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Peine de mort: les pétitions ressusciteront-elles les exécutions?


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 16 Septembre 2020

Sur les réseaux sociaux circulent plusieurs pétitions qui demandent que le violeur et meurtrier du petit Adnane soit exécuté. Tant qu’elle ne se sera pas conforme à la loi sur les pétitions, cette revendication restera cantonnée au virtuel.



Peine de mort: les pétitions ressusciteront-elles les exécutions?
Depuis l’annonce de la mort du petit Adnane, garçonnet de 11 ans violé, tué puis enterré par son agresseur dans un quartier populaire de Tanger, des centaines de milliers de Marocains ont exprimé colère et tristesse face à ce crime abject. Le suspect, un jeune homme de 24 ans, a été interpellé dans la nuit du vendredi puis déféré lundi par le service préfectoral de la police judiciaire de Tanger devant le procureur général du Roi auprès de la Cour d’appel. Après la fin de l’enquête préliminaire et l’écoulement du délai de la garde à vue, la justice devra à présent statuer concernant le chef d’accusation d’homicide volontaire sur mineur avec attentat à la pudeur. Ce crime n’a pas manqué de remettre à jour l’ancien débat sur l’exécution de la peine de mort. Rappelons que le Maroc a établi un moratoire sur la question et que malgré le maintien de la peine capitale dans la loi pour certains crimes, la dernière exécution remonte à plus de 28 ans.

Des pétitions qui foisonnent

Alors que plusieurs personnes qui ont condamné le crime insistent sur le fait que la peine de mort n’est pas une solution à la pédophilie, la majorité des internautes soutiennent le contraire. « La loi marocaine est claire : la sentence pour un enlèvement et assassinat d’un mineur, c’est la peine de mort. Nous demandons que la loi soit tout simplement appliquée », écrit une internaute en commentaire dans l’un des échanges qui se déroulent actuellement dans les réseaux sociaux. Parmi les pétitions qui ont totalisé un nombre impressionnant d’adhésions, celle lancée par Ayoub Baazzi, un jeune casablancais qui a été surpris de voir plus de 400.000 personnes souscrire à la page qu’il a pris l’initiative de créer sur Facebook. « La pétition a rassemblé ce nombre en moins de 48 heures », nous confie le jeune homme en précisant qu’il ne s’attendait pas à voir ce nombre d’adhésions en un temps aussi réduit. « La page est également un espace de débat. Il y a une minorité qui s’oppose par principe à la peine de mort, mais la majorité des adhérents sont pour », poursuit le jeune homme.

Passer du virtuel à l’officiel

Si d’autres pétitions ont également totalisé des nombres de signataires qui sont aussi importants, aucune initiative n’a encore franchi le pas en utilisant le mécanisme officiel et légal de présentation des pétitions. Prévu par la loi 44-14 déterminant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics, ce mécanisme permet pourtant de donner un caractère officiel à une pétition du moment que celle-ci remplit un certain nombre de conditions. Quand la pétition qui passe par ce canal est validée, les pouvoirs publics concernés sont saisis officiellement afin qu’ils prennent les mesures qu’ils jugent appropriées. « Au début, je ne savais pas qu’il était possible de présenter une pétition selon une procédure légale. Mais des internautes m’ont informé à ce sujet et je pense qu’il n’est pas exclu que nous prospections cette piste », confie Ayoub Baazzi.

Démocratie participative

Si le mécanisme de présentation officielle des pétitions a pour objectif d’améliorer les conditions d’une démocratie participative au Maroc, les exigences de la loi qui l’encadre demeurent cependant excessives, ce qui ne favorise pas son utilisation courante (voir interview). Pour Omar Abassi, membre du groupe Istiqlalien « Pour l’Unité et l’Égalitarisme » et de la commission des pétitions au sein de la Chambre des Représentants, il existe également d’autres instances dédiées à la démocratie participative qui doivent être activées : « Certaines institutions mises en place par la Constitution afin de favoriser la démocratie participative sont encore inactives malgré le fait que les lois qui les encadrent ont été publiées. C’est le cas par exemple du Conseil Consultatif de la Jeunesse et de l’Action Associative ou encore du Conseil Consultatif de la Famille et de l’Enfance, qui, dans ce contexte où il est question des agressions sur les mineurs, peuvent jouer leurs rôles et préparer des études qui permettent de mieux cerner le phénomène. Tant que ces institutions et outils constitutionnels n’auront pas pleinement joué leur rôle, la démocratie participative ne sera pas réellement concrétisée  », résume le parlementaire.

Oussama ABAOUSS

Encadré

Procédure légale : Les étapes à suivre pour présenter une pétition aux pouvoirs publics

La loi 44-14 déterminant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics permet de présenter des pétitions au Chef du gouvernement, au Président de la Chambre des Représentants, au Président de la Chambre des Conseillers ou aux Présidents des Conseils des collectivités territoriales. Cette procédure encadrée est composée de plusieurs étapes. Le mandataire du comité de présentation de la pétition doit d’abord créer un compte sur le portail « eparticipation.ma ». Après authentification, le mandataire doit vérifier et confirmer les conditions de recevabilité de son initiative par les pouvoirs publics. Il doit ensuite renseigner les détails de la pétition et la signer moyennant les outils qu’offre le portail. Le mandataire invite alors les autres initiateurs (au moins 9 membres dont le suppléant du mandataire) à s’inscrire dans le portail puis à la signer à leur tour. À ce stade, le lien de la pétition via le portail peut être publié (partage sur les réseaux, envoie par mail…) afin de collecter les signatures appuyant l’initiative. Une fois que le seuil requis de signatures appuyant l’initiative est atteint (5000 signatures), le mandataire peut l’envoyer via le portail au pouvoir public concerné pour examen. Il peut suivre le processus de traitement de l’initiative par le pouvoir public concerné en accédant à son propre espace sur le portail. À noter que la loi 44-14 exige que chaque signataire
de la pétition fournisse une copie de sa CIN.

3 questions à Omar Abassi, parlementaire

Omar Abassi
Omar Abassi
« La loi des pétitions devrait être modifiée et simplifiée »

Membre du groupe Istiqlalien « Pour l’Unité et l’Egalitarisme  » et de la commission des pétitions au sein de la Chambre des Représentants, Omar Abassi a répondu à nos questions sur la procédure légale de présentation des pétitions.

- Pourquoi les mécanismes prévus par la loi afin de présenter des pétitions au pouvoir publics ne sont pas couramment utilisés ?
- Dans la mouture actuelle de cette loi sur les pétitions héritée du précédent gouvernement, il y a un certain nombre de conditions qui doivent être respectées pour que la pétition soit recevable. La loi prévoit une procédure de filtrage qui permet de s’assurer que la pétition est légale et en phase avec les principes de la Constitution. Mais au-delà de cet aspect, il y a aussi certaines conditions qui sont malheureusement excessives. Par exemple, le nombre minimum des signataires qui est trop élevé. Il y a également des conditions qui ne sont pas vraiment essentielles, comme le fait de devoir renseigner les références des CIN des signataires.

Que faut-il faire pour rectifier cette situation ?
- Dans notre Groupe Istiqlalien « Pour l’Unité et l’Egalitarisme  », nous sommes convaincus que cette loi devrait être modifiée et simplifiée. Il faut à cet égard s’inspirer des bonnes pratiques à l’international. Le Maroc a besoin aussi de mieux mettre à profit les outils qu’offre la digitalisation dans le domaine de la démocratie participative.

- Y a-t il des efforts engagés afin de simplifier les procédures ?
- Oui, c’est le cas. Dans notre commission des pétitions à la Chambre des Représentants, nous travaillons en ce moment sur la préparation d’un projet de loi dans ce sens. L’objectif est justement de proposer une modification du texte de la loi actuelle afin d’en simplifier les procédures de présentation des pétitions.

Recueillis par O. A.

Repères

Les Français pour la peine de mort
Un sondage sur la peine capitale réalisé chaque année depuis huit ans pour le quotidien Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne a établi que 55 % des Français (hausse de 11 points depuis 2019) affirment qu’il « faudrait rétablir la peine de mort en France ». Les résultats inédits publiés lundi montrent que les ouvriers (68 %), les employés (60 %) et les retraités (55 %) approuvent majoritairement le rétablissement de la peine capitale, contre 41 % des cadres et 40 % des professions intermédiaires.
L’appel du CNDH pour abolir la peine capitale
Dans son mémorandum portant sur l’amendement du Code pénal soumis aux deux Chambres du Parlement, le CNDH avait, en novembre dernier, appelé le gouvernement à voter en faveur de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies, appelant à un moratoire sur la suspension de l’exécution de la peine de mort dans la perspective de son abolition, et à adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort.