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Culture

Papier ou tablette : L’industrie du livre subit le diktat de l’écologie


Rédigé par Abdallah BENSMAÏN le Mercredi 16 Février 2022

L’industrie du livre est-elle un facteur de dégradation de l’environnement ? La question n’est pas de pure forme : elle vaut son poids de couvert végétal et forestier… comme le livre électronique nécessite des tonnes de terres rares à valoriser.



La filière « papier » sans laquelle le livre et la presse écrite n’auraient pas connu l’essor qui a été le leur, est au centre des débats sur la préservation des forêts et de la nature en particulier. Le débat est d’autant plus intéressant que la production de livres et magazines sur la thématique de l’écologie ne se compte pas sur… les doigts d’une main.

La production est d’autant plus remarquable qu’elle se nourrit de ce qu’elle prétend défendre même : essais, romans, guides pratiques, bandes dessinées de sensibilisation … qui ne sont pas toujours sur du papier recyclé. Et même ! Pour prendre un exemple, et selon les chiffres rendus publics par l’Agence de la transition écologique, le papier recyclé ne représenterait que 6% environ de la consommation totale de papier graphique en France, incluant l’édition, la presse et la communication en général.

Le gaspillage « écologique » est d’autant plus important que, selon de récentes statistiques, un livre sur 4 est détruit sans avoir jamais été ouvert et lu, ce qui représente une moyenne annuelle, avant le déclenchement de la pandémie Covid en 2019, de 142 millions d’exemplaires (combien d’arbres, d’hectares de forêts… et de bouffées d’oxygène détruits ?).

Comment se préparer à une nouvelle « ère du livre qui ne gâche pas la forêt. » ? La question est posée et des débuts de solution semblent se dessiner. Les idées sont peut-être déjà là, mais faut-il encore concrétiser cette forme de « bibliodiversité » qui entend imposer un livre éco-responsable, une bibliodiversité qui regroupe des acteurs allant de l’éditeur, au libraire et au bibliothécaire, en passant par des spécialistes et chercheurs en environnement.

Des études d’impact ont ainsi montré que dans le cycle de vie d’un livre « 71 % des impacts environnementaux sont liés à la fabrication (production de la pâte à papier et du papier, impression, transport), 17 % à la distribution, 10 % à la conception du livre et 2 % à la diffusion ».

Une charte de l’édition écologique met en avant un ensemble de principes dont l’impression « au moins 80 % de la production éditoriale sur des papiers recyclés ou labellisés » et le « Don » à des associations ou à des actions d’accès à la culture à la place de la mise au pilon des ouvrages.

C’est une démarche globale qui s’appuie sur « des choix de fabrication, nécessitant une veille technologique, sur les papiers, les encres, la distance à laquelle se trouvent des imprimeurs… ».

Un pacte des éditeurs de l’ONU a même vu le jour et s’inscrit dans le cadre des ODD (Objectifs de Développement Durable) auxquels ont souscrit les pays membres des Nations Unies.

Le bilan carbone des ‘’e-Books’’ qui peuvent se poser en alternative au papier montre des limites en termes de protection de l’environnement. Selon une étude de Carbone 4 menée pour Hachette : « Il faudrait que le propriétaire d’un e-Book lise 60 livres par an pour que le livre papier perde son avantage environnemental. Or, les Français en lisent 16 en moyenne chaque année ».». Ce chiffre est encore plus dérisoire dans une majorité de pays !

Par ailleurs, s’il parait aisé de transformer un arbre en bouillie pour en faire de la pâte à papier, il n’en est pas de même avec les terres rares, bien moins répandues que les forêts : une poignée de terre rare à transformer en composant électroniques, nécessite d’autres moyens, humains, financiers et technologiques.

L’avenir est peut-être à la liseuse électronique, mais dans la réalité, il reste encore beaucoup à faire. L’abandon du livre au profit des liseuses ou des tablettes tactiles est du registre de la théorie, il n’est pas encore dans la réalité. Pas si sûr. Les chiffres de l’édition française sont édifiants à cet égard : la version numérique représente à peine 8,7% des ventes des maisons d’éditions en France, selon les chiffres 2019 du Syndicat national de l’Edition qui pose, sans détours, « la question de l’avantage écologique. ».

Le cycle de vie des tablettes est loin d’être maîtrisé. La durée de vie en question n’est pas celle du fichier en soi, du contenu en somme, mais de l’outil lui-même. De sa longévité dépend en grande partie l’empreinte carbone qu’il recèle à l’ombre des lettres et signes qui défilent sous le regard du lecteur électronique. Le recyclage des produits électroniques est un autre défi posé à la nature et… à la lecture !



Abdallah BENSMAIN



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