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Patrimoine géologique : Paradis paléontologique en manque de musées d’histoire naturelle


Rédigé par Oussama ABAOUSS Mercredi 11 Octobre 2023

Le Royaume a récemment récupéré des fossiles préhistoriques qui vont enrichir ses collections nationales. Une perspective qui rappelle le grand besoin en termes de musées dignes du patrimoine géologique marocain.



Trois fossiles de dinosaures restitués au Maroc par les États-Unis ont été présentés, jeudi, au Musée Mohammed VI d’arts moderne et contemporain de Rabat, lors d’une rencontre présidée par le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohammed Mehdi Bensaïd. Dans le cadre de cette rencontre, tenue en présence notamment de l’ambassadeur des États-Unis au Maroc, Puneet Talwar, au terme d’un séminaire de formation d’experts en restitution de fossiles, le Maroc s’est vu restituer un crâne intégral de Messosuraus originaire de la région de Oued Zem-Khouribga, la partie antérieure des mâchoires supérieures gauche et droite d’un Basilosaurid Cetatean originaire de Khouribga, et un cétacé-vertèbre supposé provenir d’une baleine Saghacetus. Dans une allocution de circonstance, Bensaïd a rappelé la restitution par les États-Unis, il y a plus d’un an, d’un crâne fossile de crocodile, notant que cette nouvelle restitution s’inscrit dans le cadre du Mémorandum d’entente signé entre le Maroc et les États-Unis en janvier 2020, afin de lutter contre le trafic illicite des biens culturels.
 
Paradis des paléontologues

Ce nouveau retour à la patrie de pièces paléontologiques d’une grande valeur scientifique est un nouveau rappel, s’il en fallait, que le Royaume est un paradis pour les géologues et les paléontologues. Une réalité qui impose par ailleurs de s’interroger sur le devenir des pièces paléontologiques qui ont été découvertes sous nos cieux et sur les moyens pour le Royaume d’être le premier à pouvoir les valoriser. « Nous sommes malheureusement loin de disposer dans notre pays d’un réseau de musées d’Histoire naturelle qui serait dignes de toute l’ampleur de la richesse du patrimoine géologique et paléontologique du Royaume », regrette Pr Mohamed Boutakiout, géologue-paléontologue à l’Université de Rabat et président du Comité scientifique du Géoparc du M’goun. Il existe cependant quelques établissements au niveau national qui disposent d’espaces ou de collections intéressantes. « C’est le cas d’un certain nombre de petits musées, notamment celui de l’Institut Scientifique de Rabat, du ministère de l’Energie et des Mines ou encore de Marrakech », poursuit Pr Boutakiout qui estime qu’en termes de standards internationaux, le musée du M’goun, qui a récemment ouvert ses portes à Azilal, est le plus abouti en termes de scénographie muséale.
 
Un haut lieu de la connaissance

Pourtant, le Royaume gagnerait sur plusieurs plans si des projets de grande envergure pouvaient voir le jour dans le domaine de la mise en valeur du patrimoine géologique et paléontologique national. « Il y a bien évidemment les expositions classiques et permanentes que peut héberger un musée. Mais il y a également les expositions temporaires qui apportent un renouveau et une actualité qui incitent les visiteurs à venir et à revenir », explique le paléontologue qui donne l’exemple de musées internationaux qui attirent des milliers de visiteurs et de touristes à travers leurs expositions interactives et leurs scénographies bien pensées. « Un musée d’Histoire naturelle est un lieu qui a pour vocation de fasciner et de façonner les esprits pour les pousser à comprendre l’apport de la science et de la connaissance. C’est donc un lieu où l’on apprend, où l’on découvre, où l’on s’émerveille et où peuvent se réveiller les vocations de scientifiques en devenir auprès des plus jeunes. En témoigne le musée d’Azilal qui est actuellement devenu un haut lieu d’attractivité touristique dans la région », poursuit la même source.
 
Besoin d’une volonté politique

Ce genre d’établissements a cependant d’autres vocations qui ne sont pas toujours évidentes. « Investir dans la mise en place de musées paléontologiques est également un moyen d’encourager la recherche scientifique et de permettre aux scientifiques marocains de s’affirmer au niveau international grâce à l’avance que leur offre le patrimoine riche de leur pays », estime Pr Boutakiout. Pour que notre pays puisse combler ce potentiel touristique, éducationnel, scientifique et socio-économique encore faut-il que les conditions préalables existent. « La réalisation d’un projet de musée de niveau international suppose de faire un travail important qui réussit à combiner la perspective des scientifiques avec celles des scénographes. C’est également un investissement financier conséquent. Mais la richesse paléontologique et géologique du Royaume justifie largement de franchir ce pas. Cela dit, il est absolument nécessaire que cette orientation découle d’une décision politique forte », conclut le paléontologue.

 

3 questions à Mohamed Boutakiout « L’une des priorités est de trouver des solutions pour parer au pillage de ce patrimoine »

Président du Comité scientifique du Géoparc de M’goun et géologue-paléontologue à l’Université Mohammed V de Rabat, Mohamed Boutakiout répond à nos questions.
Président du Comité scientifique du Géoparc de M’goun et géologue-paléontologue à l’Université Mohammed V de Rabat, Mohamed Boutakiout répond à nos questions.
Quelles sont, selon vous, les priorités pour sauvegarder et valoriser le patrimoine fossilifère du Maroc ?

- Je pense que l’une des priorités est de trouver des solutions pour parer au pillage de ce patrimoine. Cette problématique est visible à travers les ventes illégales de pièces découvertes au Maroc qui devraient théoriquement se trouver dans des musées. Certaines se retrouvent même en vente à l’étranger à des prix exorbitants. Je pense qu’il est extrêmement urgent de mettre en place un cadre réglementaire et légal très strict. Les autorités concernées sont à ma connaissance en train de travailler sur cet aspect, mais les efforts restent éparpillés entre plusieurs intervenants. Nous gagnerons à accélérer la cadence de ce chantier d’autant plus qu’il s’agit d’un enjeu multidimensionnel.

De quelle manière est-il possible de tirer le meilleur profit de ce patrimoine ?

L’idéal serait de capitaliser sur la fabuleuse richesse du Royaume en la matière afin d’impulser la recherche scientifique en permettant aux Universités marocaines de jouer pleinement leur rôle. Les chercheurs marocains pourraient ainsi se positionner au niveau international et alimenter eux-mêmes les collections nationales. Il est également impératif de trouver des solutions pour générer des retombées socio-économiques pour les personnes qui vivent de l’exploitation illégale de ce patrimoine en mettant en place un encadrement et un accompagnement vers une structuration de leurs activités, dans le cadre notamment de filières d’écotourisme.

Pensez-vous que le Maroc dispose des compétences nécessaires pour construire des musées dignes de son patrimoine paléontologique ?

- J’en suis convaincu. D’ailleurs, l’expérience que nous avons menée pour mettre en place le musée de M’goun à Azilal en est la preuve puisqu’il a été réalisé grâce à des compétences marocaines. Plusieurs métiers interviennent dans la conception et l’animation d’un musée d’Histoire naturelle. La tendance actuellement est d’intégrer de nouvelles technologies immersives (lumières, 3D, sons, interactivité…) pour émerveiller les visiteurs et mettre les informations scientifiques à leur portée d’une manière innovante et ludique. Là aussi, les créatifs et artistes marocains ont un rôle à jouer et un défi qu’ils peuvent relever avec brio.
 

Découvertes : Deux nouveaux grands prédateurs préhistoriques découverts au Maroc

Partie intégrante de la « culture pop » depuis la sortie du premier « Jurassic Park » de Steven Spielberg, le Tyrannosaure Rex (T-rex pour les intimes) est un monstre qui fascine et hante nos pires cauchemars. Le monde scientifique en connaît désormais un peu plus sur ce colosse denté, puisqu’une récente découverte faite au Maroc a permis à un groupe de scientifiques d’identifier deux autres nouveaux types de grands prédateurs préhistoriques qui seraient par ailleurs de la famille des abélisauridés, c’est-à-dire des cousins germains de notre bon vieux T-rex. Au-delà des éléments d’information publiés par le groupe de scientifiques le 22 août 2023 dans la revue Cretaceous Research, on retiendra que le Maroc et sa richesse paléontologique se sont encore une fois retrouvés au cœur de l’actualité mondiale, puisqu’un nombre considérable de médias étrangers ont consacré des formats à cette récente découverte.

Réglementation : Vers une nouvelle loi-cadre pour la protection du patrimoine national

En marge de la restitution par les États-Unis de trois fossiles de dinosaures, jeudi dernier, au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohammed Mehdi Bensaïd, a souligné l’engagement résolu du Maroc, depuis plusieurs années, dans les efforts de restitution et de valorisation de ses biens culturels, notant que le Royaume juge primordial d’y consacrer des ressources humaines compétentes et de favoriser la formation et l’échange d’expertises et d’informations en la matière. « Conscients de l’importance du patrimoine géologique en tant que partie intégrante du patrimoine naturel, les pouvoirs publics se sont inscrits dans l’évolution que connaît la protection du patrimoine naturel aussi bien au niveau national qu’international », a affirmé, de son côté, Farah Bouqartacha, secrétaire générale du département du développement durable relevant du ministère de la Transition énergétique et du Développement durable.« Dans la même perspective, une convention-cadre a été signée entre le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, visant à protéger les sites patrimoniaux géologiques et les échantillons qui y sont prélevés », a-t-elle relevé, en soulignant qu’un projet de loi-cadre a été élaboré pour la protection et la valorisation du patrimoine national, culturel, matériel et immatériel et géologique, qui permettra d’identifier des solutions concrètes qui en feront un véritable levier du développement durable.








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