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Politique de droits de douane nuls: une nouvelle ère pour le commerce sino-africain et les opportunités pour le Maroc


Rédigé par Dr. Hanane Thamik le Vendredi 13 Juin 2025

La réunion ministérielle des coordinateurs pour la mise en œuvre du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), tenue à Changsha, dans la province du Hunan, du 10 au 12 juin 2025, a marqué un moment décisif dans la concrétisation des résultats du Sommet de Pékin du FOCAC 2024.



Ce sommet a connu une participation sans précédent, avec 51 chefs d’État africains et des représentants de 53 nations africaines ainsi que de la Commission de l’Union africaine, réunis pour renforcer les liens économiques et diplomatiques avec la Chine dans un contexte mondial en rapide évolution. Dans une lettre de félicitations prononcée le 11 juin 2025, le président chinois Xi Jinping a réitéré la politique transformative annoncée lors du sommet de 2024 : la Chine mettra en œuvre des droits de douane nuls sur 100 % des lignes tarifaires pour les produits provenant des 53 pays africains ayant des relations diplomatiques avec elle.

En vigueur depuis le 1er décembre 2024, cette politique, active depuis plus de six mois au 12 juin 2025, reflète l’engagement inébranlable de la Chine à favoriser le développement économique africain et à approfondir la coopération Sud-Sud. Pour le Maroc, nation dynamique d’Afrique du Nord dotée d’une économie robuste et d’une association stratégique au sein du FOCAC et du Forum de coopération sino-arabe, cette initiative représente une opportunité historique d’élargir le commerce, d’attirer des investissements chinois et d’améliorer les échanges technologiques et culturels, positionnant le Maroc comme un pont vital entre les marchés africains, arabes et chinois.

Avec sa base industrielle diversifiée, ses infrastructures modernes, notamment le port de Tanger Med, ainsi que sa participation active à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), le Maroc peut tirer parti de cette politique pour stimuler son économie, créer des emplois et consolider son leadership régional dans l’intégration, tout en naviguant dans les complexités du commerce mondial dans un contexte de protectionnisme croissant.

La conférence ministérielle du FOCAC : un mécanisme de progrès

La réunion ministérielle de Changsha, qui s’est tenue du 10 au 12 juin 2025, a constitué une étape clé pour faire suite au Sommet de Pékin du FOCAC 2024, qui a adopté une vision ambitieuse sous le slogan « Œuvrer ensemble pour faire progresser la modernisation et construire une communauté sino-africaine de haut niveau avec un avenir partagé ». Cette vision a inauguré une nouvelle ère de coopération mutuellement bénéfique, telle qu’inscrite dans le Plan d’action de Pékin (2025-2027), qui comprend dix initiatives de partenariat dans des domaines tels que la prospérité commerciale, la coopération industrielle, le développement vert, l’innovation numérique et les échanges culturels dans un monde multipolaire.

Coprésidée par le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi et le ministre congolais des Affaires étrangères Jean-Claude Gakosso, la réunion a rassemblé des dirigeants africains et chinois pour concrétiser ces engagements à travers des résultats tangibles, sous la forme de la Déclaration de Changsha sino-africaine. Cette déclaration a réaffirmé la solidarité entre les nations du Sud global et a explicitement condamné les sanctions unilatérales et les actions protectionnistes, telles que les attaques contre le commerce et les investissements africains par des nations occidentales, y compris les États-Unis, utilisant des droits de douane et des contraintes géopolitiques.

La politique de droits de douane nuls a occupé une place centrale dans les discussions et a été présentée comme une réponse aux barrières commerciales mondiales, visant à améliorer l’accès de l’Afrique au marché chinois de 18 000 milliards de dollars, qui a enregistré un commerce total de 282 milliards de dollars entre la Chine et l’Afrique en 2024, faisant de la Chine le principal partenaire commercial de l’Afrique pour la 16e année consécutive.

En proposant cinq initiatives pour renforcer la coopération — fondées sur des bénéfices mutuels, des marchés ouverts et un système international juste —, Wang Yi a réaffirmé la pertinence du FOCAC comme modèle de globalisation inclusive. Le Maroc, grâce à sa stabilité économique et à sa diplomatie dans les domaines africain et arabe, est désormais en position de jouer un rôle stratégique, posant les bases d’alliances transformantes qui reflètent la vision du Sud global pour l’indépendance économique et le développement inclusif.

L’initiative de droits de douane nuls : une bouée de sauvetage pour les exportations africaines

Lancée lors du Sommet du FOCAC 2024 à Pékin et opérationnelle depuis le 1er décembre 2024, la politique chinoise de droits de douane nuls sur l’ensemble des 48 lignes tarifaires des 53 pays africains marque une avancée majeure dans la libéralisation du commerce. Faisant suite aux mesures précédentes qui offraient des exemptions fiscales sur certains produits des pays les moins avancés (PMA) depuis 2003, le régime actuel couvre une large gamme de biens, allant des produits agricoles aux produits manufacturés, s’alignant parfaitement sur la Vision 2035 de la coopération sino-africaine, qui priorise l’industrialisation africaine et l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales.

Soutenue par un financement commercial de 17,12 milliards de RMB et 22 protocoles d’exportation agricole signés avec 18 pays africains, cette politique vise à faciliter la diversification des exportations, en favorisant les produits à valeur ajoutée — tels que les aliments transformés et les textiles — essentiels à une croissance économique durable sur un continent souvent dépendant des matières premières.

En 2024, le commerce sino-africain a atteint 282 milliards de dollars, et la proposition de droits de douane nuls s’oppose aux tendances protectionnistes mondiales — telles que les droits de douane américains et les sanctions européennes sur le commerce — qui ont entravé les exportations africaines. Cette politique offre une alternative cruciale en éliminant les barrières au commerce africain vers l’immense marché de consommation et industriel chinois.

Elle contribue également aux revenus d’exportation des pays africains, réduit leur déficit commercial et renforce leur résilience face aux chocs économiques externes, grâce à un traitement préférentiel, tel que des procédures douanières simplifiées pour les PMA. Le Maroc, avec son économie diversifiée, peut tirer parti de ces opportunités commerciales pour non seulement augmenter sa part de marché, mais aussi attirer des investissements chinois dans des secteurs clés.

La position stratégique du Maroc dans la coopération sino-africaine

Avec une économie stable et diversifiée, une position géographique stratégique à l’intersection de l’Afrique, de l’Europe et du Moyen-Orient, ainsi qu’une riche histoire de relations diplomatiques avec la Chine, le Maroc est particulièrement bien placé pour tirer pleinement parti de l’initiative de droits de douane nuls.

Grâce à son accord de coopération de 2017 dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route » (BRI) et à son partenariat stratégique de 2022, le Maroc approfondit ses liens économiques et culturels. Sa double appartenance au FOCAC et au Forum de coopération sino-arabe renforce son rôle de pont central reliant les marchés africains et arabes au réseau commercial mondial de la Chine.

Contrairement à la plupart des PMA africains dépendants des exportations de matières premières, le Maroc dispose d’un secteur industriel robuste, comprenant l’agriculture, les textiles, l’automobile, l’aéronautique, les énergies renouvelables et les produits pharmaceutiques, ainsi que des infrastructures modernes, notamment le port de Tanger Med, l’un des plus grands d’Afrique, qui a traité plus de 8,6 millions de conteneurs en 2024, jouant un rôle clé dans le commerce intercontinental.

La contribution du Maroc à la ZLECAf lui permet de s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement régionales et de réexporter des biens depuis ses ports vers d’autres pays africains, puis vers le vaste marché chinois. Sa stabilité politique, son économie dynamique et ses investissements dans l’éducation et la technologie en font une destination attrayante pour les investissements chinois, notamment dans les infrastructures (par exemple, le train à grande vitesse ou les projets d’énergies renouvelables). Le Maroc a ainsi tous les atouts pour devenir un hub régional et un partenaire indispensable dans la vision chinoise d’un avenir commun sino-africain, l’initiative de droits de douane nuls catalysant cette relation.

Un coup de pouce majeur pour l’économie marocaine

L’économie diversifiée du Maroc bénéficie d’un élan majeur grâce à la politique de droits de douane nuls, entrée en vigueur le 1er décembre 2024. Cette politique constitue une opportunité significative pour de nombreux secteurs, stimulant la croissance économique et la création d’emplois, tout en renforçant la position du Maroc comme acteur régional clé. Prenons l’exemple de l’agriculture, un secteur de 1,2 milliard de dollars comprenant des produits comme les agrumes, les olives, l’huile d’olive et les produits de la mer. Ces produits peuvent désormais être vendus en Chine sans droits de douane, ouvrant la voie à un marché chinois des fruits importés de 14 milliards de dollars.

Cela est particulièrement bénéfique pour les oranges et les clémentines cultivées dans la région de Souss-Massa et pour l’huile d’olive de haute qualité de Fès-Meknès, des produits très prisés par les consommateurs chinois à la recherche de produits haut de gamme et biologiques. Grâce à cela, le Maroc pourrait doubler ses exportations, générant 200 millions de dollars supplémentaires par an et soutenant 1,5 million d’agriculteurs et de populations rurales.

Le secteur textile, évalué à 4 milliards de dollars et employant plus de 200 000 personnes à Casablanca et Tanger, se tourne désormais vers le gigantesque marché chinois de l’habillement, d’une valeur de 300 milliards de dollars. Sans droits de douane, les vêtements marocains, qu’il s’agisse de prêt-à-porter ou de mode haut de gamme, peuvent concurrencer les produits asiatiques, ouvrant la voie à des partenariats avec des géants de l’e-commerce comme Alibaba. Cela contribuera également à atteindre l’objectif du Maroc de créer 500 000 emplois industriels d’ici 2030, notamment pour les femmes, qui constituent l’épine dorsale de ce secteur.

Le secteur automobile marocain, d’une valeur de 10 milliards de dollars et porté par les usines Renault et Stellantis, est en parfaite adéquation avec l’essor des véhicules électriques en Chine. Les câblages et autres composants sont expédiés sans droits de douane aux fabricants de véhicules électriques comme BYD, renforçant les chaînes d’approvisionnement mondiales. De plus, l’usine Boeing à Casablanca produit des pièces aéronautiques pour le marché chinois en expansion, pouvant créer des milliers d’emplois qualifiés.

Dans le domaine des énergies renouvelables, le complexe solaire Noor, l’un des plus grands au monde, soutient les engagements de développement vert pris lors du FOCAC 2024. Le Maroc peut désormais exporter des panneaux solaires et des composants d’éoliennes vers la Chine sans droits de douane, et des entreprises comme Huawei investissent dans ce secteur, faisant du Maroc un hub pour les technologies vertes, en ligne avec son objectif de 52 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. L’industrie pharmaceutique marocaine, d’une valeur de 2 milliards de dollars, qui produit des médicaments génériques à Rabat et Casablanca, gagne également une part du marché chinois de la santé, évalué à 150 milliards de dollars, grâce à un accès sans droits de douane.

Même des produits comme l’huile d’argan et les produits à base de plantes, ancrés dans la culture amazighe, trouvent un marché auprès des consommateurs chinois soucieux de leur santé, avec le futur Centre de médecine traditionnelle sino-marocain pour les soutenir. La Chine a promis 50,7 milliards de dollars pour le FOCAC en 2024, dont 9,9 milliards pour des investissements au Maroc, ciblant le port de Tanger Med et la ligne de train à grande vitesse (TGV)  entre Marrakech et Casablanca. Des entreprises comme China Railway Construction Corporation pourraient créer environ 10 000 emplois, renforçant la position du Maroc comme hub logistique majeur.

Défis et considérations

L’accord de droits de douane nuls avec la Chine représente une opportunité majeure pour le Maroc, mais il comporte également des défis. Pour en tirer pleinement parti, le Maroc doit planifier stratégiquement et investir massivement pour rester compétitif sur le marché chinois. Tout d’abord, la Chine impose des réglementations strictes en matière de sécurité alimentaire et de qualité, notamment pour les agrumes et les produits de la mer.

Cela nécessite une modernisation des exploitations agricoles et des usines de transformation marocaines, un investissement coûteux mais essentiel pour répondre à ces normes, comme ce fut le cas pour l’huile d’olive sur d’autres marchés. Un autre défi est la concurrence rude des pays comme l’Éthiopie et le Kenya, où la production est moins coûteuse. Le Maroc doit donc améliorer la promotion de ses produits haut de gamme, comme son huile d’olive renommée et ses vêtements de qualité, en utilisant des plateformes en ligne comme Tmall et en participant à des salons professionnels.

Des accords commerciaux bilatéraux stratégiques sont essentiels pour garantir des bénéfices mutuels, comme discuté dans le cadre du partenariat économique établi lors de la réunion de Changsha. La 4e Exposition économique et commerciale sino-africaine (CAETE), qui se tient du 12 au 15 juin 2025 en parallèle de la réunion ministérielle, offre une opportunité cruciale pour les entreprises marocaines de présenter leurs produits, de conclure des contrats et de nouer des liens avec des acheteurs chinois.

Pour que cela réussisse, le gouvernement marocain doit soutenir les exportateurs avec des aides financières pour participer à des foires commerciales et des programmes de formation pour comprendre les complexités du marché chinois. De plus, le Maroc doit renforcer son infrastructure numérique pour capitaliser sur l’essor du commerce électronique et investir dans les capacités logistiques de Tanger Med pour gérer l’augmentation prévue des volumes commerciaux. Ces mesures sont cruciales pour maintenir l’avantage compétitif du Maroc dans le réseau commercial sino-africain dynamique.

Le Maroc, acteur clé dans le renforcement des liens sino-africains

La Déclaration de Changsha, issue de la réunion de 2025 entre la Chine et les pays africains, pose les bases d’une coopération renforcée entre les nations en développement. Elle s’oppose aux actions unilatérales et aux barrières commerciales, soutenant des arrangements commerciaux qui permettent aux pays en développement de contrôler leur propre destinée économique dans un monde multipolaire.

Le Maroc joue un rôle de premier plan dans la création d’une vaste zone de libre-échange africaine, ce qui facilite les échanges commerciaux intra-africains et avec la Chine, par exemple en acheminant des marchandises d’Afrique de l’Ouest via le port de Tanger Med vers les marchés chinois, renforçant ainsi la voix de l’Afrique dans le commerce mondial.

Le Maroc a également joué un rôle majeur en accueillant un événement économique d’envergure entre la Chine et les nations arabes en 2025, démontrant son rôle de connecteur entre l’Afrique, le monde arabe et la Chine. Cela ouvre la voie à des accords mutuellement bénéfiques, alignés sur les plans d’infrastructure de la Chine et les objectifs de croissance économique du Maroc d’ici 2030.

Grâce à sa diplomatie proactive, en accueillant des sommets et en favorisant le dialogue entre les nations en développement, le Maroc soutient les objectifs de l’équipe sino-africaine pour un avenir prospère commun. De plus, ses investissements dans l’éducation et la technologie, comme l’engagement pris lors du Sommet de 2024 de former 1 000 professionnels africains, renforcent les liens humains avec la Chine.

La stratégie du Maroc, qui consiste à utiliser la politique de droits de douane nuls pour augmenter ses exportations et attirer les investissements chinois, porte ses fruits. Cette démarche renforce non seulement son économie, mais contribue également au développement plus large de l’Afrique. En conséquence, le Maroc consolide sa position stratégique au sein du FOCAC, devenant un exemple brillant pour les autres pays africains cherchant à renforcer leurs relations avec la Chine, dans un monde confronté à des défis économiques et géopolitiques croissants. 

Politique de droits de douane nuls: une nouvelle ère pour le commerce sino-africain et les opportunités pour le Maroc
Dr. Hanane Thamik est professeure et chercheuse à l'Université Renmin de Chine et docteure de l'Université de Wuhan. Membre politique du Rassemblement national des indépendants, elle est également membre de l'Association d'échanges d'amitié Maroc-Chine et commentatrice pour CGTN. Elle travaille également en tant que chercheuse professionnelle en relations internationales au sein du ministère de la Défense nationale de la République populaire de Chine. En 2021, elle a eu l'honneur de partager ses réflexions et ses expériences sur les réalisations de la Chine avec le président chinois Xi Jinping et des hauts responsables. En 2023, elle a été sélectionnée par les Nations Unies comme l'une des 100 personnes d'origine africaine les plus influentes au monde. Elle a prononcé des discours lors des 53e, 54e et 55e sessions du Conseil des droits de l'homme, a participé à l'Examen périodique universel 2024 concernant la Chine à Genève, et a pris part à la 69e session de la Commission de la condition de la femme (CSW69) aux Nations Unies à New York.



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