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Sahara marocain / Zone tampon : Après la domination aérienne, le contrôle terrestre ?


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 15 Novembre 2022

Retrait unilatéral du cessez-le-feu, obstructions à la circulation de la MINRSO, autant d’obstacles dressés par le polisario dans la zone tampon après l’opération du 13 novembre 2020. Le Maroc se réserve le droit de contrôler la zone si la mission onusienne est chassée par les milices polisariennes. Une démarche légitime, selon des experts.



Cela fait deux ans que le passage frontalier d’El Guerguerat est libéré par les Forces Armées Royales qui, au terme d’une opération militaire ciblée, ont promptement chassé une cinquantaine de miliciens du polisario, rétablissant ainsi la libre circulation. Un évènement qui rappelle la fragilité du statu quo dans la région, notamment dans la zone tampon qui continue de faire l’objet de plusieurs incursions hasardeuses des éléments du polisario qui mettent en péril la paix. Une situation d’autant plus fragile que la bande de Brahim Ghali, en proie au désespoir, s’est aventurée à un retrait unilatéral de l’accord de cessez-le-feu de 1991, s’affranchissant ainsi de ses engagements. Les incursions au sein de la zone tampon interdite à toute activité de quelque type que ce soit est une activité de prédilection pour les bandes armées des camps de Rabouni.

Les agissements du front sont tels que même la MINUSRO se trouve souvent empêchée de circuler librement pour pourvoir surveiller la zone démilitarisée. Le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies sur la situation au Sahara, rappelons-le, a fait état de plusieurs « incursions quotidiennes dans la zone tampon attenante au mur de sable et des hostilités entre les parties dans ce secteur ».

Dans le paragraphe 94 de son rapport, Antonio Guterres a déploré « les restrictions constantes à la liberté de circulation » qui ont empêché la MINURSO d’accéder en toute sécurité aux zones situées à proximité du mur de sable ou à l’intérieur de la zone tampon. Cette zone n’est pas « libérée » comme le prétend la propagande polisarienne, mais cédée par le Maroc à l’ONU pour observer le respect du cessez-le-feu.

Des incursions aux conséquences irréversibles

Face à ces innombrables obstacles et ces tentatives d’harcèlement récurrentes, la mission onusienne peine à faire son travail et rien n’exclut qu’elle risque d’être ciblée par les milices polisariennes. Raison pour laquelle le Maroc a d’ores et déjà pris les précautions nécessaires pour agir le cas échant. L’Ambassadeur permanent du Royaume auprès des Nations Unies, Omar Hilale, a été clair lorsqu’il a fait savoir sans ambages que le Maroc rétablira le contrôle de toute la zone tampon si la MINSRSO est contrainte par le polisario de la quitter.

« Le Maroc serait dans ce cas en droit de revenir à la situation antérieure à la cession de la zone à la mission onusienne », avait-il expliqué au lendemain de l’adoption de la Résolution 2654 du Conseil de Sécurité. Une décision pareille sera-t-elle réalisable et acceptable pour la communauté internationale ? Oui, absolument, répond Jawad Kerdoudi, président de l’Institut Marocain des Relations Internationales (IMRI), arguant que l’accord de Madrid de 1975 concerne tout le territoire du Sahara, y compris la zone en question.

Toutefois, notre interlocuteur met en garde et prévient qu’une telle situation serait un prétexte pour le polisario pour légitimer ses tentatives de reprendre la lutte armée à grande échelle. Selon notre interlocuteur, un autre scénario peut conduire à cette situation et qui n’est pas tout à fait irréaliste, comme on peut avoir tendance à le croire.

« Heureusement que la Russie n’a pas opposé son veto à la Résolution, autrement le mandat de la MINURSO n’aurait pas été renouvelé et on se serait retrouvé dans le vide », poursuit M. Kerdoudi, qui explique que tout non-renouvellement du mandat de la MINURSO entraînerait immédiatement son retrait faute de ressources nancières nécessaires à son fonctionnement.

En effet, vu le contexte géopolitique actuel et l’exacerbation de la tension entre Moscou et Washington à cause de la guerre en Ukraine, la Russie, principal allié de l’Algérie, peut être tentée de contrecarrer les projets de Résolutions proposés par les Américains au Conseil de Sécurité. « C’est pour cela que le Maroc ménage les Russes depuis des années », a précisé M. Kerdoudi, qui a poursuivi en expliquant qu’en cas de retrait de la MINURSO, le Maroc a le droit de réinvestir militairement la zone tampon afin d’y rétablir le contrôle.

« Légitime défense » ?

Par ailleurs, toute tentative d’obstruction par le polisario qui serait de nature à rendre impossible l’action de la MINURSO est considérée comme une violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu et du statut démilitarisé décrété par l’ONU. C’est ce que pense Hassan Saoudi, ex-colonel et Chef de service des études et de la législation à l’état-major de la Gendarmerie royale, qui estime que ces actes doivent être répréhensibles. L’ancien militaire estime que, dans ce cas, toute réaction ferme du Maroc sera légitime du moment qu’il agira en « légitime défense».

« Le Royaume sera dans ce cas en état de rétablir son contrôle au-delà de la zone tampon », a-t-il affirmé, ajoutant que la rupture unilatérale du cessez-le-feu par le polisario en 2020 n’a pas altéré le statu quo. D’où le fait que toute hostilité à l’égard de la MINURSO est passible de sanctions. Selon M. Saoudi, les FAR ont la capacité d’assurer le contrôle de toute la zone. « Nous avons assez de moyens de surveillance par satellite et de renseignements pour détecter de manière autonome tous les mouvements dans la zone », précise-t-il, sur un ton grave.

Vers une radicalisation échevelée du polisario ?

Les scénarios évoqués sont d’autant plus probables que la bande de Brahim Ghali n’a eu de cesse de se radicaliser ces dernières années, sur fond d’un désespoir profond vu ses échecs sur le front diplomatique. Le revers de la dernière Résolution du Conseil de Sécurité en est la parfaite illustration puisqu’elle met en avant la pertinence du plan d’autonomie. Hassan Saoudi reconnaît que le front séparatiste se radicalise au fur et à mesure que le temps passe. Un constat partagé par Emmanuel Dupuy, Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe. (Voir les trois questions).

Cette radicalisation risque d’être encouragée par l’Algérie qui pourrait pousser le front à engager une guérilla contre le Maroc pour l’installer dans une sorte de fièvre endémique et une habitude à l’instabilité. Un scénario auquel ne croit pas beaucoup M. Saoudi, qui pense que l’Algérie n’en a ni le courage ni les moyens. « Ça fait deux ans que le polisario proclame une guerre fictive, si l’Algérie pouvait l’y pousser, elle l’aurait certainement fait, mais elle n’a pas les moyens de se lancer dans une démarche si téméraire », assure notre interlocuteur.




Anass MACHLOUKH
 

Zone soumise à l’ONU


Gestion et géographie

L’accord militaire est clair en ce qui concerne la gestion de la zone soumise aux Nations Unies. Trois types de zones sont identifiées, à savoir la zone tampon, d’une largeur de 5 kilomètres, elle court le long du mur de sable, au Sud et à l’Est de cette ligne. Le mur de sable, rappelons-le, ne fait pas partie de la zone tampon. Il y a également des zones d’accès restreint, d’une largeur de 30 kilomètres.

La première située au Nord et à l’Ouest du mur de sable et la seconde au Sud et à l’Est du mur. À cela s’ajoutent les zones soumises à des restrictions limitées. Il s’agit de bandes de terre situées des côtés Nord et Ouest de la première zone d’accès restreint et du côté Sud de la seconde.

En vertu de l’accord, la zone tampon est interdite d’entrée pour les parties au conflit.

L’accord stipule que « l’entrée, par voie terrestre ou aérienne, de personnel ou de matériel de l’Armée Royale militaire et des Forces militaires du front polisario, ainsi que les tirs d’armes à l’intérieur ou au-dessus de cette zone sont interdits en toute circonstance et constituent des violations.
 

Menaces d’usage de drones


Une réponse immédiate
 
Au lendemain de l’adoption de la Résolution 2654 par le Conseil de Sécurité, l’Ambassadeur du Maroc auprès des Nations Unies, Omar Hilale, a tenu sa traditionnelle conférence de presse dans laquelle il a réagi aux menaces du polisario de perpétrer des attaques par drones contre le Maroc.

Dans ce cas, le Royaume sera, selon lui, en droit de réagir en conséquence. Interrogé par un journaliste, Omar Hilale a fait part de la gravité des menaces du front séparatiste. « Nous espérons qu’il s’agit uniquement de propagande comme nous en sommes habitués du côté de Tindouf. Si cela s’avère vrai, ça donnera raison au Maroc qui alertait depuis longtemps la communauté internationale sur l’infiltration de l’Iran et du Hezbollah en Afrique du Nord », a-t-il précisé, en prenant soin de montrer une photo des drones en question.

Selon Omar Hilale, il s’agit de «drones iraniens bas de gamme», dont le prix varie entre 20.000 et 22.000 dollars l’unité. Un montant qui peut suffire à la scolarisation de 120 enfants ou financer le rationnement de 300 personnes chaque année au lieu d’être sacrifié pour satisfaire les velléités bellicistes du front séparatiste.

Quoi qu’il en soit, le recours à des attaques par drones livrés par l’Iran est une hypothèse peu probable, juge Emmanuel Dupuy. « Personnellement, je vois mal comment l’Iran pourrait fournir des drones au polisario parce que le contexte géopolitique actuel ne s’y prête pas, bien que la tension entre Rabat et Téhéran soit vive», a-t-il expliqué en réponse à la question de savoir si l’Iran serait tenté d’armer le front séparatiste.

 

Trois questions à Emmanuel Dupuy


« Le polisario risque de se radicaliser de plus en plus »
 
Emmanuel Dupuy, président de l’IPSE, a répondu à nos questions.

- Dans ce cas, comment dissuader le polisario qui continue d’empêcher la MINURSO de faire son travail ?


- La Résolution du Conseil de Sécurité a été claire en appelant à rétablir la liberté de circulation de la MINURSO de part et d’autre du mur de défense. Le Conseil a reconnu que cette liberté a été entravée par une des deux parties, c’est-à-dire le polisario qui, je rappelle, a rompu le statut quo issu de 1991 au moment du blocage du passage d’El Guerguerat. Ceci dit, le Conseil de Sécurité exige le strict respect de l’accord de cessez-le-feu.


- Est-ce que le polisario risque de se radicaliser davantage?

- Oui, je le pense pour deux raisons simples. L’Algérie est aux aguets et a besoin de montrer qu’elle agit sans apparaître comme celle qui agit véritablement. Ceci dit, elle va tâcher d’instrumentaliser de plus en plus le polisario comme un proxy tel que le font les Iraniens avec les Houtis au Yémen. On a même le sentiment qu’il se peut que l’Iran en profite aussi. C’est un risque à prendre en considération.

Jusqu’à présent, il n’y a pas de preuves avérées sur la livraison de drones iraniens au polisario, mais c’est d’autant plus possible que l’Algérie peut acheter plus de matériel pour le polisario grâce à la manne pétrolière qu’elle a pu engranger récemment. Je rappelle que le budget d’armement va augmenter massivement en 2023 et il se peut que le polisario en profite aussi.


- La Russie peut-elle un jour opposer son véto à un projet de Résolution du Conseil de Sécurité sur le Sahara ?

- À mon avis, elle n’a pas intérêt à le faire du moment que le Chef de la MINURSO, Alexander Ivanko, est une personnalité russe. Ce serait comme voter contre ses propres intérêts. En s’abstenant de voter la Résolution comme le Kenya, la Russie a montré que la question du Sahara dépasse le conflit en tant que tel puisqu’elle implique un antagonisme de plus en plus visible entre les pays de l’OTAN qui soutiennent le Maroc et les autres qui soutiennent la position russe. On voit bien qu’il y a une forme d’instrumentalisation de l’affaire du Sahara qui dépasse, dans ce cas, l’inimitié entre l’Algérie et le Maroc.

 



Recueillis par A. M.








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