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Produits à la consommation : La flambée persiste malgré la baisse des prix du fret maritime


Rédigé par Abdellah MOUTAWAKIL Jeudi 10 Novembre 2022

Depuis plusieurs semaines, les prix du fret maritime ont commencé à baisser, mais cela ne se répercute pas encore sur le panier de la ménagère. Comment expliquer ce décalage ? Pour les économistes et spécialistes du transport maritime, il faudrait encore attendre plusieurs mois pour constater cette baisse. Explications.



«Nous sentons actuellement une véritable baisse des coûts du fret maritime, mais ils sont nombreux à invoquer la flambée des prix du pétrole pour justifier le maintien de certains tarifs élevés». Ce témoigne est d’une personne active dans les activités de logistique, qui a requis l’anonymat. Il illustre le sentiment qui commence à gagner de nombreux observateurs ou tout simplement le citoyen lambda. Cela fait plusieurs mois que les prix du fret maritime, multipliés par 5 au plus fort de la crise post-Covid, commencent à redescendre à un niveau tendant vers celui d’avant Coronavirus, mais, s’agissant des prix des biens de consommation, ils restent toujours élevés. Les hausses appliquées avec la cherté du transport maritime n’ont pas été revues depuis. En témoignent les derniers chiffres du Haut-Commissariat au Plan (HCP) qui font état d’une inflation de 8,3% sur un an, due essentiellement à l’augmentation des prix alimentaires de 14,7% et des produits non alimentaires de 4,4%.

Prix de l’énergie

«Une chose est sûre : pour ce qui est du transport maritime, les choses ont bel et bien bougé. Nous sommes en train de faire des économies en ce qui concerne la perte en devises et de soulager la balance des paiements. S’agissant des prix du pétrole, je rappelle que le soutage ne pose aucun problème aux armateurs, dont certains possèdent en propre des puits de pétrole», note le professeur Najib Cherfaoui, expert maritime. «Ce qui peut expliquer le maintien de prix toujours élevés, c’est certainement la matière première et pas uniquement la flambée des prix de l’énergie.

La guerre en Ukraine a conduit, partout dans le monde, à un renchérissement des prix des matières premières», tempère pour sa part l’économiste et fiscaliste Mohamed Rahj. Selon lui, «la baisse du fret maritime à elle seule ne peut pas entraîner systématiquement une baisse des prix, en raison des nombreux autres facteurs exogènes».

Décalage

Autre explication avancée par les spécialistes du transport et de la logistique, c’est le temps nécessaire à l’application effective d’une baisse du fret sur les marchandises. «En réalité, il faut compter entre 4 à 5 mois avant de commencer à ressentir cette baisse, le temps que les importateurs et commerçants épuisent les stocks des marchandises achetés à des tarifs élevés», renseigne pour sa part El Mostafa Fakhir, expert et consultant international dans le domaine du transport et de la logistique. «Et puis, il faut aussi noter que la baisse des tarifs du fret maritime concerne surtout tout ce qui est spot et pas forcément l’ensemble des conteneurs affrétés par un gros navire», poursuit-il.

Pour rappel, le prix du conteneur 40 pieds en provenance des ports chinois à destination du Maroc se négocie désormais à 9.000 dollars, soit bien en deçà des 20.000 à 25.000 dollars exigés au plus fort de la crise. Avant la crise du Covid- 19, le transport d’un conteneur depuis la Chine ne coûtait que 3.000 à 4.000 dollars.

Incompréhension

En tout cas, ils ne sont pas nombreux à voir les choses de cette façon, notamment du côté des associations de défense des droits des consommateurs, comme UNICONSO, où l’on continue d’alerter sur la baisse du pouvoir d’achat et d’inciter les autorités à agir, rappelant que, selon le HCP, le Maroc était revenu «au niveau de pauvreté et de vulnérabilité de 2014», à cause de l’épidémie du Covid-19 et de l’inflation.

L’incompréhension est d’autant plus palpable que le débat s’ébruite dans les couloirs du Parlement, où l’Exécutif est souvent interpellé sur la question selon les secteurs d’activités. Du côté du gouvernement, on assure «suivre la situation de près» et que des mesures idoines ne manqueront pas d’être prises selon l’évolution du marché international. D’ailleurs, c’est dans ce cadre que le Projet de Loi des Finances 2023 prévoit certaines mesures en vue de soutenir le pouvoir d’achat des ménages.



Abdellah MOUTAWAKIL

Repères

-11% des matières premières en 2023, selon la Banque Mondiale…
Les prix des produits énergétiques, des métaux et des matières premières agricoles devraient reculer en 2023, a estimé la Banque Mondiale (BM) dans son rapport «Commodity Markets Outlook». L’institution précise que les prix de l’énergie devraient diminuer de 11% en 2023 après avoir bondi d’environ 60% en 2022. Le cours moyen du Brent devrait atteindre 92 dollars le baril en 2023, contre une moyenne estimée à 100 dollars sur l’ensemble de l’année 2022, avant de chuter davantage en 2024, à 80 dollars le baril.
 
… et une baisse à un niveau élevé
Selon la Banque Mondiale toujours, les principaux facteurs qui devraient tirer les prix de l’énergie vers la baisse sont le ralentissement de la croissance mondiale, la baisse de la demande de gaz naturel dans un contexte de réduction de la consommation au niveau des ménages et du secteur industriel, et la hausse de l’offre pour le charbon. Malgré cette décrue prévue, les prix de l’énergie resteront globalement supérieurs de 75% à leur moyenne des cinq dernières années.

L'info...Graphie


Inflation


Entre 6 et 8% en 2022
 
Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), le taux d’inflation annuel est passé à 8,3% en septembre 2022, par rapport au même mois de 2021. L’économie nationale est toujours affectée par la hausse des prix des matières premières et de l’énergie particulièrement. La hausse de l’inflation est due à la hausse des prix alimentaires de 14,7% et des produits non alimentaires de 4,4%.

Sur une base mensuelle, le taux d’inflation a augmenté de 1% au cours du neuvième mois de l’année. Pour sa part, Bank Al-Maghrib est moins alarmante.

En septembre dernier, la Banque centrale prévoyait une inflation de 6,3% en 2022 et de 2,4% en 2023, contre 1,4% en 2021. Le Maroc a été négativement affecté par les conséquences de la guerre russo-ukrainienne, tout comme le reste des économies mondiales, car les prix des produits de base, des matières premières et de l’énergie particulièrement ont augmenté.
 

Transport maritime


Vers une baisse continue des prix ?
 
«Je prévois une baisse des tarifs de transport maritime qui va s’équilibrer autour de la grille avant pandémie, c’est-à-dire 2019», pronostique l’expert maritime, le professeur Najib Cherfaoui. En tout cas, au niveau mondial, les experts prédisent également un dégonflement de la bulle inédite de la flambée observée au lendemain de la crise économique historique provoquée par le Covid-19.

Pour certains spécialistes du transport maritime, cette situation pourrait se confirmer en 2023, en raison des mesures prises par certaines grandes puissances comme les Etats-Unis. «La baisse constatée actuellement provient des Etats- Unis qui ont réagi à la hausse démesurée des tarifs enregistrés durant la pandémie. Plus précisément, ils ont décrété le Shipping Act 2022. Cette mesure renforce le pouvoir de régulation de la «Federal Maritime Commission» (FMC)», affirme encore une fois le professeur Cherfaoui.

Après les Etats-Unis, dont la pression a permis de baisser les coûts du fret maritime, c’est au tour de l’Union Européenne de réfléchir à mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles des armateurs maritimes. En effet, l’Union Européenne est en train de réexaminer «l’exemption » accordée aux consortiums de transport maritime de ligne en matière de pratiques anticoncurrentielles. Autrement dit, les règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles interdisent de manière générale les accords entre entreprises qui restreignent la concurrence.

 

3 questions à El Mostafa Fakhir


La baisse des prix est tributaire de l’écoulement des stocks achetés durant la crise
 
Pour El Mostafa Fakhir, il faudrait attendre entre 4 et 5 mois avant de voir les prix des produis importés avec la baisse du fret se répercuter sur le panier de la ménagère. Les commerçants qui avaient importé au plus fort de la crise ont encore des stocks à écouler. Interview.


- Est-ce que la baisse des tarifs du fret maritime est toujours une réalité ?

- Oui, comme cela a été souligné depuis plusieurs semaines maintenant, la baisse est effective sur certains segments. Et là, je tiens à souligner qu’il s’agit surtout des spots et pas forcément de l’ensemble des conteneurs transportés par un gros navire. On peut parler de baisse, mais cela peut concerner uniquement une partie du chargement d’un navire et pas l’ensemble. Il est important de faire cette di érence, car d’aucuns négocient à l’avance leurs tarifs et d’autres le font en fonction de la situation. Donc, tous ces éléments sont à prendre en compte quand on parle de baisse des tarifs du fret maritime.


- Mais comment expliquer la hausse toujours effective des prix de certains produits dont l’augmentation avait été décidée du temps de la flambée maritime ?

- Il faut savoir qu’il faut entre 4 et 5 mois avant qu’une baisse réelle ne soit observée. La raison est que les importateurs ont certainement encore des stocks à écouler et ces stocks ont été achetés au plus fort de la crise. Donc, cela peut être une raison qui retarde encore la baisse des prix de ces produits.


- Quelles sont les tendances qui se dessinent pour l’année 2023 dans le transport maritime ?

- Je pense qu’on peut assister à une certaine détente. La guerre en Ukraine a eu un impact important sur le pouvoir d’achat et sur les entreprises. Ils sont aujourd’hui très nombreux à faire preuve d’un certain attentisme, afin de voir plus clair par rapport à ce qui va se passer.

D’ailleurs, nous constatons qu’actuellement il y a un effet de ralentissement significatif, dû certainement à l’approche de la fin d’année alors que les gens ont déjà fait des stocks importants.




Recueillis par A. M.

 








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