Dans sa traversée du désert, John Bolton, l’ancien Conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump, a repris un de ses exercices de prédilection : défendre le Polisario, qui risque plus que jamais de rejoindre la liste des organisations terroristes. Connu pour ses positions hostiles à la marocanité du Sahara, ce diplomate déchu s’est reconverti en chroniqueur, passant son temps à commenter l’actualité internationale sur les plateaux télé et à vitupérer contre l’Administration Trump.
Dans une tribune qu’il a publiée sur le Washington Times, il a appelé l'Administration américaine à soutenir l’option du référendum d'autodétermination au Sahara. Le prétexte qu’il a allégué est pour le moins “curieux”. À ses yeux, “les Etats-Unis, la Chine et la Russie gagnent en influence en Afrique, tandis que l’Amérique ignore la crise de la souveraineté au Sahara”. Il a plaidé pour que les Etats-Unis soutiennent le référendum, qui n’est plus à l’ordre du jour depuis une vingtaine d’années. Pourtant, il continue d’y croire. Le cœur a ses raisons que la raison ne comprend pas, comme disait l’adage. Dans sa tribune truffée d’approximations et d’inexactitudes, Bolton a accusé le Maroc de faire obstruction aux efforts de l’ONU et de visées territoriales, reprenant littéralement les éléments de langage de la diplomatie algérienne.
John Bolton n’a ménagé aucun effort pour convaincre ses lecteurs, si tant est qu’ils existent dans les cercles diplomatiques à Washington, que le Polisario n’est pas un mouvement terroriste, ce qui est aujourd’hui une certitude chez une grande partie de parlementaires américains, dont Joe Wilson, le Républicain qui a déposé au Congrès une loi demandant l’inscription du front séparatiste sur la liste des organisations terroristes.
“Une loi a été présentée à la Chambre pour désigner le Polisario comme un groupe terroriste, c’est une affirmation aussi inexacte que l’on puisse faire à propos des Sahraouis, qui se classent parmi les plus modérés dans leurs opinions religieuses”, prétend John Bolton. Ce dernier s’est efforcé de construire une théorie mal échafaudée, quitte à persister dans le déni, pour absoudre le Polisario de ses liens avec l’Iran et le régime de Bachar Al Assad. Pour lui, c’est de la désinformation ! Mais il recourt étonnamment au conditionnel pour corroborer son hypothèse. “Ceci pourrait bien avoir pour but de détourner l’attention des États-Unis de l’obstruction du Maroc contre un référendum depuis des décennies”, a-t-il écrit.
“Ce n’est évidemment pas un hasard, John Bolton essaye d’exister politiquement en s’opposant médiatiquement à Donald Trump, à qui il voue une haine tenace après avoir été chassé de la Maison Blanche, la question du Sahara sert de prétexte pour s’en prendre au président”, explique Mohammed Badine El Yattioui, Expert en relations internationales et Professeur d'Etudes Stratégiques au Collège de Défense (NDC) des Emirats Arabes Unis à Abou Dhabi.
Selon notre interlocuteur, Bolton a toujours été proche de l’Algérie, dont il partage la vision biaisée du droit international, surtout en ce qui concerne la question du Sahara. “Il est curieux qu’il allègue le respect du droit international alors qu’il était lui-même un faucon néoconservateur qui ne se souciait guère de la légalité internationale lors de l’invasion de l’Irak en 2003”, poursuit-il.
Tout le monde sait qui est John Bolton. L'une des rares personnalités politiques à défendre encore le séparatisme au Sahara. C’est un néoconservateur chimiquement pur, adepte du chaos créateur et de l'interventionnisme à outrance, qui n'a ramené que des malheurs aux Etats-Unis. Il a été un ardent partisan de l’invasion de l’Irak en 2003 à l’époque de l’Administration Bush, sous laquelle il faisait office d'ambassadeur à l’ONU. Ce qui en fait le moins bien placé pour parler de légalité internationale.
La tribune de Bolton, aux allures de pamphlet anti-marocain, est du pain béni pour la presse algérienne qui s’en est fait l’écho. Ce n’est qu’une réponse aux récents rapports des think-tanks américains Hudson Institute et Heritage Foundation, qui ont prouvé le caractère terroriste du Polisario et appelé la diplomatie américaine à en tirer les conclusions nécessaires.
Le timing n’est pas fortuit. C’est comme si John Bolton voulait empêcher l’inéluctable et supplier les élus américains de ne pas voter la proposition de loi du Républicain Joe Wilson au Congrès. Celui-ci est déterminé à désigner le Polisario comme organisation terroriste vu la menace que le front représente sur la paix au Maghreb et, pire, vu ses liens avérés avec l’Iran. Cette proposition de loi est en passe d’être soumise au Congrès, comme l’a fait savoir le “congressman” le 21 mai dans un tweet.
“Pour que le Congrès approuve la proposition de Joe Wilson, il faudrait un vote assez rapide tant que les Républicains contrôlent à la fois le Congrès et le Sénat”, rappelle M. El Yattioui. En effet, les Républicains ont les coudées franches au Capitole. Ils ont 218 sièges sur 435 au Congrès et 53 sur 100 au Sénat contre 45 pour les démocrates. Les élus républicains sont totalement dévoués à Trump à qui ils sont reconnaissants pour leur comeback au pouvoir. D’où leur discipline de vote. Compte tenu de cela, la proposition de loi portée par Joe Wilson devrait être adoptée sans difficulté, d’autant plus qu’elle est soutenue par le Secrétaire d’Etat Marco Rubio qui, rappelons-le, ne porte nullement l’Algérie dans son cœur et exècre les organisations armées.
Si la proposition de Joe Wilson est votée, cela aura des conséquences majeures sur le Polisario, dont les dirigeants seront considérés comme des criminels. De facto, tout pays qui soutient le front, de quelque façon que ce soit, sera considéré comme parrain du terrorisme. Sans oublier les fameuses sanctions qui s’abattent impitoyablement sur les organisations terroristes.
L’argent n’aura servi à rien pour Alger !
De l’autre côté, le Maroc n’a eu de cesse de renforcer son tissu d’alliances à Washington, comme on s’en est aperçu lors de la dernière visite du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, où il a rencontré une série de hauts responsables américains. Une visite qui a scellé définitivement le sort de la question du Sahara après que le Secrétaire d’Etat a réitéré sans équivoque le soutien américain à la marocanité du Sahara.
Trois questions à Mohammed Badine El Yattioui : “ Les Républicains devraient en principe soutenir l'initiative de Joe Wilson”

- Récemment, John Bolton s'est réveillé en publiant une tribune plaidant pour le référendum au Sahara. Que retenez-vous de cette démarche soudaine et de son timing. Est-ce un hasard ?
- Ce n’est évidemment pas un hasard, John Bolton a été mis sur la touche pendant le premier mandat de Donald Trump, il y a une haine tenace entre les deux hommes. John Bolton s’est toujours opposé à la stratégie du président au Moyen Orient et en Afrique du Nord, qu’il juge mauvaise. D’où son opposition farouche à la reconnaissance de la marocanité du Sahara, que Trump et son Secrétaire d’Etat Marco Rubio ont réitérée dès leur prise de fonction. Evidemment, Bolton cherche à exister en contestant la politique de Trump, notamment en ce qui concerne la question du Sahara. C’est un moyen pour lui de se positionner en tant que diplomate avec une certaine vision biaisée du droit international. Il est curieux qu’il reproche à Trump de faire de la diplomatie transactionnelle au mépris du droit international, alors qu’il était lui-même faucon néoconservateur qui ne souciait pas du droit international lors de l'invasion de l’Irak en 2003.
- Quelles sont les chances que le Congrès approuve la proposition de Joe Wilson pour classer le Polisario comme organisation terroriste ?
- Le Maroc compte beaucoup de soutiens au Parti républicain. Qu'en est-il du parti démocrate, selon vous ?
Au sein du Parti démocrate, il y a des courants dont la tendance droit-de-l’hommiste qui a toujours défendu le référendum plus par idéologie que par connaissance de la réalité du conflit. De l’autre côté, il y a un courant plus centriste avec une conception plus réaliste de la politique étrangère. Ce courant, incarné par Joe Biden, a eu tendance à préserver un équilibre dans la région en préservant de bonnes relations à la fois avec le Maroc et l’Algérie. Ce qui fait que Biden n’a pas remis en cause la reconnaissance de la marocanité du Sahara, mais n’a rien fait pour la concrétiser sur le terrain en lançant, par exemple, le consulat de Dakhla. En gros, le Maroc ne peut compter que sur un soutien limité du parti démocrate, tandis que les Républicains sont plus explicites.
Sahara : Alger face au coup de grâce du Conseiller de Trump !
Jamais le conflit du Sahara n’a été si proche de son dénouement. Le plan d’autonomie demeure l’horizon indépassable pour les Nations Unies maintenant que la majeure partie de la communauté internationale soutient l’initiative marocaine. Le fait que les Etats Unis et la France soutiennent officiellement la marocanité du Sahara n’a laissé aucun choix à l’émissaire onusien Staffan de Mistura, qui a inscrit le plan d’autonomie à l’ordre du jour du processus politique lors de la dernière réunion à huis clos au Conseil de Sécurité.
Washington ne laisse plus de place au doute. Il est temps de régler le conflit sur la base de la souveraineté marocaine. La prochaine Résolution du Conseil de Sécurité s’annonce d’autant plus décisive que les Etats Unis en sont le porte-plume. Du côté marocain, l'optimisme règne comme en témoigne la fameuse déclaration de l'ambassadeur du Royaume à l’ONU, Omar Hilale, qui a espéré au micro de Medi1 que le prochain anniversaire de la Marche Verte soit l’occasion de célébrer la fin du conflit. Acculée, l’Algérie assiste impuissante à l’échec d’un projet séparatiste dans lequel elle a dépensé des milliards au détriment de son peuple. Le régime algérien n’a qu’accepter le fait accompli. C’est le message que s’apprête à transmettre le Conseiller spécial pour l'Afrique du Président américain, Massad Boulos, à Alger lors de sa prochaine tournée au Maghreb. Il a annoncé ce déplacement, en avril dernier, dans une interview accordée à Al-Hadath. Il a insisté sur l'importance d'une solution acceptée par les parties, notamment l'Algérie à laquelle il a fait allusion.