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Santé : Le nouveau cadre légal de la télémédecine précise les actes et les responsabilités


Rédigé par Hajar LEBABI Jeudi 11 Février 2021

Depuis le début de la pandémie du Coronavirus, la télémédecine s’est imposée comme une précieuse alternative pour les Marocains. Un décret vient renforcer ce positionnement.



Santé : Le nouveau cadre légal de la télémédecine précise les actes et les responsabilités
Alors que le Royaume est en pleine campagne de vaccination anti-Covid, le corps médical et les hôpitaux sont entièrement mobilisés dans la lutte contre la pandémie. En cette période, la télémédecine se profile comme une solution optimale pour limiter et gérer le flux des patients dans les hôpitaux. D’autant plus que la pandémie a permis de « normaliser » l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la pratique de la médecine.

Dans ce sillage, le décret portant réforme de certaines dispositions de la réglementation de la télémédecine a été publié au Bulletin Officiel. Ce texte, adopté en Conseil de gouvernement le 14 janvier dernier, précise certaines définitions et revoit la composition de la Commission de télémédecine.

De nouvelles dispositions pour accompagner la télémédecine

Certaines dispositions de ce projet ont été révisées dans le but de modifier la définition de la consultation médicale mentionnée à l’article 1 du décret et les composantes du dossier de demande de licence. Parmi ces nouveautés, les usagers se verront obligés de retirer une autorisation préalable de traitement des données à caractère personnel livrée par la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP).

De même, cette révision porte sur l’obligation de présence d’un représentant de l’Ordre national des médecins lors de la visite de conformité prévue en vertu de l’article 5 du décret, la reconsidération de la composition du Comité de Télémédecine prévu par l’article 8 du décret.L’article 10 du même texte stipule que c’est le Conseil national de l’Ordre des médecins qui élabore le modèle des accords conclus régissant l’activité de télémédecine

Il a également été procédé au remplacement de la formulation «informations à caractère personnel» contenue dans l’article 13 du décret par «données à caractère personnel».

Une redéfinition des pratiques cliniques de la médecine

Avec la loi n°131-13 relative à l’exercice de la médecine, datée du 19 février 2015, les pouvoirs publics marocains ont défini les pratiques cliniques de la médecine, en y intégrant la télémédecine. Les articles de la loi éclairent sur la manière dont les autorités marocaines veulent développer la télémédecine en améliorant l’accès aux avis de spécialistes pour les populations les plus isolées. Lorsqu’on utilise la télémédecine pour y parvenir, cela s’appelle de la télé-expertise spécialisée.

Ce texte de loi permet d’encadrer la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la réponse médicale. L’article premier de ce projet de loi définit ces cinq actes comme suit : la téléconsultation a pour objet de permettre à un médecin de donner une consultation à distance à un patient. La télé-expertise permet à un médecin de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs confrères en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient.

La télésurveillance médicale permet à un médecin d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce dernier. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de la Santé. La téléassistance médicale a pour objet de permettre à un praticien d’assister à distance un autre au cours de la réalisation d’un acte de médecine. Quant à la réponse médicale, elle est apportée dans le cadre de la régulation médicale au niveau des services d’assistance médicale urgente.

Selon l’article 5 de ce projet, c’est le ministre de la Santé qui est chargé de fixer la liste des services publics de santé dans lesquels s’exercent les actes de cette discipline, après avis de la commission de la télémédecine. Le refus de l’accord préalable ou de l’autorisation définitive doit être motivé et notifié à l’intéressé et aux présidents du Conseil national de l’Ordre des médecins et de la commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel.

La réalisation de tout acte relevant de la télémédecine est conditionnée par l’obtention du consentement du patient ou de son tuteur, quand il s’agit d’un mineur ou d’un patient faisant l’objet de mesures de protection légale. D’autres conditions sont également prévues. L’acte de télémédecine devrait par exemple garantir l’identification des médecins intervenant dans l’acte, l’identification du patient, l’accès aux données médicales du patient pour la réalisation de l’acte, la formation ou la préparation du patient à l’utilisation du dispositif de télémédecine lorsque la situation l’impose.

En définitive, le Maroc, un des pays à la pointe de l’intégration numérique sur le continent, profite ainsi des avantages offerts par les techniques modernes de « télé-santé ». Le Royaume et ses partenaires peuvent mutualiser leurs efforts pour développer des solutions «Made in Maroc» qui faciliteraient le lancement d’initiatives de télémédecine similaires conçues pour répondre aux besoins réels des pays africains. 

Hajar LEBABI 

3 questions à Hassan Ghazal

Hassan Ghazal
Hassan Ghazal
« La pandémie du Coronavirus a convaincu les plus récalcitrants quant à la nécessité d’utiliser la télémédecine »

Le président de l’Association marocaine de télémédecine et e-santé, Hassan Ghazal, nous livre ses réflexions sur la télémédecine au Maroc.  

- Quelle est la différence entre l’e-santé et la télémédecine ?

- La télémédecine est l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans le système de santé, notamment dans les consultations et dans la demande d’expertise. Il y a d’abord ce qu’on appelle l’e-santé ou la «santé digitale» au sens large du terme, et à l’intérieur de ce grand espace se trouve la télémédecine qui en est une composante. L’e-santé consiste principalement à utiliser des systèmes d’information pour organiser l’approvisionnement de soins au sein des hôpitaux, voire au sein de systèmes de santé en général. Et puis, à l’intérieur de ce système d’information, il y a l’organisation des données de santé ou ce qu’on appelle le dossier médical électronique. Nous n’avons pas de dossier médical électronique à proprement dit au Maroc, il y a quelques hôpitaux publics qui se mettent à organiser leurs données dans un système électronique, mais ce n’est pas encore généralisé.

- Quel est l’intérêt d’instaurer un bon système de télémédecine au Maroc ?

- La télémédecine a été conçue au Maroc en 2018, l’idée était de pallier à ce qu’on appelle les déserts médicaux. Le premier grand apport de la télémédecine au Maroc est de donner accès aux patients des zones reculées à des soins de qualité par des spécialistes qui peuvent se trouver n’importe où au Maroc, et donc de remédier au problème de manque de personnel de santé et de spécialistes dans ces zones reculées. 

- Quelles sont les contraintes qui s’imposent dans ce secteur ?

- Les contraintes sont d’ordre complexe. Il y a des contraintes sociétale, juridique, technique et économique. Pour nous, la première grande contrainte était la résistance des professionnels de la Santé à ce passage vers le digital. Cette contrainte est d’ordre général et n’est pas uniquement spécifique au Maroc. La pandémie du Coronavirus a convaincu les plus récalcitrants quant à la nécessité d’utiliser la télémédecine. La deuxième contrainte est d’ordre juridique, bien que nous soyons l’un des rares pays à disposer d’une loi sur la télémédecine, mais cette loi demande encore à être améliorée et perfectionnée, notamment en mettant au point une réglementation de la tarification et du remboursement. 

Il ne faut pas non plus négliger le côté technique et le côté de formation des professionnels de la Santé. Il faut former le personnel médical pour garantir son adhésion à la télémédecine. Sans oublier la contrainte économique, dans le sens où il faut penser à un système d’organisation de la santé, et un système économique fiable à tous les niveaux, pour booster l’utilisation de la télémédecine.
 
Recueillis par H. L.

Encadré

Benchmark : Télémédecine au Maroc et en France 

La loi marocaine a une particularité : le médecin traitant est le seul professionnel médical autorisé à entreprendre cette nouvelle pratique, alors que la France a intégré deux autres professions médicales inscrites au Code de la santé publique, à savoir les sagesfemmes et les chirurgiens-dentistes.

La France n’a pas de dispositions légales ou réglementaires spécifiques à la pratique de la télé-expertise avec un médecin étranger. Mais la télémédecine étant un acte de nature médicale dont l’exercice s’inscrit dans le droit commun de l’exercice médical et du droit des patients, l’exercice de la télémédecine, notamment de la télé-expertise avec un médecin étranger, doit respecter le droit commun des règles de compétences et de coopérations entre professionnels de Santé. De même, la traçabilité d’un tel acte relève de l’article R. 6316-4 du Code de la santé publique qui précise que : « Sont inscrits dans le dossier du patient tenu par chaque professionnel médical intervenant dans l’acte de télémédecine le compte rendu de la réalisation de l’acte, ainsi que les actes et les prescriptions médicamenteuses effectués dans le cadre de l’acte de télémédecine ».

Comme en France, les autorités marocaines ont tenu à ce que l’information des patients et l’obtention de leur consentement pour un acte de télémédecine relèvent d’une obligation légale pour le médecin.

Les pouvoirs publics marocains souhaitent améliorer l’accès des populations aux médecins spécialistes. Le Maroc a 7 fois moins de médecins spécialistes que la France, 2 fois moins que les autres pays du Maghreb (Algérie et Tunisie), mais 4 fois plus que les pays en développement d’Afrique subsaharienne.

Repères

La 5G : pour un développement prometteur de la télémédecine
La télémédecine, reposant sur trois principes, à savoir la téléconsultation, la télé-expertise et la téléassistance, est une forme de pratique médicale à distance qui consacre davantage le rôle et l’apport de la 5G pour le secteur de la Santé. Dix fois plus rapide, la 5G donnera un nouvel élan à la télémédecine et changera certainement la donne en mettant en place un système de téléconsultation intégré, fiable et efficient.
Télémédecine : Un vecteur de transparence
Comme tout ce qui relève du numérique, la télémédecine peut déranger car elle permet de garantir une traçabilité numérique. Celle-ci joue un rôle important dans la surveillance et l’appréciation de la qualité d’un service. De même, elle permet de lutter, voire de mettre fin aux pratiques illégales dans le secteur de la Santé. La traçabilité des soins dans le domaine médical s’avère capitale pour le patient, mais aussi pour le praticien. La normalisation de cet outil devrait permettre de juguler le recours au noir et d’introduire plus de transparence dans le secteur.