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Culture

Roman maghrébin : Driss Chraïbi, en pionnier littéraire


Rédigé par Abdallah BENSMAÏN le Jeudi 10 Septembre 2020



Roman maghrébin : Driss Chraïbi, en pionnier littéraire
Les personnages de « La Répudiation » de Rachid Boudjedra, s’inscrivent dans la double filiation de Kateb Yacine et de Driss Chraïbi. C’est une première oeuvre majeure de la littérature maghrébine post-indépendance. « Le Muezzin » de Mourad Bourboune a jailli comme un éclair mais n’a pas fait de son auteur un romancier au long cours. Salué à sa parution ou dénoncé comme « une copie de Nedjma de Kateb Yacine », « Le Muezzin » dont le personnage Saïd est bègue fut la seconde et dernière oeuvre de Mourad Bourboune à qui l’on doit également « Le mont des genêts ».

La déferlante romanesque se déchainera à partir des années 70. Outre Rachid Boudjedra, prolifique et assuré dans son écriture, qui s’ouvre sur la littérature latinoaméricaine, avec la forte inscription dans son oeuvre de l’esthétique développée par Garcia-Marquez (et pas seulement !), les premières oeuvres de Tahar Ben Jelloun, avec Harrouda, Abdelhak Serhane (Messaouda)et Rachid Mimouni, le plus marqué,  assurément, par l’écriture de Driss Chraïbi, sa thématique de rejet du pays et de ses gens, l’idéalisation de l’Occident et de sa société, le modèle étant, bien entendu, l’ancienne puissance coloniale, la France.

Abdelhak Serhane qui a publié son premier roman en 1983, c’est-à-dire 29 ans après Le Passé Simple et 14 ans après La Répudiation n’est pas loin de Rachid Boudjedra et par conséquent
de Driss Chraïbi.

La haine mutuelle que se vouent le père et le fils dans « Messaouda » n’est pas, on le constate aisément dans le roman, loin et moins encore différente de celles qui tissent les trames romanesques de La Répudiation de Boudjedra et du Passé Simple de Chraïbi. Sur le plan formel également « Messaouda  » se situe plus dans la mouvance du Passé Simple que de « Nedjma ».

La publication en 1984 soit 32 ans après Le Passé Simple de « Tombéza » écrit par Rachid Mimouni reprend en quelque sorte le chemin tracé par Driss Chraïbi mais qu’il devait dénoncer quelques années plus tard.

Ce roman de Rachid Mimouni s’inscrit dans la vision développée dans Le Passé Simple qui présente l’Occident comme la voie de la raison, le Monde arabe et musulman (à travers le Maroc pour Chraïbi, l’Algérie pour Mimouni) comme la voie de l’anachronisme, de l’obscurantisme congénital et militant à la fois. Cette approche sera plus globale, nationale ou tribale, avec « Le fleuve détourné » et « L’honneur de la tribu » du même Rachid Mimouni.

Le point de départ de la fiction n’est plus la famille, la révolte du fils contre le père et ce qu’il représente mais un pays entier à travers son histoire récente, glorifiée mais qui refuse d’assumer l’échec de sa marche ou seulement d’en poser l’hypothèse. « Une peine à vivre » de Rachid Mimouni opère un passage vers le roman de la dictature, une spécialité latino-américaine dont les auteurs s’appellent Augusto Roa Bastos, Gabriel Garcia Marquez,Vargas Llosa, Alejo Carpentier et Miguel Angel Asturias.

Aussi bien Ahmed Sefrioui que Mouloud Feraoun ou Mouloud Mammeri ou Mohamed Dib ne pouvaient servir de modèle à une génération d’écrivains née de la révolte des luttes d’indépendance, des luttes anti-impérialistes, et de la pensée de Frantz Fanon, d’une certaine façon – ce qui est encore plus évident pour un Rachid Boudjedra ou un Abdellatif Laâbi-, une génération à l’écoute de Gramsci, et des Maîtres du soupçon : Nietzche, Freud et Marx. C’est une époque où prendre la parole équivalait à prendre les armes.

Ce vent de révolte assoupi, le roman maghrébin s’est-il pacifié : Yasmina Khadra, comme Mahi Binebine ou Mohamed Leftah, ne sont pas dans la révolte chraïbienne. A partir des années 2000, une séquence différente semble se dérouler avec les jeunes pousses. Ceci est une autre histoire sur laquelle, il faudra revenir.

Abdallah BENSMAÏN







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