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Parvovirus canin au Maroc : L’autre pandémie qui menace la vie du meilleur ami de l’Homme


Rédigé par Oussama ABAOUSS le Dimanche 21 Février 2021

Une recrudescence des cas de parvovirose canine observée ces dernières semaines au Maroc met en lumière une maladie très contagieuse qui fait des ravages au niveau mondial.



Parvovirus canin au Maroc : L’autre pandémie qui menace la vie du meilleur ami de l’Homme
Si les humains luttent depuis plus d’une année contre la pandémie mortelle du Coronavirus, les animaux domestiques, et les chiens en l’occurrence, font également face aux spectres de plusieurs fléaux qui se sont globalisés. Parmi ces maladies canines fatales, la parvovirose (CPV) - plus communément appelée parvo - est indéniablement une des plus mortelles et des plus contagieuses. Selon la bibliographie existante, le parvovirus a été diagnostiqué pour la première fois aux ÉtatsUnis et en Australie en 1978. La maladie s’est ensuite répandue dans le monde entier en moins de deux ans. « C’est une maladie que nous connaissons très bien puisque nous sommes amenés à gérer un grand nombre de chiens dans notre refuge», explique Ahmed Tazi, président de l’Association de Défense des Animaux et de la Nature (ADAN). « Fait inquiétant : les dégâts de cette maladie, surtout dans les populations canines des grandes villes marocaines, semblent avoir augmenté ces derniers mois », confie le président de l’ADAN.

Une maladie qui touche les chiots

« La parvovirose canine ne concerne pas l’Homme, ce n’est pas une zoonose, elle concerne les chiens, surtout ceux qui sont en bas-âge. Elle est très contagieuse et se propage à travers les matières fécales des chiens infectés », explique Pr Ahlam Kadiri, enseignant-chercheur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat. La parvovirose de type 2 (CPV-2) se manifeste par des atteintes intestinales (gastro-entérite), et plus rarement cardiaques, dont l’issue peut être fatale : jusqu’à 91 % de mortalité en l’absence de traitement. Il existe également un parvovirus canin de type 1, appelé virus minute des chiens (MVC pour Minute Virus of Canines), responsable d’avortements (mortalité embryonnaire) et de mortalité néonatale ou chez le chiot de moins de deux mois. Face à ce fléau, les vétérinaires utilisent un vaccin préventif et disposent également de protocoles adaptés pour la prise en charge de la maladie. Le taux de survie dépend toutefois de la précocité du diagnostic, de l’âge du chien et de l’efficacité du traitement.

Une nouvelle souche marocaine ?

« Il y a quelques jours, j’ai acheté un chiot dans une animalerie pour découvrir ensuite qu’il était atteint de parvovirose », raconte Abdelmjid, un quadragénaire Rbati. « Le petit chien a fini par mourir. Avant cela, j’ai consulté deux vétérinaires qui m’ont à chaque fois confié que la proportion de cette maladie avait augmenté ces derniers temps. Le chiot était pourtant vacciné », précise-t-il. « En tant que scientifique, je ne dispose pas de preuves sur lesquelles je peux me baser pour infirmer ou confirmer qu’une nouvelle souche de parvovirus circule actuellement au Maroc. En revanche, je peux vous dire que le virus mute. Nous le voyons d’ailleurs très bien avec les variants du Coronavirus par exemple. Cela dit, nous avions  réalisé à ce sujet une étude scientifique qui a été publiée en 2017 et qui justement revenait sur les mutations du parvovirus. Au Maroc, les trois variants importants connus (CPV-2a, CPV-2b et CPV2c) circulent», souligne pour sa part Pr Ahlam Kadiri.

Respect des bonnes pratiques

Selon certaines publications scientifiques, le vaccin basé sur la souche originelle du virus,qui est par ailleurs utilisé au Maroc, est a priori suffisant pour contrer les diverses souches de parvovirus présentes dans notre territoire. Comment dès lors expliquer le nombre important de cas que les propriétaires de chiens semblent rapporter ? « Cela pourrait s’expliquer par le fait que les propriétaires de chiens ne vaccinent pas au bon moment, ne vaccinent pas régulièrement, ou encore ne vaccinent pas les « parents ». Il ne faut également pas oublier l’importance des mesures de prophylaxie sanitaire (mesures d’hygiène, désinfection, quarantaine,…) très importantes pour contrer cette maladie très contagieuse», précise Pr Kadiri. Si plusieurs élevages ont récemment connu une recrudescence des cas de parvo, il n’en demeure pas moins que plusieurs autres ne semblent pas concernés par le risque. « Dans les élevages professionnels et les chenilles qui respectent strictement les règles sanitaires et vaccinales ainsi que les bonnes pratiques d’élevage, il n’y a pratiquement plus de cas de parvovirus », rassure Pr Kadiri.

Oussama ABAOUSS

3 questions au Pr Ahlam Kadiri, biologiste-microbiologiste

Ahlam Kadiri
Ahlam Kadiri
« Le Maroc dispose des ressources nécessaires pour fabriquer des vaccins pour les animaux »

Enseignant-chercheur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de Rabat, Pr Ahlam Kadiri a répondu à nos questions sur les variants de parvovirus au Maroc.

- Dans l’étude que vous avez réalisée en 2017, quelles sont les variants du parvovirus au Maroc que vous avez trouvés ?

- Dans les échantillons qui ont été analysés, apparaissent les trois variants (2a, 2b et 2c), avec des proportions variables et une prédominance du variant 2b pendant les dernières années de l’étude. Il est à noter que les échantillons sur lesquels s’est basé notre travail de caractérisation du parvovirus canin au Maroc, proviennent de prélèvements réalisés entre 2011 et 2015 sur 90 chiens issus des villes de Khémisset, Mechraa Belksiri, Rabat, Salé, Témara, Casablanca, Settat et Marrakech.

- Vous avez recommandé que soit importé au Maroc un vaccin à base de CPV 2b…

- C’est effectivement le cas. Après publication de notre article en 2017, un vaccin à base de CPV2b avait d’ailleurs été autorisé au Maroc. Nous avions également recommandé de prospecter les possibilités de fabriquer nos propres vaccins à partir de souches circulant au Maroc, ce qui pourrait permettre d’obtenir des vaccins efficaces, plus disponibles et moins chers.

- Pensez-vous que produire des vaccins au Maroc soit une solution techniquement possible ?

- C’est une solution qui est réalisable, car le Maroc dispose des structures, des ressources humaines et du savoir-faire nécessaires pour mettre au point et produire des vaccins pour animaux. Plusieurs vaccins sont d’ailleurs déjà fabriqués dans notre pays. À titre d’exemple, un vaccin pour chiens utilisé dans les campagnes de lutte contre la rage et qui est produit par une société pharmaceutique vétérinaire marocaine.

Recueillis par O. A

Encadré

Recherche : Des scientifiques au four et au moulin depuis une décennie

La présence de la parvovirose canine a été suspectée dans le territoire marocain au milieu des années 80. Une première étude concernant « les maladies infectieuses majeures du chien au Maroc » a depuis révélé que la parvovirose canine est « l’atteinte la plus fréquente, suivie de la maladie de Carré ». Pendant la dernière décennie, plusieurs études menées par des équipes marocaines se sont succédé afin d’améliorer l’état de connaissances, les outils de diagnostic, mais également de tenter la préparation de vaccins. La première étude marocaine dédiée au parvovirose, menée en 2011, avait diagnostiqué le CPV dans un échantillon de 33 chiens suspects, dont la majorité était âgée de moins de 6 mois. Les résultats avaient alors confirmé la présence de la maladie chez 55% des cas. Plusieurs autres recherches ont ensuite eu lieu (en 2012, 2013 et 2015), notamment pour tenter de développer des tests de diagnostics fiables et rapides. Un essai de production de vaccin inactivé a par ailleurs été mené en 2014.

Entre 2013 et 2016, des recherches se sont également focalisées sur le développement d’une procédure pour isoler le virus en culture cellulaire afin de développer des souches vaccinales marocaines plus efficaces. Malgré ces réalisations, le Maroc n’a toujours pas franchi le pas vers la production à grande échelle d’un vaccin local. À noter que le taux de survie des chiens malades qui ont reçu un traitement immédiat, selon la précocité de détection et l’efficacité du traitement fourni, est de 80 à 95%. Sans traitement, plus de 90% des chiens infectés ne survivent pas.

Repères

Les variants de la parvovirose de type 2 (CPV2)
Après son apparition en 1978, deux autres souches du parvovirus canin, CPV2a et CPV2b, ont été identifiées respectivement en 1979 et 1984. Les scientifiques considèrent que la plupart des parvoviroses canines sont probablement causées par ces deux souches, qui ont remplacé la souche originelle. Une troisième souche, appelée CPV2c, a été découverte en Espagne, en Italie et au Viêt Nam. Selon les travaux menés par les chercheurs marocains, les trois souches (CPV2a, CPV2b et CPV2c) sont toutes présentes au Maroc.
La responsabilité des éleveurs et des propriétaires
La contagiosité et le taux de morbidité du parvovirus canin mettent à nu la responsabilité des propriétaires, mais également d’éleveurs de chiens. Dans ce contexte, la société civile et les scientifiques appellent les propriétaires à vacciner leurs chiens régulièrement et à établir une quarantaine en cas de suspicion d’une infection. Le même appel concerne également les éleveurs de chiens qui sont priés de respecter les bonnes pratiques d’élevage ainsi que les normes environnementales et sanitaires en vigueur.







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