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Retro-verso : La Mamounia, des origines à nos jours


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 30 Novembre 2022

La Mamounia est à Marrakech ce que le Ritz est à Paris et ce que le Raffles est à Singapour : le fleuron d’un standing qui s’inscrit à la croisée des chemins entre l’art de vivre occidental et les mille et une splendeurs orientales. Aussi, cet hôtel est-il le porte-drapeau touristique de tout un pays.



Retro-verso : La Mamounia, des origines à nos jours
L’Histoire de La Mamounia plonge ses racines au fin fond du XVIIIème siècle lorsque le Sultan alaouite Sidi Mohammed Ben Abdallah offrit un somptueux verger de treize hectares en guise de présent de mariage à son fils, le prince Al Mamoun, qui en fit un lieu de plaisir pour des fêtes de jardinage d’anthologie. Deux siècles plus tard, la Compagnie marocaine des chemins de fer décida de construire un hôtel sur ce site à la flore si singulière. Les architectes français Henri Prost et Antoine Marchisio conçurent une bâtisse raccordant les codes ancestraux de l’architecture marocaine aux canons de l’Art déco.

En 1923, « La Mam’ » pour les intimes est ouvert au public. «Au début des années vingt du siècle dernier, quand la Mamounia était un eldorado verdoyant d’une superficie de sept hectares, des botanistes du monde entier étaient aux petits soins pour ses nombreux jardins et passaient le plus clair de leurs temps à marier ses fleurs et ses fruits majoritairement exotiques », témoigne Abdallah Guennouni, directeur du palace lors des années 1970.

À plus d’un égard, l'hôtel est un haut lieu où se conjuguent azulejos classiques, tapisseries d’art amazigh et ameublement Art déco. Aussi, porte-il en lui l’Histoire des personnalités de haute voltige qui ont eu le privilège de le visiter un jour. Winston Churchill y a notamment aménagé une résidence de repos et s’y rendait à chaque fois qu’il souhaitait se recharger les batteries.

En effet, à La Mamounia, le grand homme de la politique internationale laissait au placard son costume d’homme d’État et daignait le remplacer par celui d’aquarelliste. Dans sa spacieuse suite il se rendait de terrasse en terrasse et de balcon en balcon pour admirer les rayons du soleil marrakchi et les reproduire sur ses toiles. Grand amoureux du palace, Sir Winston a donné son nom au bar de l’hôtel qu’il aimait tant fréquenter ainsi qu’à l’une des suites les plus iconiques et les plus onéreuses dans toute l’Afrique. «Sir Churchill peignait beaucoup les espaces qu’il voyait à travers le balcon de sa suite située au premier étage. D’ailleurs, il est à l’origine de la « Koutoubia », un tableau qui vaut aujourd’hui, plusieurs millions d’euros », continue l’homme d’affaires et militant culturel Abdallah Guennouni.

Le rayonnement de Marrakech et de la Mamounia a su séduire les immenses noms du septième art hollywoodien. Ils y ont même tourné des films qui sont restés cultes, à l’instar de «L’homme qui en savait trop» d’Alfred Hitchcock dont de nombreuses scènes ont été filmées dans l’hôtel. Le passage d’Hitchcock a accéléré l’arrivée d’autres vedettes du monde entier.

Le QG des stars hollywoodiennes

Concurremment, dès les années 50, toute la fine fleur du cinéma français et hollywoodien afflue à la Mamounia. Charlie Chaplin, Francis Ford Coppola, Marcello Mastroianni et bien d’autres figures de proue des petit et grand écrans y coulent des jours de fête. Franklin Roosevelt lui-même s’y rendait sur les recommandations de Sir Churchill, alors que le général De Gaulle est, quant à lui, ébloui par cette agora mystique le temps d’une nuit, lorsque le directeur lui fait un lit à sa taille. Marrakech est alors en pleine effervescence, elle rayonne et brille au gré du rayonnement de l’hôtel.

De plus, de nombreux écrivains français y ont établi leur résidence et sont venus assouvir leur passion pour l’Orient. De 1931 à 1962, le renommé peintre français Jacques Majorelle vécut à Marrakech dans une villa bordée d’un fabuleux jardin botanique, qui fut l’ultime résidence d’Yves Saint-Laurent. À ses débuts, La Mamounia fut une véritable institution reprise par la noblesse européenne, a fortiori par la British Gentry qui, au cours de son Histoire, a forgé sa myriade de légendes.

Beaucoup d’Européens et d’Américains se rendent sans hésiter sur place avec leurs bagages pour de longs séjours... Toute la jeunesse dorée des années 70 a élu domicile à Marrakech. De même, les plus grands groupes de rock de l’époque y ont posé leurs valises. Les Rolling Stones y ont fait retraite en 1968 tandis que Paul McCartney a écrit la chanson «Mamounia » en 1973.

La Mamounia, aujourd’hui

Au terme de nombreux mois de travaux de rénovation sous la houlette du cabinet d’architecture Jouin Manku, l’hôtel ouvre à nouveau ses portes, plus resplendissant que jamais. Totalement réaménagés, ses établissements abritent deux vedettes de la cuisine internationale, à savoir les chefs Jean-Georges Vongerichten et Pierre Hermé, dont les prouesses sont dorénavant présentes sur toutes les cartes de ce quartier général des mondains du monde.

Pour leur part, comprenant des palmiers, des oliviers, des jacarandas, des orangers, des pins d’Alep, des bougainvilliers, des lauriers-roses et une allée de cactus, les jardins du palace couvrent aujourd’hui une superficie de huit hectares, sur une superficie totale de quinze hectares, et sont entretenus par plusieurs dizaines de jardiniers. Le minaret de la Koutoubia, ainsi que les sommets enneigés des montagnes de l’Atlas, sont visibles au-delà des jardins.



Houda BELABD

3 questions à Abdallah Guennouni

Retro-verso : La Mamounia, des origines à nos jours

« L’âge de gloire de La Mamounia a commencé entre les deux Guerres mondiales »
 
Abdallah Guennouni, homme d’affaires, militant culturel et ancien directeur de l’hôtel «La Mamounia» a répondu, à coeur joie, à nos questions.


-Parlez-nous de l’amour que vouait Sir William Churchill pour La Mamounia.


Dire que La Mamounia est devenu indissociable du nom de Churchill est un euphémisme pur et simple. Car mis-à-part la suite et le bar qui portent son nom jusqu’à nos jours, ce grand homme de la scène politique internationale était follement amoureux de Marrakech et du palace. Son album personnel est riche en photos de lui dans chacune des grandes artères de sa ville fétiche. Ses oeuvres elles-mêmes témoignent de la place qu’elle a occupée dans sa vie. La Koutoubia, un tableau qu’il a peint à partir de sa suite, comme d’autres tableaux d’ailleurs, ont immortalisé des scènes de la vie marrakchie de cette époque épique.


-Qu’en est-il des autres personnalités qui ont posé leurs valises dans ce palace de renommée internationale ?

La Mamounia a toujours été le quartier général de l’intelligentsia et des figures de proue des scènes politique et artistique d’ici et d’ailleurs. Mais il y en a qui ont réussi à en faire une légende au-delà des frontières marocaines. C’est notamment le cas de la famille Rothschild dont quasiment tous les membres venaient séjourner assez souvent dans leurs chambres et suites favorites. Ils y passaient au moins deux semaines par an, et ce, pour pérenniser l’habitude que leurs grands parents avaient depuis le lendemain de la deuxième Guerre mondiale.

C’est dire à quel point cet hôtel a marqué les grands noms de tous les domaines. Les figures emblématiques du cinéma n’en font pas exception. Les hommes politiques, les têtes couronnées du monde entier, les écrivains, non plus. Catherine Deneuve elle-même lui vouait un amour sans pareil. L’artiste Abdessadek El Glaoui de par son rayonnement culturel et son amour inconditionnel pour Marrakech a, lui aussi, marqué son passage par ce palace.


-Parlez-nous de l’âge d’or de cet hôtel.

L’âge de gloire de La Mamounia a commencé entre les deux Guerres mondiales. La deuxième aile de l’hôtel a été érigée au lendemain de la première Guerre mondiale faisant de lui un hôtel spacieux, sophistiqué et répondant parfaitement aux standards internationaux en matière de confort et de prestige. Quelques décennies plus tard, soit au beau milieu des années 1970, La Mamounia était déjà perçu comme étant un mythe, voire un symbole du Maroc et de l’Orient par les touristes en général et par les célébrités venus d’ailleurs, en particulier.



                                                                                                                                                               Propos recueillis par H. B.
 

Distinction


Meilleur hôtel d’Afrique du Nord
 
Le célèbre magazine américain Condé Nast Traveler a récemment rendu publique sa sélection de palaces pour cette année et La Mamounia a reçu le Prix du meilleur hôtel d’Afrique du Nord.

Ce sont des milliers de lecteurs qui ont rempli le questionnaire de Condé Nast Traveler et qui ont placé le palace de Marrakech à la première place, avec un score proche de la perfection de 98,79/100, précise la direction.

Faisant part de sa joie quant à cette récente distinction, elle a indiqué que cet établissement a conservé sa place de leader dans le secteur de l’hôtellerie de luxe au Maroc et à une échelle internationale, notamment grâce aux efforts entrepris : une superbe réhabilitation en 2020, des partenariats en restauration dans le respect de la recherche constante de l’excellence.

La nouvelle mention vient ainsi récompenser tous ces efforts mais aussi le dévouement et l’implication des 650 personnes qui travaillent au service de cet emblématique hôtel, a-t-elle précisé. Pierre Jochem, directeur général de La Mamounia, a confié aux architectes et designers Patrick Jouin et Sanjit Manku le mandat de réhabiliter l’hôtel, en activité depuis 98 ans, tout en gardant son cachet et son héritage. Parce que l’art culinaire est un des piliers de ce palace, ses nouveaux dirigeants ont entièrement repensé ses restaurants et ses cafés. D’ailleurs, le restaurant Le Français est devenu L’Italien offrant une vue imprenable sur le jardin de l’hôtel. Idem pour l’Asiatique, le Marocain et le Majorelle.

Quant à l’immense piscine de La Mamounia, elle a également subi une cure de métamorphose. Pour le petit-déjeuner, un buffet y a été mis en place. Autre restaurant de l’hôtel, à savoir Le Pavillon mais aussi Le Churchill, ont été relookés. De plus, une nouvelle salle de cinéma de 21 places est désormais ouverte aux clients. La Mamounia restaurée dispose également d’un salon de thé tenu par le célèbre chef pâtissier Pierre Hermé. Au total, La Mamounia dispose de 135 chambres et 71 suites, de trois riads de 700 mètres, d’une piscine exclusive et de lieux luxueux qui offrent un bien-être sans pareil aux visiteurs.
 

Arts


 La Koutoubia de Churchill

Le plus célèbre tableau de l’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill (1874-1965) a été adjugé, il y a à peu près un an à Londres, pour 8,1 millions d’euros par la maison de vente aux enchères Christie’s.

Ce paysage simple et sans fioriture représente le minaret, symbole du pouvoir de la dynastie almohade (XIIe siècle), enserré par les remparts de la cité antique et adossé à des montagnes enneigées. Peint lors d’une visite officielle au Maroc pendant la Seconde Guerre mondiale, Churchill l’avait offert à l’époque à Roosevelt. Vendu par l’un des fils de Roosevelt dans les années 1950, la peinture a changé de propriétaire à maintes reprises, avant d’atterrir en 2011 dans la collection du couple hollywoodien Angelina Jolie et Brad Pitt.

Le leader conservateur a débuté la peinture tardivement, à l’âge de 40 ans. Celui qui aimait fuir les orages politiques et la grisaille londonienne avait découvert la lueur de la ville ocre de Marrakech au cours des années trente, à la période du protectorat français, et y a effectué en tout six voyages en 23 ans. Une photographie de presse de l’époque représente Roosevelt et Churchill admirant ensemble le coucher de soleil depuis la villa Taylor sur le panorama qui a servi d’inspiration au tableau.

Au cours de la même enchère, deux autres tableaux de Churchill ont été vendus par adjudication : un paysage de Marrakech a été vendu pour 1,8 million d’euros - soit 2,18 millions d’euros avec les frais - tandis qu’une vue de la cathédrale Saint-Paul de Londres est partie pour 1,2 million d’euros.
 

Rétrospective


Churchill, le marocophile
 
Grand ami du Maroc, Churchill a été charmé par plusieurs des sites du Royaume. En décembre 2006, sa toile «Vue de Tinghir» avait déjà franchi le cap d’un million d’euros. Idem pour son tableau baptisé «Le vieux Lion».

Selon des historiens britanniques, Churchill avait fait don de cette composition au général américain George C. Marshall. «Sunset over the Atlas », une de ses oeuvres peintes à l’huile, a rendu immortel un coucher de soleil depuis son balcon. En 1935, l’homme fort écrivait à son épouse, Clementine, qu’il avait sous les yeux le plus beau paysage du monde entier. Quelque 76 ans plus tard, son vif éloge à la ville ocre du Royaume a été vendu aux enchères à Londres pour 265.250 £, soit environ 300.000 euros.

Lorsque le moral de Churchill était au plus bas, il se servait de la peinture comme d’une forme de thérapie, comme d’une échappatoire aux mauvais jours. Il se plaisait à se poser devant son chevalet et à laisser libre cours à son fin talent et grand amour pour la sobriété. À Londres en 2011, puis en 2013-2014 à La Mamounia, des tableaux de Winston Churchill et du peintre marocain Hassan El Glaoui, fils aîné de l’ancien pacha de Marrakech, le célèbre Thami El Glaoui, ont été exhibés.

Hassan El Glaoui était lié à l’ancien Premier ministre britannique par une estime sans faille. Car c’est Churchill lui-même qui a décelé le talent du fils aîné du pacha et l’a persuadé de lui permettre de poursuivre ses études dans le domaine des beaux-arts.
 








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