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Peines alternatives : Dernier round législatif pour une réforme décisive


Rédigé par Anass Machloukh Vendredi 5 Janvier 2024

Le projet de loi relatif aux peines alternatives s’approche de la fin de son cycle législatif. Les discussions restent intenses au niveau de la Chambre des Conseillers où la loi suscite encore quelques réserves. Détails.



(Photo : L'Opinion)
(Photo : L'Opinion)

Le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives arrive au terme de son circuit législatif. Le texte amendé par les députés est entre les mains des membres de la Chambre des Conseillers qui s’apprêtent à dire leur dernier mot. Au bout d’une réunion intense, les membres de la Commission de la Justice de la deuxième Chambre ont achevé la discussion détaillée du texte porté par Abdellatif Ouahbi qui veut en finir avec cette réforme annoncée depuis des années. Comme prévu, les discussions n’ont pas été faciles pour le ministre qui a dû user de son talent de pédagogue pour convaincre les parlementaires sceptiques de cette nouvelle réforme censée révolutionner le paysage judiciaire marocain.
 

Ouahbi face aux sceptiques
 

Selon des sources parlementaires, les discussions ont été ponctuées de questions sur les limites de l’introduction des peines alternatives dans l’arsenal pénal. Certains Conseillers affichent de nombreuses réserves quant à l'efficacité des mesures alternatives à la réclusion prévues par le projet de loi.

D’autres sont allés jusqu’à douter de leur applicabilité. Quelques griefs ont porté sur les travaux d’intérêt général, une des options phares de la nouvelle loi. Des Conseillers se sont demandé si le travail d’intérêt général, aussi long soit-il, est assez dur pour qu’il soit qualifié de peine. Ils ont également interrogé le ministre sur la façon par laquelle les personnes condamnées à ce genre de travaux seront engagées et supervisées. Allusion faite à l’éventuelle réticence des institutions d’accueil et des associations à les prendre en charge vu leur passé criminel et leurs antécédents judiciaires.
 

Ce que dit la loi
 

En réalité, les travaux d’intérêt général sont encadrés par l’article 35 alinéa 5 du projet de loi. Ils peuvent être fournis au bénéfice de l’Etat, des collectivités territoriales, de l’ensemble des institutions et établissements publics, ainsi que des organisations non gouvernementales, des associations et des lieux de culte. La durée varie entre 40 et 3000 heures selon l’appréciation du juge. La nature du travail imposé à la personne condamnée doit être en harmonie avec son âge, son sexe, son aptitude physique et son parcours professionnel.

En cas de mineur, le Juge doit s’assurer que le travail fixé lui est bénéfique dans sa formation et sa réinsertion. La personne condamnée est obligée de commencer à purger sa peine alternative dans un délai de six mois à compter de la date de la publication de l’arrêté d’exécution. Ce délai peut être prolongé par le Juge d’application des peines sur demande de l’avocat. La loi présente également des garanties contre les risques et les dégâts que peut occasionner la personne condamnée pendant la durée des travaux d’intérêt général.

 

Les raisons de la réticence de certains parlementaires
 

Les réticences de certains élus renvoient au débat ambiant sur cette réforme qui a fait couler beaucoup d’encre, sachant qu’elle a été souvent remise en cause pour différentes raisons. Les détracteurs de la réforme y voient une façon d'encourager l’impunité et jugent les garanties présentées par la loi insuffisantes. Les peines alternatives, rappelons-le, ne sont appliquées qu’en cas de peines inférieures à cinq ans de prison et sont annulées en cas de récidive. En plus de cela, elles ne sont pas applicables dans certains types de crimes dangereux, tels que les crimes contre la sûreté de l’Etat, le terrorisme, la dilapidation des deniers publics, la corruption et l’abus de pouvoir… La liste comprend également le trafic de drogue, les crimes militaires, le trafic de stupéfiants et des organes humains et le détournement de mineurs.
 

Par ailleurs, l’amende journalière, qui a été introduite par amendement lors de la discussion du projet de loi, est l’un des aspects les plus controversés et attise le débat. Cette mesure est perçue comme susceptible de servir de moyen aux délinquants pour échapper à la prison. Le projet de loi, tel que transmis par les députés, fixe le montant de cette amende qui varie entre 100 et 2000 dirhams en fonction des crimes et de l’appréciation du juge. La situation matérielle de la personne condamnée est prise en considération.
 

Pour sa part, le ministre de tutelle, Abdellatif Ouahbi, juge que la réforme est tellement évidente qu’elle fait partie des engagements internationaux du Maroc dans le cadre de l'adaptation de l’arsenal pénal du Royaume aux normes internationales. La réforme était attendue depuis très longtemps. “Les peines alternatives ont été inspirées par le Discours prononcé par SM le Roi à l’occasion du 56ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple en 2009, dans lequel le Souverain a appelé à développer des modes alternatifs de règlement des différends comme la médiation, l’arbitrage, la conciliation et l’application des peines de substitution”, rappelle Mohammed Bouzlafa, professeur du droit pénal.
 

Par ailleurs, Abdellatif Ouahbi a, à plusieurs reprises, défendu cette loi, censée humaniser le système judiciaire où la détention préventive est devenue un réflexe qui condamne les établissements carcéraux à une surpopulation chronique difficilement gérable. Les chiffres sont alarmants. Les établissements pénitenciers ont dépassé le seuil de saturation en accueillant environ 103.302 prisonniers, alors que la capacité d'accueil n’est pas assez importante pour absorber de tels effectifs. Cette situation est difficilement vécue au plus haut sommet de l’administration pénitentiaire du moment que le patron de la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), Mohamed Salah Tamek, n’a cessé de revendiquer plus de moyens humains et matériels face à l’ampleur de la population carcérale. Ce dernier s’est montré peu enthousiaste quant aux vertus des peines alternatives. Lors de son dernier passage au Parlement où il a présenté le budget de son établissement. Il n’y croyait pas beaucoup puisque la surpopulation carcérale est si grande que les mesures alternatives pourraient, de son point de vue, ne pas avoir l’effet escompté.

 









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