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Nouveau Modèle de Développement : Vers de nouvelles alliances internationales


Rédigé par Anass MACHLOUKH Mardi 13 Juillet 2021

Tourné vers l’Occident depuis son indépendance, le Maroc tente tant bien que mal de diversifier ses partenariats internationaux. Une nécessité à l’ère du Nouveau Modèle de Développement. Détails.



Nouveau Modèle de Développement : Vers de nouvelles alliances internationales
« Un Etat fort et une société forte » est l’ultime ambition du Nouveau Modèle de Développement. Si le rapport de Chakib Benmoussa fait allusion au redressement économique du pays et la refonte du modèle social lorsqu’il évoque ce slogan, il en va de même pour le rayonnement international du Royaume. Compte tenu du monde dans lequel nous vivons, objet d’une globalisation galopante, toute trajectoire de développement ne saurait être dissociée des rapports du Maroc avec son environnement international.

Depuis l’indépendance, le Maroc s’est penché, dans un pari souverain, du côté de l’Occident capitaliste libéral alors que tous ses semblables bifurquaient vers le modèle socialiste.

Trente ans après, le Royaume revoit ses cartes et les alliés traditionnels que sont l’Union Européenne et les Etats Unis ne sont plus l’horizon indépassable de ses alliances, d’autant plus que plusieurs éléments ont changé : émergence de l’Asie, persistance du conflit du Sahara sans qu’il ait suffisamment de soutien des alliés européens, et naissance de l’Afrique, autant de défis qui poussent le Maroc à redéfinir ses alliances dans le monde.

Monde émergent : vers des partenariats plus bénéfiques

« Nous nous acheminons également vers le lancement de partenariats stratégiques avec l’Inde et la République Populaire de Chine, où Nous nous rendrons en visite officielle bientôt, si Dieu le veut », c’est dans ses termes que SM le Roi avait réitéré, devant les membres du Conseil de Coopération du Golfe, en 2016, la volonté du Maroc d’établir des partenariats stratégiques avec les grandes puissances émergentes.

Une orientation qui devrait s’enraciner davantage dans la politique étrangère du Royaume, à l’ère du Nouveau Modèle de Développement, selon le Rapport de Chakib Benmoussa, qui préconise de consolider les accords scellés avec la Russie, la Chine et l’Inde, lors des visites royales en 2016 et 2017.

Une orientation qui a donné d’ores et déjà ses fruits, en témoigne la coopération maroco-chinoise dans le domaine de la vaccination, qui a permis au Royaume de sécuriser son approvisionnement vaccinal et de devenir un producteur. En effet, il est superflu de ne pas s’intéresser à des pays comme la Chine, la future superpuissance, dont l’importance géopolitique et géoéconomique au niveau mondial est incontestable. Le Royaume semble prédisposé à aller plus loin dans son partenariat avec Pékin, en adhérant volontiers à l’initiative chinoise de la nouvelle Route de la Soie.

Ce revirement de la diplomatie marocaine vers « l’Est » intervient dans une conjoncture particulière des relations avec le Nord et notamment avec l’Espagne et l’Union Européenne, marquée par la brouille avec le Parlement de Strasbourg. Certes, le Maroc est un allié privilégié de l’UE, pourtant, il n’est plus disposé à accepter « le paternalisme » de Bruxelles et du couple franco-espagnol, qui donnent « les bons points » dans un rapport du maître à l’élève, décrié récemment par le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita.

Cette conviction s’est manifestée dans l’attitude offensive du Maroc vis-à-vis de l’Espagne et de l’Allemagne à cause de leur perfidie quant à son intégrité territoriale. A cet égard, le Maroc attend une position claire de son voisinage européen concernant le dossier du Sahara, qui ne devrait plus faire l’objet d’ambiguïté à chaque fois qu’il est question d’un accord bilatéral, comme c’est le cas de l’accord de pêche. Ceci est d’autant plus évident que la confirmation de la reconnaissance américaine ne fait plus de doute.

Europe : pour une alliance plus équilibrée

Cependant, se projeter vers l’Asie ne signifie guère tourner le dos à l’Europe et la CSNMD recommande l’approfondissement du partenariat avec l’UE dans les domaines du futur tel la transition écologique. Le potentiel d’énergie solaire du Maroc, en tant que fournisseur de l’énergie verte, (Centrale solaire Noor d’Ouarzazate), intéresse les Européens qui s’apprêtent à bifurquer complètement vers la neutralité carbone d’ici 2050. Le document de la CSNMD indique que l’UE prévoit d’importer 40 GW de renouvelables à l’horizon 2050.

En outre, le Royaume veut se positionner comme le portail économique et financier incontournable de l’Afrique, en comptant sur les vertus de la place financière de Casablanca (Casa Finance-City), qui devrait abriter les capitaux à destination d’Afrique. Cette vocation financière devrait placer la métropole à l’avant-garde des places financière au niveau régional. Déjà, plusieurs entreprises européennes, suisses, françaises et britanniques comptent y établir leurs sièges régionaux, après la réforme du cadre juridique de la place.

Par ailleurs, le Royaume semble très intéressé par l’accueil des industriels européens qui souhaitent relocaliser leurs activités près de l’Europe. La pandémie a montré à quel point les économies européennes sont désindustrialisées, après la vague des délocalisations vers la Chine et les pays asiatiques.

Etats Unis : l’Alliance transatlantique indéfectible

Bien que pays arabo-musulman, le Maroc a su, au fil des siècles, développer une relation spéciale avec les Etat Unis d’Amérique, qu’aucun autre pays de la région n’a. Comme le Maroc fut le premier pays à reconnaître son indépendance, l’Oncle Sam a exprimé sa gratitude historique, en reconnaissant la souveraineté légitime du Maroc sur son Sahara. Un geste qui a scellé une alliance historique marquée par un partenariat militaire et stratégique de haut niveau, dont témoigne le succès de l’exercice « African Lion », tenu pour la première fois au Sahara.

La CSNMD appelle à capitaliser sur cet héritage, en exploitant davantage le potentiel des relations économiques entre les deux pays, qui ne sont pourtant pas à la hauteur des espérances. Selon le rapport, le Maroc doit « mobiliser le plein potentiel du Free Trade Agreement (FTA) », signé en 2006. Il s’agit d’une nécessité absolue, après l’annonce de l’ouverture d’un Consulat à Dakhla qui devrait accompagner les investisseurs américains et marocains aussi bien dans les provinces du Sud qu’en Afrique.

Afrique : le cordon ombilical

Considérée comme l’avenir de l’économie mondiale d’ici 2040, le continent noir, surtout la région subsaharienne, est devenu, au fil des deux dernières décennies, le prolongement naturel de la diplomatie marocaine. En témoigne l’expansion des IDE marocains dans les pays de la région, faisant du Royaume le deuxième investisseur dans le continent et le premier en Afrique de l’Ouest. Les IDE sont passés de 907 millions de dollars en 2007 à 5,4 milliards en 2019.

Idem pour les échanges commerciaux qui progressent à un rythme de 9,5% chaque année, selon les chiffres du ministère des Finances. Cet élan est censé se poursuivre, selon la vision du Nouveau Modèle de Développement, qui fait état de perspectives prometteuses de coopération, grâce aux opportunités qu’offre la zone de libre échange africaine (ZLECAF).

Le rapport préconise de développer la coopération aussi bien au niveau bilatéral qu’au niveau multilatéral, avec les pays africains, dans de nouveaux secteurs à fort potentiel de croissance, à savoir l’agro-industrie, le textile, l’industrie automobile, le tourisme, l’innovation, l’industrie culturelle, le développement durable et l’industrie pharmaceutique.

À l’échelle politique, le retour du Royaume à l’Union Africaine, en 2017, lui a permis de gagner plus de soutien dans le dossier du Sahara, près de 34 pays soutiennent le Maroc jusqu’à présent, d’autres ont retiré leur reconnaissance du Polisario, et 15 pays ont ouvert leurs consulats dans les provinces du Sud.
 
Anass MACHLOUKH

Nouveau Modèle de Développement : Vers de nouvelles alliances internationales

Trois questions à Zakaria Aboudahab


« La question des impacts différenciés ou contrastés des Accords de libre-échange conclus par le Maroc sur son économie devrait être appréciée dans sa globalité »
 

Zakaria Aboudahab, politologue et professeur à l’institut des études africaines, a répondu à nos questions sur le futur des alliances internationales du Maroc.


 
- Après la crise avec l’Espagne et la brouille avec l’Union Européenne, est-ce qu’il est vital pour le Maroc de s’ouvrir davantage sur les puissances émergentes ?

- Il est certain que le Maroc a entamé, depuis 1999, une stratégie de diversification des partenaires commerciaux, en vue de se désenclaver du marché européen. Cette stratégie a porté ses fruits : conclusion de plusieurs accords commerciaux et économiques avec plusieurs pays, dont les Etats-Unis, la Turquie, les pays africains dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine... Le Nouveau Modèle de Développement prône la consolidation de cette démarche en s’ouvrant davantage sur des partenaires de taille comme la Chine, la Russie, le Brésil ou l’Inde (BRIC), tout en approfondissant les partenariats classiques, notamment avec l’Europe et les États-Unis, et les pays membres du Conseil de Coopération du Golfe.


- Est-ce qu’il faut, à votre avis, parier sur le groupe de Visegrad pour promouvoir la position du Maroc au sein de l’Union Européenne ?

- Le Groupe de Visegrad est plus une alliance légère ou soft qu’un groupement institutionnellement influent ou agissant, en dépit de sa nature intergouvernementale. Le centre décisionnel en Europe est localisé à Bruxelles et à Strasbourg et plus fondamentalement au niveau des principales institutions européennes : le Conseil, la Commission et le Parlement.

Ceci dit, si des pays membres du groupe précité, comme la Hongrie, ont des positions plus ou moins favorables à la marocanité du Sahara, je ne pense pas que de telles positions aient un impact réel sur le dossier du Sahara, que ce soit aux Nations Unies ou au sein de l’Union Européenne. Il faudra plutôt oeuvrer pour que l’Union Européenne soutienne réellement la marocanité du Sahara.


- Faut-il revoir les accords de libre-échange, vu leurs résultats négatifs ?

- La question des impacts différenciés ou contrastés des Accords de libre-échange conclus par le Maroc sur son économie devrait être appréciée dans sa globalité. Il convient d’abord d’analyser au cas par cas chaque accord et, ensuite, examiner en profondeur quelles sont les principales raisons qui brident leurs effets positifs pour le Maroc.

Parfois, il s’agit d’un simple rééquilibrage à opérer (cas de la Turquie par exemple), dans d’autres, il convient d’identifier les véritables facteurs de blocage comme le coût du transport et de l’énergie, la faible diversification des exportations (cas des Etats-Unis). Il n’en demeure pas moins que le Maroc a acquis une grande expérience en matière de libre-échange qu’il pourra mettre à profit dans d’autres accords envisageables ou potentiels : Chine, Russie, Canada...
Recueillis par A. M.

 








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