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Culture

«Perdre son sac»: D’un art de la pensée à celui du ressenti


Rédigé par Mariem LEMRAJNI le Vendredi 4 Novembre 2022

Pascal Rambert, metteur en scène et directeur de théâtre français, accompagné de Lyna Khoudri, césar du meilleur espoir féminin pour son rôle dans Papicha, entament un spectacle en tournée dans les Instituts Français du Maroc intitulé «Perdre son sac».



«Perdre son sac»: D’un art de la pensée à celui du ressenti
Pascal Rambert : «La société parfois avale et recrache ses enfants et les jette dans la misère».

De la friction de ces deux artistes, comme deux silex, naîtra une étincelle. Celle d’un spectacle qui a vu le jour dans une amicale complicité entre le réalisateur Pascal Rambert et Lyna Khoudri. Le 2 Novembre, au cinéma la renaissance de Rabat, ces deux figures artistiques présentaient cette création en avant -première au Maroc, avant sa production au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris (Du 9 au 17 février 2023).

Il y avait de l’affluence à la porte, devant les guichets et dans la salle. L’extinction des lumières annonciatrice du spectacle a levé le voile sur un décor étincelant qui rayonne la joie. Tout le monde est mis en condition d’apprécier le spectacle jusque dans les recoins de la grande salle habillée en rouge.

Digne d’une œuvre d’Orwell qui figure le miroir de nos existences, la pièce jouée par la brillante Lyna Khoudri, s’est déclinée en un monologue très puissant et engagé par le ton et la teneur du message. Le réalisateur a su traduire la voix intérieure de son personnage avec un langage tranchant, dans l’abord de plusieurs thèmes a savoir : Le déclin de la figure paternelle, ce que le système patriarcal  réserve à l'amour, l’injustice sociale, la propagande, la lutte de classes, le travail, la méritocratie, la médiocrité dominante, l’esclavage dans ce techno-cocon, la citoyenneté politique, le capitalisme,  le mal-être psychologique…..

Les problèmes de l’identité et la condition humaine ont été décortiqués à travers les délires d’une jeune fille désemparée. Ce sont des fragments de vie et de malheur, les désillusions d’une âme écorchée, souffrant du poids d’une société schizophrène.

La présentation de la pièce est révélée une belle découverte pour un public avide de création :  une jeune femme, momentanément laveuse de vitrines, s’adresse aux passants pour dire sa solitude, sa colère, la perte de son amour, son incompréhension face à un monde qui sépare les gens entre ceux qui réussissent et  ceux qui ne sont rien.

Approché par le journal «L’Opinion», le réalisateur et écrivain français Pascal Rambert, a expliqué la raison derrière sa création: «C’est une pièce que j’ai écrite il y’a quatre ans, et qui a été montée par des metteurs en scène en Suisse. J’ai eu envie de la retravailler avec Lyna Khoudri parce que je trouve que c’est une actrice absolument merveilleuse. Comme cette pièce est assez dure et peint une figure qui s’effondre, Lyna devait maintenir ce rythme de force, avec beaucoup de capacité à être les pieds bien ancrés au sol».

Sur la présentation de sa propre vision, il dit: «Ce personnage fictionnel a fait des études, un bac plus cinq comme on dit en France, et qui manifestement rencontre des problèmes avec son père ainsi que d’autres personnes. Sans que ça soit expliqué, il se retrouve en bas de l’échelle, dans la rue. C’est un phénomène que j’ai beaucoup vu autour de moi, la  société parfois avale et recrache ses enfants et les jette dans la misère. Une autre révélation trouble le confort cassé de la jeune fille qui fera l’expérience d’une rencontre humaine où des esprits perdus se retrouvent».

Enfin il s’épanche sur ses derniers projets: «Je fais à peu près dix productions par an dans le monde entier et cette pièce là a été créée à Rabat la semaine dernière. Après on sera a Casablanca puis on va jouer en France et a l’étranger».

Se confiant à «L’Opinion», Lyna khoudri s’est exprimée sur le rôle et l’identité de genre: «Ce n’est pas à nous de déconstruire quoi que ce soit, je pense qu’il faut que les mentalités changent. Il ne faut pas avoir peur d’allez au bout de ce qu’on a envie de faire, et les femmes doivent arrêter de se mettre des barrières, ainsi le cours des choses reprendra un équilibre normal. Comme là, dans la rue, il y’a autant de femmes que d’hommes et c’est simplement ce que l’art doit refléter, une société telle qu’elle est. Je pense juste qu’on nous a interdit de faire et que maintenant on doit se réparer».

Puis elle a enchainé sur le choix de ses rôles féminins: «Mes rôles, je ne les définis pas, ce sont des femmes avec un parcours de vie qui m’intéressent,  j’aime les incarner parce qu’elles ne se ressemblent pas. Tout ce qu’on fait dans la vie ça nous engage, et mes rôles font partie de ce qui me constitue, ils me galvanisent et  me réveillent. Faire un film, ca m’engage dans le propos que le film défend. J’ai besoin que ça me tienne à cœur pour bien le faire. Mes envies me mènent des fois vers des films engagés et politiques comme Papisha, ou encore des films plus légers comme The French Dispatch».

Faire d’un texte, une mise en scène, un acte, et penser ce qui fonde l’expérience du ressenti, voilà ce qui intéresse le public qui attend les grandes émotions.

Approchée par l’Opinion, Juliette, une spectatrice livre son avis: «C’était très pertinent et critique. Un huis-clos avec un monologue intime où personne n’a été épargné. Le personnage se trouvait an bas de l’échelle et Lyna a réussi à l’incarner parfaitement. Elle se tenait seule sur scène mais elle a joué super bien, et a réussi à faire vivre juste le texte. C’était vraiment une très belle prestation».


Mariem LEMRAJNI