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Rétro-Verso : La fabuleuse odyssée du lycée Omar Ben Abdelaziz


Rédigé par Houda BELABD Mercredi 26 Juin 2024

Il fut un temps où le lycée Omar Ben Abdelaziz était l'apanage des étudiants français, fils de notables et autres piliers de l'élite intellectuelle marocaine. En ce temps, la qualité de l'éducation nationale était, de l’avis général, inégalable. Revenons sur son histoire, des origines jusqu’à nos jours.



Le lycée Omar Ben Abdelaziz est l'un des plus anciens établissements d'enseignement au Maroc, puisqu'il a été fondé en 1915. Il n'a d'égal en termes d’ancienneté et de notoriété que le lycée Sidi Ziane dans la même ville, qui a été construit quelques années avant le Protectorat français, soit en 1907.
 
Forte et fière de ses 109 ans d’existence, l'institution est sise au centre de la ville, donnant sur l’Avenue Mohammed V, à quelques centaines de mètres de la municipalité d'Oujda-Angad, et séparée par la route Abderrahmane Addakhil de son école jumelle, le lycée technique hyponyme.
 
De nombreux cadres marocains sont émoulus de cette institution. Parmi eux, il y a lieu de citer les ministres marocains de l'Energie Moussa Saadi et Chakib Khalil, qui ont ensuite étudié aux États-Unis avec un passeport marocain, les Conseillers royaux Allal Si Nasser et Mezian Belfkih, le professeur Benmimoun, qui était attaché au personnel médical de Feu Hassan II, et d'anciens ministres tels que Mohamed Mbarki, sans oublier le défunt président algérien Abdelaziz Bouteflika et l'ancien ministre français de la Coopération Christian Nucci, qui se rend régulièrement à Oujda pour y rencontrer ses amis.
 
Ont également rejoint les bancs de cet établissement Najima Ghozali Tay Tay, ancienne Secrétaire d'Etat chargée de l'Alphabétisme et de l'Education non-formelle, le ministre algérien Hamid Tarab, des gouverneurs de province comme le professeur Benyounes Oulad Cherif, ancien gouverneur de Tiznit, et des milliers de cadres marocains, algériens et français...
 
Il convient également de citer quelques cadres français de haut niveau issus de cette magistrale institution, parmi lesquels il y a Dale Baye, directeur de la division africaine de France Télécom, et Christian Dutoit, ancien directeur de TF1 TV...
 
Aujourd'hui encore, la nostalgie de l'école habite certains de ses anciens élèves, qui occupent des postes dignes de ce nom au Canada et aux Etats-Unis. Ils sont nombreux, d'ailleurs, à se voir encore à l'écriture de ces lignes, par le biais de l'Association des anciens élèves du lycée de garçons en France, comme elle s'appelait il y a plus d'un siècle.

De plus, de nombreux cadres marocains et étrangers se targuent de faire partie des lauréats de cette prestigieuse institution, autrefois considérée, à quelques détails près, comme une école polytechnique du Maroc, où des centaines d'Européens ont suivi des études à une époque où elle était réservée à l'élite, avant d'en permettre l'accès aux Marocains les plus méritants.

À leur plus grand bonheur, ainsi qu'à celui de tous les amoureux de ce monument du système éducatif marocain, à la fin des années 80 et au début des années 90, un budget substantiel de cent millions de dirhams a été alloué à la rénovation du bâtiment, tout en préservant son architecture, et ce, suite à la décision de donner corps et vie à la division des départements préparatoires de la région Est pour l'accès à l'enseignement supérieur, qui a débuté en 1994/1995.
 
Cet établissement scolaire historique a été baptisé en tant que tel en 1959, lorsque l’Etat a entrepris la démarche de la marocanisation du système éducatif national. Omar Ben Abdelaziz se trouve en face du "Lycée de filles" ou le Lycée Zainab Annafzawiya, comme il convient de l’appeler de nos jours. Comme tout établissement scolaire construit sous le Protectorat, il se caractérise par une architecture qui se réfère à l'époque de la construction néo-coloniale française.

L'institution a conclu un certain nombre de partenariats importants avec l'Agence de développement des provinces orientales, l'Agence pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique et l'Agence de développement social. Elle a également obtenu plusieurs Prix nationaux et internationaux importants, tels que le certificat de référence en matière d'allocation et de distribution des ressources. Ce mois-ci, l'institution a organisé le deuxième forum du Festival des sciences, dont la première édition a été considérée comme une œuvre très avant-gardiste dans le domaine de la sensibilisation à la pensée mathématique et scientifique en général.
 

Zoom : Oujda avant la naissance du nationalisme marocain

A l'arrivée des Français au Maroc, à côté d'un système d'enseignement coranique traditionnel, il existait un réseau d'établissements de l'Alliance Israélite Universelle (AIU), ainsi que l'école catholique de la mission espagnole.

Fondée en 1860 en France (à l'époque où le judaïsme était encore une religion prosélyte comme l'islam et le christianisme), il a été décidé qu'au Maroc, seuls les ressortissants juifs pouvaient étudier dans les écoles agréées par l'AIU. Cette mesure est intervenue à un moment assez singulier, après la conversion forcée au christianisme de l'enfant juif Edgard Mortara en 1858.

Si le Maroc a toujours été perçu comme la porte de l'Afrique, Oujda était considérée, du moins du point de vue colonial français, comme la porte de l'Algérie française et des nombreuses migrations, encore illégales à l'époque, vers Israël, encore officiellement appelée Palestine.

Dans son "Essai sur les mutations, relations et ruptures des sociétés en milieu colonial", l'historienne Yvette Katan a décrit Oujda comme "ville frontière du Maroc", en soulignant ses nombreux changements, en particulier ceux qui ont eu lieu entre 1907 et 1956.

Pour cette intellectuelle, Oujda, ville marocaine fondée au Xe siècle, a connu le destin délicat des villes frontalières jusqu'à l'arrivée des Français en 1907. Les changements politiques, économiques, démographiques et sociaux provoqués dans tout le pays par la colonisation ont eu un impact particulier sur Oujda. Les politiques inégalitaires du protectorat, tout particulièrement dans le domaine de l'éducation, ont accentué les clivages et les disparités sociales. La société d'Oujda devient alors de plus en plus fragmentée, y compris à l'intérieur des classes sociales. Oujda a commencé à se forger une identité nationale dans les années 1930, devenant l'un des bastions du nationalisme marocain, avec des mutations majeures dans le domaine de l’enseignement.

 

Rétrospective : L'enseignement marocain, un processus jalonné de transitions

Dans son livre "Revue d’Histoire moderne et contemporaine", l’historienne Yvonne Knibiehler s'est penchée sur l'enseignement au Maroc pendant le protectorat (1912-1956), notamment sur celui des « fils de notables ».

"Désireux de conserver la culture locale, craignant aussi que les Marocains ne puissent suivre tout un enseignement en français, elle prescrivit d'enseigner en arabe ce qui pouvait l'être : la grammaire, la littérature, l'éloquence, la prosodie, et même la théologie", pourrait-on lire dans ce précis historique.

Si l'on sait qu'avant le Protectorat, l'enseignement de la langue et de la théologie était dispensé dans les msids, ces écoles coraniques de quartier, qui existent encore à nos jours dans certains villages, il convient de rappeler que l'enseignement de qualité était, aux origines, l'apanage d'Al Qarawiyine et de la Médersa Bou Ananya à Fès et la Médersa Moulay Youssef de Marrakech, parmi quelques rares autres exceptions. Ces écoles et cette université exigeaient de leurs disciples de se déplacer des quatre coins du pays et d'opter pour l'internat dans l'optique de s'armer de savoir et de connaissance.

Il faut dire qu'à Tanger, au début du 19ème siècle, la première école anglophone, attachée à la mission américaine prodiguait des cours d'anglais aux fils de diplomates marocains mais, quelques décennies plus tard, elle s'est vue supplanter par des écoles attachées à la mission française pré-protectorale. Ce fut également le cas à Tétouan.

A Rabat, Casablanca, Oujda et Meknès, parmi d'autres grandes villes, des écoles de fils de notables ont commencé à émerger dès les premières années du Protectorat français.

Pour ce qui est de l'enseignement post-baccalauréat d'il y a environ un siècle (de 1920 à 1934) et dans le but de faire rayonner l'intelligentsia marocaine au-delà des frontières marocaines, nous pourrions lire au travers des récits historiques que le nombre de bacheliers marocains ayant bénéficié d'une bourse en France s'élève à 53.

«Dans les années 1920, plusieurs dizaines de pionniers, dont les fondateurs du Parti de l'Istiqlal, comme Ahmed Balafrej, ont étudié en France. Puis, après 1945, plusieurs centaines d'élèves des écoles musulmanes et des lycées français du protectorat ont étudié en France», expliquait, il y a quelques mois au dictaphone de « L'Opinion », Pierre Vermeren, historien et spécialiste de l'histoire du protectorat français au Maroc.


 

Bio : Omar Ibn Abdul Aziz, imam, calife et jurisconsulte

L'imam Abu Hafs Omar ibn Abdul Aziz ibn Marwan ibn al-Hakam ibn Abul As (61 - 101 AH / 681 - 720 AJ), connu sous le nom d'Omar ibn Abdul Aziz ou Omar le Second en raison de sa ressemblance frappante avec son grand-père maternel, le calife Rachidi Omar ibn al-Khattab. Il est le huitième calife de la dynastie omeyyade et le treizième dans l'ordre des successeurs du prophète Mohammed que la paix et le salut soient sur Lui.

Omar ibn Abdul Aziz est né à Médine et a grandi avec ses oncles de la famille d'Omar ibn al-Khattab. Il a donc été influencé par eux et par la communauté des compagnons de Médine. De plus, il était très désireux d'acquérir de nouvelles connaissances. En 87 de l'hégire, le calife Al-Walid ibn Abdul-Malik le nomma à l'émirat de Médine, puis lui ajouta Taïf en 91 de l'hégire, faisant de lui le gouverneur de tout le Hijaz, avant qu'il ne soit démis de ses fonctions et transféré à Damas. Lorsque Soleymane ibn Abdul Malik assuma le califat, il fit de lui son ministre et conseiller, puis son prince héritier. Lorsque Soleymane mourut en 99 de l'hégire, Omar assuma le califat.
 
Le califat d'Omar ibn Abdul Aziz s'est caractérisé par un certain nombre d'éléments, notamment la justice et la réparation des injustices commises par ses prédécesseurs de Bani Oumayyah, le renvoi et la punition de tous les gouverneurs injustes, la restauration de la choura (le devoir de consultation), raisons pour lesquelles de nombreux érudits le considèrent comme le cinquième des Califes Rachidis, ainsi que l'attention portée aux sciences juridiques et l'ordre de codifier les hadiths du Prophète de l'Islam (Paix et salut sur Lui). Le califat d'Omar a duré deux ans, cinq mois et quatre jours, jusqu'à ce qu'il soit empoisonné en 101 de l'hégire et que Yazid ibn Abdul Malik prenne le relais.

 

Enseignement : Quand les écoles bilingues furent un luxe…

Selon les récits historiques de nombreux spécialistes du Protectorat français, comme Pierre Vermeren, Yvonne Kniebelher ou Yvette Katan, les enfants issus des classes populaires ne se pressaient pas en masse dans les écoles bilingues.

 En 1914, l'on dénombrait moins de 3000 enfants dans les écoles franco-arabes, la plupart étant des fils de notables ou de cadres administratifs et militaires ralliés à la France. Les missions juives marocaines rattachées à l'Alliance israélite universelle scolarisaient, quant à elles, plus de 5000 enfants, dont 40% de filles.

Cette situation prévalait bien avant la Seconde Guerre mondiale. En 1925, on comptait quelque 6.000 écoliers. En 1930, ils étaient 8.000, puis 22.000 en 1938, 35.000 en 1945, 110.000 en 1950 et 206.000 en 1955.

En 1953, le pourcentage d'enfants scolarisés dans la population d'âge scolaire était estimé à 8%. En 1946, 3300 Marocains étaient inscrits dans l'enseignement secondaire et pas plus de 150 élèves étudiaient en France !

En 1945, 33 Marocains avaient obtenu leur baccalauréat et en 1950, ils étaient 87. Enfin, à la veille de l'indépendance en 1955, ils étaient 15.519.
 
En 1952, 21% des garçons et 10% des filles de Casablanca en âge d'être scolarisés fréquentaient l'école primaire et un millier l'école secondaire.








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