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Mission française au Maroc: Le bras de fer continue

Enseignement français


Rédigé par Safaa KSAANI Mercredi 6 Mai 2020

Le bras de fer entre parents d’élèves et établissements de l’enseignement français au Maroc continue. Enjeu du duel: la réduction des frais de scolarité en temps de Coronavirus.



Lycée français international André Malraux de Rabat relevant de l'OSUI
Lycée français international André Malraux de Rabat relevant de l'OSUI
Que leurs enfants soient inscrits dans des écoles privées ou publiques, marocaines ou françaises, la majorité des familles sont affectées économiquement par la crise sanitaire mondiale. Confinement oblige, les écoles françaises, tout comme les écoles marocaines, assurent la continuité de l’enseignement et de l’apprentissage des élèves à distance, réduisant ainsi leurs charges de transport, d’eau, d’électricité, d’activités périéducatives, entre autres, payées par les parents.

Dans ces circonstances difficiles, les parents d’élèves inscrits dans des écoles françaises relevant de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE) ou de l’Office Scolaire et Universitaire International (OSUI) escomptaient un abattement de leurs charges. Il n’en sera rien.

Malgré la multiplication des lettres demandant l’amortissement des charges épargnées par les écoles françaises en termes de produits consommables (eau, électricité et charges de nettoyage incluses), ainsi qu’une prise en compte de l’effort conséquent consenti par les parents dans le suivi de l’enseignement de leurs enfants, sans oublier les investissements en équipements (ordinateurs, imprimantes, etc) impliqués par cet enseignement loin d’être parfait, l’AEFE et l’OSUI ont opposé la sourde oreille.

Implacables, les deux organismes ont en effet adressé aux parents les factures du troisième trimestre inchangées, concédant tout au plus la restitution sur demande des charges engagées par les parents pour les activités parascolaires de leurs enfants, ainsi qu’un léger report des délais de paiement de certaines échéances. Le reste n’étant que «blabla» autour de l’octroi sélectif de bourses aux enfants de ménages en difficulté, moyennant la justification d’un dossier lourd de motivation.

Ceci alors même que d’importantes baisses ont été décidées dans des pays comme les Emirats Arabes Unis où une réduction de 20% sur les frais de scolarité du 3ème trimestre a été accordée aux parents des élèves du lycée Georges-Pompidou de Dubaï. Ce fut également le cas dans les écoles françaises de Barcelone, Porto, Mexico, Lima, Téhéran et Istanbul.A Moscou, la ristourne a même atteint le tiers des frais habituels.

Ce qui incite les parents d’élèves au Maroc à continuer le pressing à travers le lancement d’une pétition en ligne et la multiplication des courriers, adressés directement au Directeur de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE). 
 

M'Jid El Guerrab
M'Jid El Guerrab
M’jid El Guerrab, député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France, nous dévoile sa vision de cette mauvaise exception qui exclut le Maroc de la liste des pays concernés par les réductions de frais de scolarité concédées dans d'autres pays. Entretien.

- Les doléances des parents d’élèves au Maroc sont-elles audibles en France en temps de coronavirus ? 

- Les élèves scolarisés dans les établissements du réseau de l’Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) au Maroc suivent une scolarité semblable aux élèves en métropole. Ils ont le même programme et, à terme, passeront le même baccalauréat. A ce titre, les revendications des parents d’élèves ont la même légitimité dans les établissements à l’étranger que sur le territoire national, ils sont exigeants sur le suivi pédagogique. D’autant plus exigeants que ces derniers participent pour 50% aux frais de scolarité qui sont mis en place dans nos établissements publics. Ce qui n’est pas le cas en France puisque l’école publique est gratuite. Il s’agit d’assurer l’avenir de nos enfants, qui reçoivent une éducation française et font rayonner la francophonie hors de nos frontières.

Il est certain que les revendications particulières des parents d’élèves au Maroc ne sont peut-être pas visibles du grand public et des médias en France. Toutefois dans cette crise sanitaire mondiale et inédite, faut-il le rappeler, les parents d’élèves de France et du monde entier sont tous, sans exception, confrontés à de nombreuses inquiétudes. En tant que représentant des Français établis au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, avec mes collègues députés et sénateurs représentant des Français établis à l’étranger, nous relayons quotidiennement ces revendications auprès des autorités compétentes. Je suis en contact permanent avec les représentants des parents d’élèves et du personnel enseignant de ma circonscription. Je les écoute et questionne nos autorités diplomatiques ainsi que les fonctionnaires du réseau de l’AEFE au sujet de leurs préoccupations.

En cette période de crise, les parents s’inquiètent d’abord pour la poursuite des cours. La continuité pédagogique est souvent difficile à mettre en place, tant pour les enseignants que pour les parents. Le suivi du réseau est nécessaire. Ensuite, la crise remet en cause les plans de développement du réseau dans ma circonscription et les hausses des frais d’inscription qui avaient été décidées l’an dernier doivent être gelées. Enfin, et surtout, les parents veulent être reconnus comme des partenaires indispensables de la politique éducative du réseau et disposer d’une meilleure représentation dans les instances décisionnelles.

- Les missions françaises qui contribuent au rayonnement de la francophonie n’ont-elles pas oublié cette vocation ?

- Non, je ne le crois pas. Très tôt, dès le début du confinement, le Gouvernement a mis en place l’opération « Nation Apprenante ». France Télévisions, Radio France, Arte et l’Éducation nationale se sont mobilisées pour mettre à la disposition des professeurs, des élèves et de leurs familles des programmes de qualité en lien avec les programmes scolaires, en France comme à l’étranger. Dans cette situation inédite pour tous, je salue la créativité du corps enseignant et du service public en général, pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès au savoir et à la culture par les outils numériques. 
 
Par ailleurs, comme l’a rappelé le Président de la République, Emmanuel Macron, lors de son fameux discours à l’Université de Ouagadougou : « Il y a bien longtemps que la langue française n’est plus uniquement française. Elle est d’autant, voire davantage, africaine que française ». Toutefois, je vous l’accorde nous devons aller plus loin dans la modernisation et l’assouplissement de l’organisation politique de la Francophonie, trop souvent figée dans une gloire passée.

- Pourquoi le Maroc ne profite donc pas des mêmes égards que la Russie, les Émirats arabes unis et l’Espagne en matière de baisse des frais ? Est-il considéré comme terre acquise ?

- Le réseau des établissements scolaires d'enseignement français au Maroc est l’un des plus denses au monde. À la rentrée 2019, près de 43.500 élèves sont scolarisés par ce réseau, dont plus de 70 % sont marocains, dans 44 établissements couvrant les principales villes du Maroc, dans tous les niveaux d'enseignement. Sa situation ne peut être comparée avec celles des pays comme la Russie, les Émirats arabes unis ou l’Espagne. Chaque pays a un réseau particulier et des frais de scolarité propres et en cela le Maroc est le mieux loti au monde.

Pour les cas spécifiques que vous citez, la Russie a connu une dévaluation par 3 du rouble, et pour les Emirats, il s’agit d’une école privée appartenant au réseau. Les écoles privées peuvent faire ce qu’elles choisissent sans forcément avoir à répondre à une logique nationale... C’est le principe du privé. Elles auraient même pu rendre l’école gratuite, charge à elle de payer leurs frais de fonctionnement.

Néanmoins, au Maroc, de par son ancienneté et par son poids, il était apparu nécessaire d’entreprendre un certain nombre de chantiers afin de continuer de développer les établissements du pays tout en améliorant la qualité des prestations fournies. C’est ce qui a pu expliquer en partie la hausse de certains frais, liés surtout aux investissements immobiliers indispensables : des cantines, des rénovations, etc. 
 
Toutefois, dans ce contexte de crise, il est néanmoins nécessaire de remettre à plat l’ensemble de ces projets afin d’en étudier la faisabilité. J’en ai discuté encore hier, 5 mai, avec le Proviseur du lycée Lyautey. Il faut geler toutes les hausses qui avaient été annoncées. Surtout, les parents ne peuvent pas être les seules variables d’ajustement. Nous devons replacer les parents d’élèves au centre du jeu, car il en va de l’avenir de nos enfants.

Recueillis par S. K.








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