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PLF 2024 : Quelles ressources pour quels financements ?


Rédigé par Saâd JAFRI Lundi 23 Octobre 2023

Sans surprise, le PLF 2024 prévoit une hausse importante des dépenses, vu les chantiers titanesques lancés par l’Exécutif. Des charges qui interpellent sur les différentes options de financement qui s’offrent à l’Etat.



La phase des concertations sur le PLF 2024 a commencé.
La phase des concertations sur le PLF 2024 a commencé.
Vendredi dernier, l’argentière du Royaume, Nadia Fettah Alaoui, a présenté au Parlement le Projet de Loi des Finances (2024), exposé jeudi devant le Souverain (voir page 4) et qui intervient dans un contexte où l’inflation continue de s’accélérer, sous l’effet notamment de chocs d’offre internes sur certains produits alimentaires, qui s’ajoutent aux pressions externes. Sans surprise et conformément à la logique des deux derniers projets de budget, l’Exécutif maintient le cap de l’investissement public, atteignant un nouveau record avec 335 milliards de dirhams (MMDH). Une enveloppe qui sera dédiée principalement à la mise à niveau d’infrastructures de base, à l’instar du réseau routier national, mais aussi pour accompagner les chantiers titanesques lancés par plusieurs départements, tels la Justice, l’Education, le Sport… et la liste n’est pas exhaustive. 

Naturellement, le Plan de reconstruction de zones sinistrées par le séisme est au centre du PLF 2024, augmentant ainsi les charges de l’Etat, bien que les dépenses y afférentes seront prélevées prioritairement du Fonds spécial 126, qui a pu mobiliser près de 12 MMDH depuis sa création. Optimiste, la ministre de l’Economie et des Finances a rappelé que le gouvernement va entamer la distribution des allocations financières aux 60.000 familles impactées à raison de 2500 par mois. Pour ce qui est de la réhabilitation et la construction des infrastructures, une enveloppe de 2,5 MMDH sera allouée aux départements chargés du pilotage dudit programme. En sus de ces dépenses, la couverture sociale universelle va peser par son coût, sans oublier les aides directes aux familles modestes avant le début de l’année prochaine, annoncé par le Souverain lors du discours d’ouverture de l’année législative ou encore les préparatifs de la Coupe du Monde 2030. Grosso modo, les prévisions des dépenses tablent sur plus de 401 MMDH, soit près de 20% du PIB national en 2024 et donc 6,1% de plus que la Loi des Finances 2023. Un budget colossal qui interpelle sur les ressources financières de l’Etat, sachant que le taux d’endettement du Trésor a dépassé les 71% en 2022, tout en poursuivant sa tendance haussière en 2023. 
 
Equation compliquée 

« Dans l'ensemble des projets évoqués dans le PLF 2024, il est essentiel de faire la distinction entre les dépenses d'investissement et celles qui ne le sont pas », déclare Anas Abdoun, Relation Senior Analyst Africa & Middle-East chez Stratas Advisors, et ce, du fait que les investissements créeront éventuellement de la richesse, ce qui se répercutera sur la croissance. « Bien que les dépenses à venir soient considérables, les perspectives de croissance économique et l'augmentation des recettes budgétaires laissent entrevoir des résultats prometteurs d'ici 2025 », ajoute notre interlocuteur. Car oui, si certains experts estiment que l’emprunt à l’international va être la principale ressource de l’Exécutif pour financer ses projets, les recettes fiscales devraient également apporter une bouffée d’oxygène au budget avec plus de 339 MMDH, soit 8,5% par rapport à la LF 2023, dont les recettes étaient déjà jugées élevées. Des milliards qui seront générés principalement depuis les bourses des contribuables, notamment via l’IR, dont les recettes sont estimées à 52.7 MMDH, soit près de 5 MMDH de plus que l’année dernière. A cela s’ajoute l’IS qui devrait générer environ 60 MMDH. C’est dire que les impôts directs - à eux seuls - sont l’équivalent ou presque du budget prévisionnel pour la reconstruction des régions sinistrées par le séisme d’Al-Haouz.  
 
La fâcheuse TVA ! 

Les impôts indirects devraient également soutenir la trésorerie du Royaume, principalement grâce à la TVA qui devrait frôler les 90 MMDH. Dans ce sillage, la hausse des taxes sur certains produits et services, tels que le sucre raffiné, l’eau, l’électricité ou encore les opérations de transport de passagers et de marchandises, commence d’ores et déjà à susciter la polémique, bien que l’essentiel de cette enveloppe proviendrait des importations. En effet, la note du PLF propose d’ajuster progressivement le taux de 7% appliqué au sucre sur une période de 3 ans pour atteindre le taux de 10%. Il en est de même pour les services de transport, qui devraient passer de 14% à 20% sur la même période. Le texte prévoit néanmoins des exonérations sur « certains produits de base de large consommation afin d'atteindre l'objectif social visant à réduire le coût de la TVA pour mieux maîtriser l'inflation et soutenir le pouvoir d'achat des consommateurs ». Il s’agit entre autres des fournitures scolaires, du beurre, du lait en poudre, des sardines en conserves, etc.  
 
Financement à l’international 

Mais malgré la hausse des rentrées de l’Etat, l’emprunt à l’international demeure une option inévitable pour pouvoir maintenir la bonne dynamique d’investissement et de bonne gouvernance lancée depuis 2021. Si quelques annonces ont été faites durant les Assemblées annuelles BM-FMI qui se sont tenues à Marrakech, d’autres suivront au cours du prochain exercice, selon les besoins du pays. Pour El Mehdi Fakir, expert-comptable et consultant en stratégie et risk management, le recours à la dette internationale pour le financement des projets, notamment celui de la reconstruction d’Al-Haouz, n’est pas à bannir, « mais elle nécessite une approche prudente ». Il précise qu’il est important de veiller à ce que le niveau d'endettement « reste soutenable » pour ne pas hypothéquer l'économie nationale. « Si les conditions de soutenabilité ne sont pas réunies, cela pourrait être une solution inappropriée », tranche-t-il.

Pour ce qui de la dette publique, Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques, commente qu’elle pèse effectivement sur l’économie marocaine, « mais pas autant que cela » du fait qu’elle ne représente que 70% du PIB national. Aussi, « les politiques macroprudentielles du Maroc font que le déficit budgétaire est maîtrisé, il sera à moins de 5% en 2024 », développe notre économiste. 

Maintenant que la première mouture du PLF 2024 a été finalisée, la phase des tractations et des amendements, qui s’annonce ardue, a commencé. Les députés devraient présenter dans les prochaines semaines leurs propositions, dont la pierre angulaire serait la poursuite des réformes, l’amélioration du pouvoir d’achat et l’optimisation des finances publiques. 

3 questions à Anas Abdoun : ​« L’évaluation du PLF ne devrait pas se baser sur des paramètres purement économiques »

Anas Abdoun, analyste économique chez Stratas Advisors, nous livre sa lecture sur certaines mesures du PLF 2024.
Anas Abdoun, analyste économique chez Stratas Advisors, nous livre sa lecture sur certaines mesures du PLF 2024.
 
Le PLF 2024 pose une équation compliquée en matière d’équilibre budgétaire, surtout avec le plan de reconstruction d’Al-Haouz. Comment peut-on garder les indicateurs au vert ?
 
- Dans l'ensemble des projets évoqués, il est essentiel de faire la distinction entre les dépenses d'investissement et celles qui ne le sont pas. Le récent séisme à Al-Haouz a engendré des coûts estimés à 11 milliards de dollars. Toutefois, des fonds considérables ont été mobilisés pour la reconstruction. Avec une contribution initiale de 1,3 milliard de dollars du FMI allouée à la prévention des risques, ces fonds peuvent être redirigés vers les efforts de reconstruction. Le Fonds spécial du séisme ainsi que le Fonds Hassan II contribueront conjointement à hauteur d'environ 1,2 milliard de dollars, sans oublier l'assistance internationale, qui devrait s'élever entre 700 et 800 millions de dollars. Il faut ainsi mobiliser entre 7,5 et 8 milliards de dollars sur une période de 5 ans, ce qui représente une charge conséquente pour les finances publiques, mais qui doit être envisagée dans un contexte plus large que celui strictement économique.

Il y a également la pression des chantiers sociaux et de la Coupe du Monde 2030…
 
- En effet, mais ceux-ci auront un impact positif sur l'économie. La sécurité sociale joue un rôle crucial dans le renforcement de la stabilité économique et la promotion d'une croissance durable. L'organisation de la Coupe du Monde au Maroc devrait attirer, pour sa part, des investissements directs étrangers, dynamiser le secteur du tourisme, tout en plaçant le Maroc sur la carte économique mondiale, aux yeux des principaux acteurs du domaine. De plus, en réduisant la pauvreté grâce à une assistance financière ciblée, elle stimule la consommation de biens et services de base, soutenant ainsi la croissance économique grâce à une demande intérieure solide.

Quelles sont ainsi vos perspectives pour l’économie nationale ?

- La combinaison de ces dépenses représente un défi budgétaire de taille, toutefois, l'évaluation de ces dépenses en fonction du budget gouvernemental de 2023 serait une erreur. Les projections de croissance du FMI pour les années 2024 et 2025 sont encourageantes, sans oublier la récente annonce des investissements directs étrangers, propulsant le Maroc au premier plan avec un montant estimé à 34 milliards de dollars. Ainsi, bien que les dépenses à venir soient considérables, les perspectives de croissance économique et l'augmentation des recettes budgétaires laissent entrevoir des résultats prometteurs d'ici 2025.

Dépenses de personnel de l'Etat : Hausse remarquable en 10 ans

Les dépenses de personnel de l'Etat sont passées de 111,29 milliards de dirhams (MMDH) en 2013 à 155,79 MMDH en 2023, soit une évolution de près de 40%, selon le rapport sur les ressources humaines accompagnant le PLF-2024. La période 2013-2018 a connu un ralentissement de la progression des dépenses de personnel et une stabilité du taux d'évolution de ces dépenses aux alentours d'une moyenne annuelle de 1,72%.

Cette tendance est due en partie à l'effet conjugué des suppressions des postes budgétaires suite aux départs à la retraite et des mesures prises par le gouvernement tendant à maîtriser l'évolution des dépenses de personnel.

S'agissant de la période 2019-2023, elle a été marquée par une croissance remarquable des dépenses de personnel, soit 5,15% en moyenne annuelle, résultant essentiellement de l'exécution des décisions relatives aux révisions des salaires prises au cours de cette période dans le cadre du dialogue social au profit du personnel de l'Etat.

Cet indicateur a connu une régression au cours de la période 2013-2019, pour ensuite se relancer en 2020 à raison de 11,59% et puis prendre une trajectoire baissière pour se stabiliser aux alentours d'une moyenne annuelle de 10,95% pendant 2021-2023.

Le pic enregistré par ce ratio en 2020 est expliqué en grande partie par les retombées économiques de la pandémie du Covid-19 sur l'économie nationale. S'agissant du ratio des dépenses de personnel par rapport au Budget général, il a enregistré un taux de 32,03% en 2023.

Investissement : Nouveau record en perspective

L'effort d'investissement global du secteur public s'élève à 335 milliards de dirhams (MMDH) au titre de 2024. Cette enveloppe est répartie notamment sur le Fonds Mohammed VI pour l'Investissement (45 MMDH) et le Budget général, les Comptes spéciaux du Trésor (CST) et les Services d'Etat gérés de manière autonome (SEGMA), en neutralisant les transferts du Budget général vers les Établissements et Entreprises Publics (EEP), les CST et les SEGMA (103 MMDH), précise cette note de présentation, publiée sur le site du ministère de l'Economie et des Finances. Cet effort d'investissement porte aussi sur les EEP (152 MMDH), les collectivités territoriales (20 MMDH) et le Fonds Spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre (15 MMDH). Ces investissements concernent principalement le développement des infrastructures dans les secteurs de l’eau, de l'énergie, des télécommunications, de l'habitat, de l'agriculture, de l'électricité, des autoroutes et des transports aérien, maritime et ferroviaire… et la liste n’est pas exhaustive.

Au détail, les programmes d'investissement financés dans le cadre des CST concernent principalement le renforcement du réseau routier national, le soutien d'actions relevant des secteurs de l'agriculture, des eaux et forêts, de l'audio-visuel, de l'habitat, de la justice, de la culture, des sports et le financement de programmes socio-éducatifs, fait savoir la note, indiquant que les programmes d'investissement des SEGMA s'élèvent à 286,31 millions de dirhams (MDH).

Pour ce qui est des budgets d'investissement des collectivités territoriales, ils sont consacrés principalement à la mise en place des infrastructures destinées à améliorer les conditions de vie des populations. Les efforts seront concentrés sur l'extension et le renforcement des réseaux de voirie et d'assainissement, les constructions d'infrastructures culturelles, sportives et de loisirs, de marchés et d'édifices publics, ainsi que les aménagements de jardins et d'espaces verts.

S'agissant des programmes d'investissement des EEP, ils couvrent principalement les secteurs de l'énergie, des télécommunications, de l'habitat, de l'agriculture, de l'électricité, de l'eau potable, des phosphates et leurs dérivés, des autoroutes et des transports aérien, maritime et ferroviaire.
 
 








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