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Métiers verts : des efforts à faire pour favoriser la création d’emplois


Rédigé par Oussama ABAOUSS le Dimanche 24 Janvier 2021

Pour réduire le chômage et créer de la valeur au niveau local, le Royaume gagnerait à mettre en convergence les chantiers de transition environnementale avec la formation de profils qualifiés.



Métiers verts : des efforts à faire pour favoriser la création d’emplois
Début janvier, le Conseil du gouvernement a adopté un projet de décret portant création et organisation de l’Institut de formation aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique à Ouarzazate. Ce projet de décret vise à doter cet institut d’un cadre juridique définissant son organisation, ses conditions d’accès, les cycles de formation et les dispositions liées à son administration et sa gestion. Ce centre de formation s’ajoutera ainsi à deux autres instituts (à Oujda et Tanger) spécialisés dans la formation de techniciens dans le domaine des technologies des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Si cette nouvelle étape confirme la volonté du Royaume de se doter de profils qualifiés pour accompagner le développement de filières vertes, la démarche de mise en convergence entre les besoins des divers chantiers de transition environnementale amorcés par notre pays et la formation de ressources humaines qualifiées est encore perfectible. 

Synchroniser la formation et l’emploi
« Au vu du potentiel du Royaume mais aussi de ses priorités relatives à la création de la valeur et de l’emploi au niveau local, il faut quand même admettre qu’il y a eu, depuis 2009, un nombre important de lauréats issus de diverses écoles et notamment de cycles de formation spécialisés dans des filières vertes qui se sont retrouvés au chômage », regrette Hassan Agouzoul, consultant en développement durable et transition énergétique. « Ces filières sont pourtant modernes et très bien marketées à l’international comme dans nos propres politiques publiques », souligne l’expert qui pointe un manque de mise en convergence et de synchronisation de ces politiques afin de faire correspondre les cycles de formation avec les investissements en cours. « L’effectivité des lois (dans les domaines de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables petites et moyennes puissances notamment) et leur transformation en textes d’application adéquats n’étaient pas au RDV pour que les ingénieurs et les techniciens formés puissent trouver un emploi au bon moment », ajoute Hassan Agouzoul.

Stratégie industrielle et normalisation
L’autre aspect évoqué par notre source est celui de la stratégie industrielle, la recherche et innovation, et la normalisation. « Ces trois paramètres structurent la transformation d’un choix politique dans les nouveaux secteurs de l’économie verte et circulaire, en filières industrielles stratégiques et en chaînes de valeur. Cette action, pilotée par l’action publique, doit préciser les maillons de la chaîne dans laquelle il faut investir en prenant en considération les possibilités d’avoir les ressources techniques et humaines locales qualifiées, et l’investissement associé, afin de favoriser la création de PME ou de grandes entreprises nationales », précise Hassan Agouzoul pour lequel « la capacité d’innovation des divers acteurs de recherche et développement impliqués et la mise en place d’infrastructure de qualité et de normalisation sont également des conditions sine qua non ». Le paramètre lié à « l’intensité-emploi » qui définit le potentiel pour chaque filière pour absorber de la main d’œuvre est par ailleurs un autre indicateur qui pourrait définir le choix des spécialités prioritaires.

Privilégier l’approche par écosystèmes
La démarche nécessaire pour structurer les nouvelles industries et chantiers verts en véritables locomotives pour la création de valeur et d’emploi au niveau local a pourtant déjà été utilisée au Maroc. « Le ministère de l’Industrie a réussi à faire une démarche de ce genre dans le cadre du premier plan d’accélération industrielle qui s’est basée sur une approche par écosystème », explique l’expert qui recommande de s’inspirer de ce modèle pour les métiers et les industries vertes. « Je crois qu’il est important d’élaborer une feuille de route nationale des filières industrielles stratégiques vertes, selon l’approche par écosystèmes, à laquelle il faut ajouter une feuille de route pour la Recherche et innovation verte, des infrastructures adéquates de qualité et de normalisation et un système national de fiscalité verte incitatif et équitable », recommande Hassan Agouzoul. « Il est par ailleurs urgent de compléter l’arsenal juridique actuel et de doter l’État de moyens humains et techniques nécessaires pour assurer le contrôle environnemental et la surveillance de la mise en conformité, l’effectivité et l’équité sur le terrain de l’application de la réglementation environnementale en vigueur, notamment à travers le renforcement des équipes et du budget alloué à la police environnementale qui vient d’être créée récemment », conclu Hassan Agouzoul.

Oussama ABAOUSS

3 questions à Christophe Lumsden, consultant-associé à PWC

Christophe Lumsden
Christophe Lumsden
« La notion de métiers de l’environnement, qui était valable il ya un an, est à revoir aujourd’hui »

Pour comprendre les enjeux liés à la restructuration des métiers de l’environnement à travers l’économie verte, nous avons posé nos questions à Christophe Lumsden consultant-associé à PWC.

- Le monde des finances, est-il en train de suivre les diverses transitions environnementales ?
- Il ya une grande tendance qui est en train de s’accélérer et de prendre une ampleur sans précédent. Il s’agit d’un changement majeur dans la logique de valorisation d’une entreprise ou d’un actif notamment à travers le développement et le recours de plus en plus systématique aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Beaucoup de grandes institutions ont déjà commencé à mettre en place des frameworks dans ce sens. Même les fonds de capital-investissement et de Banking sont en train de s’approprier cette façon de concevoir le potentiel d’un investissement à la lumière de ces nouveaux critères.

- Cette mutation structurelle, permettra-t-elle aux investisseurs à continuer à faire des bénéfices ?
- Absolument. La finance garde sa logique : investir pour avoir un retour sur investissement. Le monde de la finance a en revanche compris que les critères classiques ne suffisaient plus pour évaluer la viabilité d’un projet ou d’une société à moyen / long terme. Ce changement avait démarré avec des conditionnalités au niveau des bailleurs de fonds mais dès lors que les grands fonds d’investissement privés se positionnent stratégiquement dans la perspective EGS, c’est révélateur d’un signal fort pour, je l’espère, le vrai virage à 180° qu’on attendait depuis tellement longtemps.

- Cette mutation en cours va-t-elle changer la donne pour les métiers de l’environnement ?
- Je trouve qu’en un an, il s’est passé des choses complètement spectaculaires auxquelles on ne s’attendait pas qui ont fait que même la notion de métier de l’environnement, qui était valable il y a un an, est à revoir aujourd’hui. C’est pour cela qu’il est impératif pour le Royaume de développer des capacités extrêmement fortes à tout ce qui est lié à la finance et aux règles financières vertes afin de rester dans la course et de bénéficier des opportunités nouvelles qui s’offrent à lui.

Recueillis par O. A.

Encadré

Éducation : Les modules environnementaux dans les filières de l’éducation et de l’enseignement supérieur
Si le monde a appris à utiliser le terme « durable » pour qualifier les projets, les domaines et les actions qui prennent en considération les aspects économiques sociaux et environnementaux, il est probable que cet adjectif finisse bientôt par disparaître quand, bientôt, tout ce qui ne rime pas avec « durable », ne sera plus viable. C’est en tout cas ce que prédisent les experts, à la lumière des mutations environnementales, urbanistiques et industrielles, qui sont en train de s’opérer à grande vitesse au niveau international. Avec les nouvelles filières et métiers verts qui font leur apparition, se manifeste aussi avec une importance croissante, la nécessité d’intégrer les aspects liés à l’environnement et au développement durable dans tous les autres métiers. « Aujourd’hui, c’est une question qui doit interpeller tous les cursus d’éducation, d’enseignement supérieur, de formation professionnelle et de recherche au Maroc et notamment ceux de l’ingénieur, qui a une responsabilité double, car il devra non seulement maîtriser sa spécialité, mais également prendre en considération les aspects d’optimisation des différentes dimensions environnementales et notamment la dimension économie des ressources naturelles et de l’énergie », souligne Hassan Agouzoul. À cet effet, l’intégration des aspects liés aux transitions énergétiques, environnementales et climatiques devrait se décliner différemment dans chacun des cycles de formation afin de veiller à mettre en adéquation les connaissances et les consciences avec les nouvelles exigences et les nouvelles réalités de notre monde en mutation.

Repères

Les filières de l’économie verte
L’économie verte passe par le développement de nouvelles filières industrielles issues de technologies vertes, et de nouveaux services qui permettront d’adopter des modes de vie, de consommation et de production plus sobres en ressources naturelles et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Les filières concernées peuvent être classées en trois catégories : les filières qui permettent d’économiser, celles qui permettent de préserver les ressources naturelles en quantité et en qualité, les filières qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Énergies renouvelables et emploi
Au niveau international, le secteur des énergies renouvelables (qui ne couvre, pourtant que 2% de la production mondiale d’énergie) a dégagé ces dernières années plus de 2,3 millions d’emplois verts. Les secteurs de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire photovoltaïque et de l’énergie solaire thermique emploient respectivement 300 000, 170 000, et plus de 600 000 personnes (dont une grande partie en Chine). Les pays mettant en œuvre des politiques actives pour encourager les énergies renouvelables ont vu l’emploi augmenter fortement dans ce secteur.