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Partenariat vert Maroc-UE : Chantier stratégique aux mille et un défis !


Rédigé par Saâd JAFRI Jeudi 20 Octobre 2022

Le Maroc et l’Union Européenne (UE) ont signé, mardi, un Mémorandum d’entente portant sur l’établissement d’un Partenariat vert. Un chantier stratégique en ces temps de crise, mais qui risque de se heurter à plusieurs défis. Eclairage.



Après plusieurs mois de concertations, le Maroc a signé un mémorandum d’entente portant sur l’établissement d’un Partenariat vert avec l’Union Européenne (UE). Un accord dont l’objectif est d’établir un Partenariat vert entre les partenaires dans les domaines de la lutte contre les changements climatiques, de la transition énergétique, de la protection de l’environnement et de la promotion de l’économie verte et bleue, et ce, dans un contexte où les conflits géopolitiques en Europe mettent à mal l’agenda de la transition numérique fixé par Bruxelles.

«Le conflit géopolitique entre l’Occident et la Russie a donné un caractère stratégique et urgent à ce partenariat vert», nous indique Hassan Agouzoul, Directeur de SDG Action Strategy Center et Expert senior en transition énergétique et finance climat, ajoutant que les vingt-sept tout comme le Royaume ne disposent pas de ressources énergétiques fossiles et leurs économies dépendent des importations énergétiques qui conditionnent leur compétitivité économique et la soutenabilité de leur croissance et leur développement social.

En effet, l’activation du pacte permettra aux deux parties d’exploiter toutes les opportunités et savoir-faire offerts en matière de sécurité énergétique, d’hydrogène vert, d’interconnexion et ceux du gazoduc reliant l’Europe, le Maroc et le Nigeria, dans un contexte où la souveraineté énergétique est le mot d’ordre pour les deux partenaires.

Mais malgré l’incertitude économico- politique qui règne dans le Vieux continent, la nouvelle stratégie Re Power de la Commission Européenne a prévu d’accélérer sa transition énergétique pour assurer sa sécurité en la matière tout en maintenant ses objectifs climatiques. Ceci «en multipliant les financements dédiés aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et en haussant ses objectifs d’investissement dans l’hydrogène vert dans le cadre de partenariat avec les pays voisins de l’UE et au niveau international», ajoute Agouzoul, qui estime que le Maroc a tout à gagner de ce partenariat. Un avis partagé par Badr Ikken, Président exécutif de Green Innov Industry Investment (Gi3) et ex-patron de l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN), qui souligne que ce pacte permettra au Maroc «de capitaliser et de valoriser ses gisements renouvelables exceptionnels et devenir un important exportateur d’énergie propre vers l’Europe à travers, principalement, deux vecteurs énergétiques, à savoir de l’électricité propre et des molécules vertes (hydrogène vert et ses dérivés) ».

Pour ce dernier, le Royaume devrait mettre en place une politique intégrée et structurer la stratégie énergétique sur plusieurs niveaux afin d’accompagner parallèlement la transition énergétique de l’économie nationale mais aussi les filières d’export de produits et de vecteurs énergétiques décarbonés. «Les deux rives de la Méditerranée seront gagnantes et nous pourrions créer, à moyen terme, une nouvelle forme d’union régionale basée sur l’énergie décarbonée», avance-t-il, notant que le pays pourrait profiter d’un marché de plusieurs centaines de milliards de dirhams qui permettra de créer beaucoup de valeur et d’emplois.

Le Royaume doit-il s’aligner aux normes européennes ?

Ce pacte ambitionne de décarboner les économies des deux partenaires, en favorisant la transition vers une industrie décarbonée par l’investissement en technologie verte, la production d’énergies renouvelables, la mobilité durable et la production propre dans l’industrie. Pour l’UE, la tâche est plus ou moins facile, du moment que la question est traitée sérieusement depuis des années au Conseil européen.

Au Maroc, par contre, ce chantier est encore embryonnaire. Outre, quelques exportateurs marocains, qui se préparent d’ores et déjà aux nouvelles règles européennes pour maintenir leur positionnement dans le marché, le reste du tissu économique est loin de répondre aux exigences de l’économie verte. «La réussite de la mise en oeuvre de ce partenariat du côté marocain est conditionnée par une forte implication, non seulement des départements ministériels, mais également et surtout des autres acteurs non étatiques», souligne notre expert, faisant référence au secteur privé, aux organismes de financement, aux régions et Conseils de villes, sans oublier les associations environnementales.

S’agissant du positionnement des TPME dans ce projet, Badr Ikken affirme qu’elles ont toutes leurs places dans ces écosystèmes, «mais elles devront être soutenues à travers des programmes nationaux, de manière à leur permettre d’avoir accès à des petits projets qui constitueront des références pour monter en puissance et aller conquérir d’autres marchés, tant au niveau national et continental qu’européen».

Selon le texte du partenariat, des mesures seront prises pour encourager le secteur privé à s’impliquer davantage dans les domaines verts, y compris dans la mobilisation des investissements pour la transition verte de l’économie marocaine. Pour ce faire, une collaboration plus étroite avec les organismes financiers et les institutions européennes de coopération est prévue, néanmoins, les spécificités de cette dernière ne sont pas indiquées.

Cela dit, le secteur bancaire national a également un grand rôle à jouer dans ce sens, notamment en préparant des formules de financement spéciales pour projets décarbonés. «Il y a quelques années, plusieurs banques marocaines se sont engagées, d’une manière volontariste, dans des stratégies de développement durable et ont été sensibilisées à la thématique », rappelle Ikken, précisant qu’elles proposent déjà des offres orientées vers l’exploitation agricole et l’industrie. «Je pense qu’il serait pertinent d’élargir le portfolio et de concevoir des offres de financement vulgarisées au profit des TPME mais aussi des particuliers. Avec des taux de rentabilité entre 7 et 13%», soutient-il. Une recommandation de mise du moment que l’économie verte est, aujourd’hui, rentable.



Saâd JAFRI

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Partenariat vert Maroc-UE : Chantier stratégique aux mille et un défis !

3 questions à Badr Ikken, Président exécutif de Gi3

Partenariat vert Maroc-UE : Chantier stratégique aux mille et un défis !

« Le défi concerne l’élaboration et l’adoption des cadres réglementaires »
 
- Le Maroc dispose-t-il des atouts, des infrastructures et des textes juridiques nécessaires pour réussir ce chantier ?

- Le Maroc dispose clairement de plusieurs atouts, notamment climatiques, géographiques, stratégiques et humains, et nous sommes souvent précurseurs. Nos écosystèmes industriels et nos infrastructures ont fortement évolué ces dernières années et peuvent, sans aucun doute, accompagner la dynamique de l’économie verte.

Certes, il sera nécessaire de rajouter de nouvelles infrastructures, telles que des ports énergétiques et gaziers pour l’export, mais l’essentiel est déjà là. Je pense que le défi concerne l’élaboration et l’adoption des cadres réglementaires nécessitant un travail de longue haleine. Il serait donc pertinent de mettre en place des commissions / task-forces multi-institutionnelles dédiées à ce sujet primordial et impliquer dès le début le secteur privé afin de développer des modèles gagnant-gagnant pour les citoyens, les opérateurs et l’Etat.


- Les bénéfices de l’économie verte sur le plan écologique sont de notoriété publique, mais est-elle capable de créer suffisamment de richesse ?

- La baisse conséquente des prix des énergies renouvelables (ex. prix du solaire photovoltaïque en 2009 : 3 dirhams/kWh, en 2022 : 30 centimes/kWh) et les évolutions technologiques rendent aujourd’hui leur exploitation rentable. Une installation solaire au Maroc dans le secteur industriel ou tertiaire peut être amortie en 3 ans avec une durée de vie des équipements de plus de 20 ans. Rien que le marché du photovoltaïque en toiture au Maroc constitue un marché de plusieurs milliards de dirhams distribué sur tout le territoire.

Les services énergétiques, tels que les audits, permettent également de baisser fortement les factures énergétiques et constituent aussi une réelle opportunité pour les entreprises et les cabinets marocains. Il en est de même par rapport à la construction écologique et à la valorisation des sous-produits. La conjoncture actuelle et l’incertitude sur l’évolution des prix des énergies fossiles motivent les grands consommateurs énergétiques, notamment nos voisins européens, à subventionner l’économie verte afin d’arriver rapidement à la parité et garantir de nouvelles sources d’approvisionnement qui se veulent, en même temps, décarbonées.


- Le tissu économique national est majoritairement composé de TPME. Ces dernières peuvent-elles remplir les cahiers des charges imposées de l’économie verte ?

- Je dirais oui, le grand avantage de l’économie verte est la nature des activités à décarboner qui vont, si on prend l’exemple du solaire, de la petite installation résidentielle aux grandes toitures industrielles en passant par le pompage solaire, et ce, au niveau de toutes les régions du Royaume. Cette analogie s’applique également aux autres secteurs de l’économie verte, notamment la mobilité et le transport durables, la construction écologique, la valorisation des déchets…

Le partenariat Maroc-UE permettra également de consolider l’accès aux financements, grâce à des programmes tels que la ligne de financement de l’économie verte, le « Green Economy Financing Facility Morocco». La formation et la labélisation des TPME sont aussi cruciales. Plusieurs organismes accompagnent cette dynamique, notamment la CGEM qui contribue au renforcement de capacités des TPME à travers des ateliers de formation et de sensibilisation.



Recueillis par S. J.

 

3 questions à Hassan Agouzoul

Partenariat vert Maroc-UE : Chantier stratégique aux mille et un défis !

« Ce chantier permettra au Maroc d’accéder aux nouveaux instruments financiers internationaux »
 
Dans un contexte marqué par l’accroissement de la volatilité des coûts des énergies et par une attention grandissante portée au problème du réchauffement climatique, quelle serait la valeur ajoutée du verdissement de l’économie marocaine ?

- Le verdissement de l’économie nationale suppose des transformations économiques et sociales profondes pour faire face aux nouveaux défis environnementaux et climatiques globaux et aux mutations énergétiques, numériques, commerciales et géopolitiques internationales.

Ce chantier offre au Maroc la possibilité, entre autres, de renforcer les capacités d’adaptation et de résilience aux changements climatiques des secteurs économiques, des territoires, des populations et des écosystèmes naturels. A cela s’ajoute le positionnement proactif dans un environnement international et régional porteur d’opportunités d’amélioration de la compétitivité à l’export. Enfin, un cap à long terme et un signal fort aux investisseurs nationaux et internationaux et un levier de mobilisation de nouvelles sources de financement climatique, marché carbone et développement de partenariats internationaux.


- Le Maroc peut-il s’aligner sur les normes juridiques, industrielles et structurelles européennes, de sorte à réussir le challenge de la transition énergétique ?

- Le Partenariat vert UE-Maroc propose un dispositif d’assistance technique et de transfert technologique pour aligner les politiques sectorielles, le dispositif réglementaire et normatif national aux meilleurs standards internationaux dans les domaines de l’énergie, du climat et de l’environnement. Ce travail de «capacity building» devrait profiter aussi bien au secteur public que privé national. Ceci suppose notamment un accompagnement financier et fiscal pour assurer que cette transition soit juste et inclusive des TPME et des territoires à travers un nouveau business model rentable des investissements dans les différents domaines de l’économie verte.

Ce transfert de meilleurs standards et de bonnes pratiques profitera également aux acteurs nanciers publics et privés pour mettre en conformité le secteur bancaire et nancier national aux nouvelles exigences et normes ESG des banques multilatérales de développement et des marchés des capitaux. Cet alignement permettra aux acteurs publics et privés nationaux d’accéder aux nouveaux instruments nanciers internationaux basés sur la durabilité, la décarbonation des actifs, la résilience aux changements climatiques et l’inclusion sociale, et notamment les obligations vertes et les «impact investing».


- Peut-on parler également d’une éventuelle création d’un marché national de carbone afin d’assurer ce chantier ?

- La réflexion de mise en place des bases d’un marché carbone national dans le cadre des mécanismes de l’Article 6 de l’Accord de Paris est bien entamée au Maroc par plusieurs départements ministériels et avec plusieurs pays de l’UE.

Ce chantier constitue une condition déterminante pour boucler les préalables de viabilité du modèle de croissance neutre en carbone au Maroc et également un atout nancier majeur pour les entreprises qui s’investissent dans la transition énergétique. C’est également une grande opportunité pour le Gouvernement de rentabiliser financièrement ses efforts importants de décarbonation de ces secteurs économiques au-delà de ses engagements climatiques inscrits dans sa NDC actualisée en 2022.



Recueillis par S. J.
 







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