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Maroc - France : Répercussions d'un dialogue de sourds qui s'éternise


Rédigé par Anass Machloukh Vendredi 10 Mars 2023

La diplomatie française a omis de prendre acte de la déclaration d’une source marocaine à « Jeune Afrique ». La crise est tellement profonde que les messages d’apaisement de Paris ne suffisent plus. D’où le grand doute sur la faisabilité de la visite d’Emmanuel Macron au Maroc. Détails.




Entre le Maroc et la France, le climat est loin d’être au beau fixe à l’image de cet hiver glacial. Les relations sont toujours tendues en dépit de la dernière sortie médiatique du président Emmanuel Macron qui semble avoir eu l’effet inverse. En voulant rassurer tout le monde sur les relations bilatérales, le locataire de l’Elysée a fini par soulever involontairement une nouvelle polémique qui n’a eu de cesser de retentir sur les médias. A peine le président Macron a-t-il affirmé vouloir avancer avec le Maroc qu’une source marocaine lui a répliqué vertement, quelques jours plus tard, en confiant à « Jeune Afrique » que les relations ne sont « ni bonnes ni amicales ». 

Une réaction qui a fait couler beaucoup d’encre aussi bien au Maroc qu’à l’Hexagone. Bien qu’elle ne soit pas officielle, la réaction de la source marocaine, dite gouvernementale, à « Jeune Afrique », a été très prise au sérieux en France. Plusieurs éminentes personnalités politiques, dont le patron des « Républicains », Éric Ciotti, se sont déchaînées sur le locataire de l’Elysée, accusé d’avoir gâché l’amitié franco-marocaine. 

Pas de commentaire à la « source marocaine »

La crise a pris une ampleur telle qu’elle a déteint sur l’Assemblée nationale. La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, s’est trouvée obligée de se prononcer sur la brouille actuelle qui perdure entre Paris et Rabat. La Cheffe du Quai d’Orsay a tenté de minimiser l’ampleur de la crise en refusant de prendre en compte les propos de la source marocaine relayés par « Jeune Afrique », sous prétexte qu’elles sont anonymes. "Si nous avons lu des déclarations désagréables dans la presse, elles sont de sources anonymes et n'appellent à ce titre pas de commentaires particuliers", a-t-elle répondu.

La diplomatie française, du moins sur le plan officiel, ne semble pas vouloir gonfler davantage la bulle médiatique en tâchant de calmer l’ambiance. Catherine Colonna a dit s'attacher à "pratiquer l'apaisement", rappelant quelques aspects positifs comme la reprise de la coopération consulaire qu’elle a, elle-même, annoncée lors de sa visite au Maroc en décembre 2022.

Le dialogue tourne à l’incompréhension

Ni l’amorce de la fin de crise au sujet des visas ni l’arrivée du nouvel ambassadeur Christophe Lecourtier n’ont été de nature à éclaircir le climat nébuleux de « la relation d’exception », tellement Rabat et Paris donnent l’impression qu’ils ne se parlent plus. Selon les propos relayés par l’AFP, Catherine Colonna n’a pas affirmé avoir eu d’échanges récents avec les responsables marocains. Elle s’est contentée de dire qu'elle  restait "sur les échanges" qu'elle avait eus avec ses homologues marocains en décembre dernier, au cours desquels Paris et Rabat avaient signalé leur volonté de « refonder en profondeur leur relation ». Toutefois, la détente en loin d’être de mise, encore moins d’être d’actualité. Colonna ne l’a même pas évoquée dans son allocution.

Des actes plutôt que des paroles !

Selon Saïd Seddiki, professeur des relations internationales à l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, les tentatives d’apaisement du côté français demeurent insuffisantes du point de vue du Royaume qui demeure insatisfait. « La crise est trop profonde pour qu’elle soit résolue par des déclarations », estime notre interlocuteur, arguant que le Maroc attend des actes concrets plutôt que des paroles. Allusion faite à la question du Sahara où Rabat attend une position plus audacieuse de la part du gouvernement français. Ce dont l’Elysée est incapable de concéder du moins tant que Macron est au pouvoir, poursuit M. Seddiki. Un point de vue partagé par Anas Abdoun, analyste géopolitique spécialiste du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, qui estime que « le prisme par lequel l'Élysée analyse les relations internationales est toujours figé dans l’Histoire ». « Paradoxalement, ce sont parfois les pays qui nous connaissent le mieux qui voient le moins le changement que l’on a opéré », explique l’expert, convaincu que la crise avec la France peut se résoudre à l’image de ce qui s’est passé avec l’Espagne et l’Allemagne. C’est-à-dire par le dialogue. 

Lors de sa dernière rencontre avec Catherine Colonna, le Chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a livré savamment et implicitement la clé de la résolution de la crise, en évoquant un « besoin d’adaptation et de rénovation » dans les relations bilatérales. Aujourd’hui, le président français semble perdu en Afrique où sa politique est clairement un échec, selon ses détracteurs qui l’accusent d’avoir brouillé ses cartes en se comportant maladroitement avec les alliés historiques de la France. Sur ce point, Anass Abdoun estime que la dernière tournée du président français a été un fiasco, ce qui démontre, selon notre interlocuteur, "les maladresse de la diplomatie française qui ne semble pas savoir comment réagir face à l’afflux des puissances en Afrique qu’elle considère comme allant de pair avec sa perte d’influence". 
 

Trois questions à Mostapha Tossa


« La tension est telle que la visite de Macron est inenvisageable actuellement »


-Compte tenu de la tension actuelle, pensez-vous que la visite d’Emmanuel Macron est inenvisageable pour le moment ? 

- La tension est telle que Rabat et Paris se voient empêchés d’envisager une visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc. Actuellement, le dialogue politique et les négociations souterraines se poursuivent au niveau des canaux diplomatiques, mais les deux pays n’arrivent pas  à un compromis qui serait de nature à satisfaire les demandes marocaines sur les sujets de discorde. 

- Qu’est-ce qui empêche, à votre avis, le retour à la normale ?

A mon avis, la véritable raison qui justifie la tension actuelle est le refus de la diplomatie française de répondre favorablement aux demandes du Maroc sur la question du Sahara. Le discours royal a été clair en faisant savoir que le Maroc mesure ses amitiés et ses alliances en fonction des positions des pays sur la cause nationale. Il se trouve que les Etats Unis, l’Espagne et l’Allemagne ont estimé que l’option de l’autonomie est la seule solution crédible. Par contre, la France refuse de se départir de sa position traditionnelle qui dit que le plan d’autonomie est une des solutions crédibles et pragmatiques. Il y a un vrai blocage sur la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Ce que le Maroc peine à comprendre compte tenu de l’amitié historique entre les deux pays et des liens économiques, culturels et humains si solides.

En plus du Sahara, il y a eu une floraison de facteurs aggravants. Paris ne semble pas bien comprendre la volonté du Maroc de diversifier ses alliances, notamment avec la Chine, les Etats-Unis et même Israël, estimant que cela serait préjudiciable à ses propres intérêts. La France voit aussi d’un très mauvais œil l’activisme marocain en Afrique subsaharienne.

-Pensez-vous que les récentes déclarations d'Emmanuel Macron sur le Maroc ont exacerbé la crise ?

On ne peut pas affirmer si les dernières déclarations d’Emmanuel Macron et celles de Catherine Colonna ont rassuré ou mécontenté le Maroc. Ce qui est sûr, c’est qu’elles n’ont apporté aucune réponse. Le Royaume attend clairement une réponse claire et officielle sur l’affaire du Sahara. Toutefois, gardons à l’esprit que la voie du dialogue est toujours ouverte.








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