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Ravages du Sida parmi les jeunes : 34% des contaminations en 2019 concernent les 15 à 24 ans


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mardi 1 Décembre 2020

Alors que la stigmatisation sociétale des personnes qui vivent avec le VIH perdure, les acquis de la lutte contre le Sida au Maroc sont menacés par la baisse des financements.



Ravages du Sida parmi les jeunes : 34% des contaminations en 2019 concernent les 15 à 24 ans
Ce 1er décembre, le monde célèbre la Journée internationale de lutte contre le SIDA alors que continue de sévir une pandémie qui n’en finit pas de ravager les vies et les économies. Cette date coïncide au Maroc avec le lancement de la campagne SIDACTION, organisée du 1er au 31 décembre par l’Association de Lutte Contre Le Sida (ALCS) sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Cette campagne nationale de sensibilisation et de collecte de fonds intervient cette année dans un contexte où les financements internationaux sont dirigés vers d’autres causes et où leur baisse risque d’être aggravée par la crise économique générée par l’épidémie de Covid-19. « Pour poursuivre ses actions de sensibilisation, de dépistage, de prise en charge, etc., en direction des jeunes et des populations les plus vulnérables, l’ALCS a besoin, plus que jamais, de la générosité du public», souligne un communiqué de l’association.

2019 en quelques indicateurs
Si le bilan de la lutte contre le SIDA au Maroc a évolué positivement depuis que ce fléau a fait son apparition au Maroc dans les années 80, l’ALCS confirme cependant que la bataille est loin d’être finie : « Le Sida est toujours présent au Maroc et le ministère de la Santé estime que 21.500 personnes vivent avec le VIH, parmi lesquelles 6.000 ne connaissent pas encore leur statut sérologique  ». Pire, l’année 2019 a été marquée par une tendance inquiétante : sur les 850 nouvelles infections enregistrées au cours de l’année dernière, 34% concernaient des jeunes de 15 à 24 ans. Durant la même année, environ 300 personnes ont trouvé la mort à cause de la maladie. Toutefois, la prévalence du Sida dans la population générale demeure très faible. L’ALCS indique que le taux s’y afférent est de 0.08%. 65% des cas notifiés se concentrent par ailleurs dans trois régions du Royaume : 25 % à Souss-Massa, 21 % à Marrakech-Safi et 20 % à Casablanca-Settat.

Un traitement disponible et gratuit
Le Maroc est néanmoins un pays où les efforts de lutte contre le SIDA ont abouti. « Nous sommes l’un des rares pays de la région à avoir réussi à inverser la courbe des nouvelles infections », se félicite l’ALCS dans son communiqué. « En 2015, le Maroc a adopté la stratégie « test and treat » (tester et traiter) recommandée par l’OMS. Toutes les personnes qui ont besoin du traitement l’obtiennent gratuitement. Contrairement à d’autres pays, il n’existe pas au Maroc de listes d’attente », nous explique Pr Mehdi Karkouri, président de l’ALCS. « Cela a été rendu possible grâce à l’effort qui a été fait par l’Etat pour prendre en charge les traitements, et surtout grâce aux efforts faits il y a 20 ans, notamment par la société civile, de plaidoyer pour la réduction des prix des traitements et pour l’utilisation des génériques. En utilisant les génériques et en achetant de grosses quantités de traitement, les prix baissent de façon spectaculaire, ce qui fait qu’aujourd’hui nous n’avons pas de problème d’accès au traitement », poursuit Pr Karkouri.

Le défi de la stigmatisation
Si beaucoup de chemin a été parcouru depuis les premières années de lutte contre le Sida, plusieurs défis continuent à perdurer. « Il y a au Maroc une vingtaine de centres de prise en charge du VIH. Cependant, la géographie de notre pays fait qu’il existe beaucoup de personnes qui vivent à plusieurs heures de trajet du centre le plus proche, et ça, c’est clairement un obstacle », confie le président de l’ALCS. L’autre problème qui continue également à malmener les personnes qui vivent avec le VIH et les efforts de lutte contre la maladie est la stigmatisation sociale. « Il arrive que des personnes évitent de se faire dépister uniquement par peur d’un résultat positif. Beaucoup de personnes qui ont été dépistées positives ont peur d’aller à l’hôpital par crainte d’y être reconnues. Parfois, elles nous demandent d’être suivies à l’autre bout du Maroc », précise Pr Karkouri. « Ça nous donne un peu la mesure d’une stigmatisation qui est toujours là et qui constitue le challenge majeur que nous rencontrons », conclut-il.

3 questions au Pr Mehdi Karkouri, président de l’ALCS

Mehdi Karkouri
Mehdi Karkouri
« Il y a un relâchement chez les jeunes en matière de prévention contre le Sida»

Président de l’Association de Lutte Contre Le Sida (ALCS), Pr Mehdi Karkouri a répondu à nos questions évoquant l’actualité de la lutte contre le VIH au Maroc.

- Il était question en 2019 d’un départ du Maroc du Fond mondial pour la lutte contre le VIH. Est-ce encore d’actualité ?
- Le Fonds mondial se désengage de plus en plus des pays à revenus faibles à intermédiaires, dont fait partie le Maroc, pour se recentrer sur les pays les plus pauvres parce qu’il y a une réduction des financements internationaux. Le départ du Maroc n’a pas encore été acté puisque nous avons été éligibles pour un financement pour la période 2020-2022 avec quasiment la même enveloppe que la période 2018-2020. Pour l’instant, le problème ne se pose pas encore,mais, à terme, il y a toujours ce spectre du départ du Fonds mondial qui se profile.

- Comment expliquez-vous la prévalence de 34% de jeunes (15 à 24 ans) parmi les 850 nouveaux cas recensés en 2019 ?
- C’est une tendance qui est internationale et qui s’explique par un certain relâchement chez les jeunes en matière de prévention contre le Sida depuis l’apparition des traitements au début des années 2000. Si les antirétroviraux ne guérissent pas, ils permettent néanmoins à une personne séropositive de vivre tout à fait normalement et d’avoir la même espérance de vie qu’une personne séronégative. Le Sida fait désormais moins peur aux gens, car ils ne voient plus les images choquantes de personnes qui meurent à cause de cette maladie, surtout en l’absence de programmes qui s’articulent autour de la sexualité et des risques de transmission du VIH.

- L’ALCS mène-t-elle des actions qui ciblent les jeunes pour lutter contre ce relâchement ?
-Absolument. Nous effectuons régulièrement des campagnes de sensibilisation, dans les lycées et les universités notamment.

Recueillis par O. A.

Encadré

Prévention : Le Maroc, unique pays du Maghreb à avoir mis en place la « PREP »
En plus de la trithérapie qui permet aux personnes séropositives de vivre « normalement » avec le VIH, il existe aujourd’hui un médicament destiné aux personnes saines qui sont classées dans la catégorie « à risque ». « La PREP (prophylaxie pré-exposition) a été une révolution dans la prévention du VIH. Ce médicament est une combinaison de deux des antirétroviraux qui sont utilisés pour le traitement du Sida. Prendre le PREP immunise une personne saine contre le VIH même si elle a par exemple un rapport sexuel avec une personne séropositive (il n’y a pas de transmission) », explique Pr Mehdi Karkouri, président de l’ALCS, qui, cependant, souligne que ce médicament doit intervenir en complément des autres moyens de prévention qui existent. Le Maroc est le seul pays de la région à offrir l’accès gratuit à ce médicament aux personnes à risque qui en font la demande. « Nous avons réussi à avoir la PREP au Maroc grâce à un plaidoyer de l’ALCS. De 2015 à  2016, nous avons mené avec le ministère de la Santé une étude de faisabilité qui a confirmé l’efficacité de ce médicament », raconte le président de l’ALCS qui précise que la PREP est actuellement disponible gratuitement dans quatre des centres de l’ALCS (Rabat, Casablanca, Marrakech et Agadir). « A chaque fois, nous ouvrons un dossier en présence d’un médecin, car prescrire la PREP se fait d’une manière cadrée qui implique un suivi médical. Notre expérience est par ailleurs souvent citée comme un exemple dans les autres pays de la région », précise Pr Karkouri.

Repères

ARV et trithérapie
Depuis la découverte du Sida en 1981 et du rétrovirus VIH, en 1983, des douzaines de nouveaux médicaments antirétroviraux (ARV) ont été mis au point. Les différentes classes de médicaments antirétroviraux agissent contre le VIH de différentes façons. Lorsqu’ils sont combinés (trithérapie), ils sont beaucoup plus efficaces pour contrôler le virus et moins susceptibles de favoriser la résistance aux médicaments que lorsqu’ils sont administrés séparément. En 2015, il existait plus de 20 ARV appartenant à 6 classes différentes de médicaments.
Communication et SIDACTION
SIDACTION Maroc 2020 est un défi qui vise à poursuivre la mobilisation de tous les partenaires et du grand public dans la lutte contre le Sida. SIDACTION prendra cette année la forme d’une large campagne de sensibilisation multicanal avec une programmation audiovisuelle dédiée qui se prolongera tout au long du mois de décembre. Une soirée télévisée sera également diffusée sur la chaîne 2M, le samedi 19 décembre 2020. Les informations sur la collecte de fonds sont disponibles sur le site de l’ALCS.