Bien qu’elle avance ce rapprochement pour justifier la rupture des relations diplomatiques, la diplomatie algérienne se contredit en reprochant au Maroc un acte souverain.

Interrogé sur la colère d’Alger de l’accord militaire signé entre Rabat et Tel Aviv, Nasser Bourita a fait savoir que la déclaration de la rupture des relations, décidée unilatéralement par Alger le 24 août dernier, a contenu plusieurs griefs et pas seulement le rapprochement maroco-israélien.

Face aux contradictions du voisin de l’Est, le Maroc a choisi de ne plus attacher d’importance à ce que dit son régime. “Cela fait longtemps que j’ai cessé de suivre ce que dit l’Algérie”, a-t-il précisé, ironisant avec une phrase du célèbre diplomate français Talleyrand : “Tout ce qui est exagéré est insignifiant”.

Donc, le Royaume s’attache à la retenue et à la tempérance dans sa façon de se comporter avec l’Algérie. Nasser Bourita a rappelé, à cet égard, que sous hautes instructions royales, la diplomatie marocaine a fait le choix de ne plus se laisser aller dans le sens de l’escalade et de ne plus répondre aux provocations verbales du voisin de l’Est.



Anass MACHLOUKH


Retour sur le début d’une polémique
 
Tout a commencé avec l’octroi en 2021 du statut d’observateur à l’Etat d’Israël par le président de la Commission africaine, Moussa Faki Mahamat. Israël s’ajoute alors à une liste d’une soixantaine d’États qui jouissent du même statut, dont la Turquie. Dès le commencement du Sommet de l’Union Africaine (UA), le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, a appelé l’Union à retirer l’accréditation avec le statut d’observateur accordé à Israël.

«Nous appelons au retrait du statut d’observateur israélien auprès de l’Union Africaine», a-t-il revendiqué. Ce dernier n’a pas manqué de qualifier cette accréditation de «récompense imméritée». Il n’a fallu que cet appel pour que l’Algérie et l’Afrique du Sud se mobilisent. Celles-ci ont inscrit leur « revendication » à l’ordre du jour et se sont engagées dans cette lutte avant même le début des travaux du Sommet de l’instance panafricaine. Force est de rappeler que ce débat date depuis des mois.