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Recherche scientifique : Comment le nouveau fonds de soutien sauvera-t-il la mise ?


Rédigé par Mina ELKHODARI Mardi 4 Juillet 2023

Pour accompagner les efforts de la recherche scientifique au Maroc, un fonds de soutien de 600MDH dont la moitié proviendrait du secteur privé, entrera en vigueur dès 2023/2024. Ce budget additionnel sera-t-il suffisant pour assurer la réussite de la transition vers une recherche scientifique plus performante en résultats ? Réponses d’experts.



Certains observateurs du secteur ont tendance à qualifier la recherche de « parent pauvre » de l’enseignement supérieur. Car tout simplement, malgré les programmes mis en place, le système de la recherche scientifique est loin d’atteindre la performance escomptée, à savoir un modèle plus inclusif, producteur de richesses, et exportable. D’autres estiment, par contre, que cette réalité a changé après la crise sanitaire de la Covid-19. Les programmes initiés dans plusieurs domaines d’ordre prioritaire, notamment la santé, ont permis à la recherche de redorer son blason.

Pour soutenir cette dynamique, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdellatif Miraoui, avait annoncé lors de son passage à la Chambre des Représentants la semaine dernière, qu’un grand intérêt sera accordé à la recherche scientifique dans le cadre de la réforme pédagogique en cours. Mais par quel moyen ? Un fonds de soutien à la recherche scientifique doté de 600 millions de dirhams dont la moitié proviendrait du secteur privé. Ce fonds entrera en vigueur à partir de la prochaine rentrée universitaire.

Il s’agit là d’un pas important qui a été largement salué par la communauté de chercheurs et de doctorants de nos universités. « Cette enveloppe budgétaire va, sans aucun doute, contribuer au développement de la recherche scientifique dans notre pays », relève Pr Mohammed Regragui, Doyen de la Faculté des Sciences, Université Mohammed V de Rabat.
Même son de cloche chez le Pr Rajaâ Cherkaoui El Moursli, chercheuse marocaine, spécialiste en physique nucléaire qui nous a indiqué : « C’est une initiative excellente tant attendue et qui promet d’accélérer le train de la recherche au Maroc. Elle s’ajoute aux appels d’offres lancés par d’autres ministères dans divers secteurs ».

Toutefois, cela pourrait s’avérer insuffisant car l’essor scientifique est obéré, selon Pr Cherkaoui, par plusieurs problèmes d’ordre structurel, notamment le statut de l’Université publique.

 « La recherche scientifique a toujours existé au Maroc. Nous avons une jeunesse vive et active que les autres pays n’ont pas, mais malheureusement les textes relatifs au statut de notre université qui déterminent son modèle de gestion constituent un véritable frein », relève-t-elle, tout en appelant à changer la donne par l’adoption d’une révision de la loi n 01-00 portant organisation de l'enseignement supérieur. L’objectif étant d’aboutir au même modèle de gestion de l’Université publique-privée tel que cela se fait en Tunisie par exemple.

«En vertu de ce texte, l’Université publique marocaine est en effet gérée en tant qu’établissement public, comme une commune ou un ministère, et non pas comme un établissement professionnel pour la culture et la science comme c’est le cas dans les universités publiques privées à l’instar de l’Université Mohammed VI Polyethnique», explique- t-elle, relevant que ce statut n’avantage pas la recherche au Maroc.
 
Le statut de l’université publique à l’origine de plusieurs maux

Le problème de la recherche scientifique est surtout un problème de gestion. La communauté de chercheurs est souvent confrontée à de longs délais d’attente en raison de procédures complexes. C’est en tout cas le constat relevé par la chercheure Cherkaoui qui relève qu’en plus du manque criant de matériel nécessaire dans les laboratoires, le chercheur est confronté à d’autres difficultés majeures.  « En cas de déplacement à l’étranger pour une mission de recherche, le chercheur n’est remboursé que des mois après son déplacement. Pour acheter du matériel pour un projet de recherche quelconque, la procédure depuis le lancement de l’appel d’offres est très longue. La génération d’aujourd’hui, de plus en plus exigeante, ne peut pas faire de la recherche dans de telles conditions », objecte-t-elle, notant que les acteurs du privé, sur lesquels la tutelle mise pour réussir ce chantier, sont très exigeants en termes de délais.
 
Le soutien aux doctorants

Dès la rentrée prochaine, les universités nationales devront renforcer la recherche scientifique en recrutant 1.000 doctorants dont la mission sera d’innover et de créer.  Ces doctorants bénéficieront d’une prime individuelle mensuelle de 7.000 DH. Il s’agit d’une mesure incitative applaudie par les doctorants mais aussi par le corps pédagogique de l’université publique.
 
« Cette bourse va permettre aux lauréats de ces bourses de mieux se consacrer à leurs travaux de recherche. Elle permettra aussi aux établissements publics d’attirer les meilleurs étudiants qui veulent continuer leur formation par la recherche », fait observer le Pr Mohammed Regragui, Doyen de la Faculté des Sciences, Université Mohammed V de Rabat soulignant la nécessité d’élaborer des critères clairs pour réussir ce projet.

Outre le soutien financier à la communauté de doctorants, il est nécessaire, selon notre interlocuteur, d’élaborer un plan de suivi de la thèse, avec une programmation et des objectifs clairs, réalisables et bien définis.

De plus, «Ce contrat, entre le doctorant et sa structure de recherche, doit faire l’objet d’évaluation continue de sorte à relever les disfonctionnements rencontrés et apporter les ajustements nécessaires», suggère-t-il.
 

Trois questions au Pr. Mohammed Regragui, Doyen de la Faculté des Sciences, Université Mohammed V de Rabat. « Une bonne partie des doctorants bénéficiant de bourses d’excellence ne soutiennent pas leur thèse »

 
-La prochaine rentrée universitaire verra le démarrage d’un fonds de 600 MDH pour soutenir la recherche scientifique. Dans quelle mesure ce budget supplémentaire permettra t-il de réaliser l’essor scientifique recherché ?

Cette enveloppe budgétaire va, sans aucun doute, contribuer au développement de la recherche scientifique dans notre pays. Néanmoins, une gestion efficace et efficiente de cette enveloppe budgétaire est aussi importante. Je rappelle, à ce titre, que les résultats des bourses d’excellence ne sont pas celles souhaitées et qu’une bonne partie des doctorants bénéficiant de cette bourse ne soutiennent pas leur thèse de doctorat. Pour cela, il faut mettre en place des critères de sélection des thématiques de recherche, des candidats, des conditions de suivi des travaux et autres, nécessaires pour arriver aux résultats escomptés.
 
-Selon vos perspectives, quels sont les domaines de recherche prioritaires à soutenir dans ce sens ?

Outre les grands chantiers en cours, je citerai la problématique de la rareté des ressources naturelles, avec à leur tête l’eau, qui doivent être prises en considération lors de l’identification des thématiques prioritaires. Cela sans oublier les domaines qui suscitent un grand intérêt international comme l’intelligence artificielle, la robotique, les droits de l’homme.
Ainsi, il devient nécessaire d’élaborer une stratégie claire pour développer la recherche scientifique nationale et profiter au mieux des ressources mises en place.  
 
-Le ministère de tutelle mise dans ce sens sur la contribution du secteur privé. Quelle est la part de responsabilité des acteurs privés pour renforcer la valeur et l’impact de la recherche scientifique ?

L’implication du secteur privé est très importante pour que les résultats de la recherche scientifique aient un effet important sur notre économie. Cette implication ne doit pas être limitée à une contribution financière. Elle doit aussi concerner le choix des sujets de recherche, la promotion du transfert technologique et de l’innovation. Cette collaboration doit aussi être plus large et concerner les conseils des régions, les villes et les préfectures pour les accompagner dans les projets de développement. Les universités doivent en effet être ancrées dans leur région en soutien à tous les acteurs.  








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