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Maroc-Etats Unis: L’union des armes Maroc-USA dans un contexte de tension


Rédigé par Anass MACHLOUKH Jeudi 29 Avril 2021

Alliés historiques, Rabat et Washington ont multiplié les exercices militaires sur les côtes du Sahara, à quelques mois des manœuvres interarmées « African Lion », qui se dérouleront cette année dans un contexte de tension régionale. Eclairage.



Maroc-Etats Unis: L’union des armes Maroc-USA dans un contexte de tension
« Le Maroc occupe une place spéciale dans le cœur des Américains, ce fut la première Nation à reconnaître les Etats Unis d’Amérique il y a plus de 200 ans, je suis venu ici vous dire merci », telle fut l’éloge de l’actuel président américain Joe Biden au Maroc, lors du Sommet d’entrepreneuriat à Marrakech en 2014. Des propos qui reflètent la profondeur de l’alliance maroco-américaine, scellée depuis 1777 et qui trouve dans la coopération militaire historique sa plus sublime incarnation. En témoigne la réussite des exercices maritimes « Lightning Handshake » et « Atlas Handshake », qui ont eu lieu en janvier puis en en mars 2021, pour la première fois, au large des côtes des provinces du Sud. Ces exercices représentent une confirmation tacite du Pentagone de la marocanité du Sahara, qui s’inscrit dans la foulée de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud. Et ce, quelques mois après la sécurisation du passage d’El Guerguerat. Aujourd’hui, la revue des Forces Armées Royales, porte-voix officiel de l’armée marocaine, offre plus de détails sur ses manœuvres militaires conjointes. 

En plus des exercices terrestres, des éléments des FAR et de l’US Army ont procédé à des manœuvres navales et aéronavales sur les côtes atlantiques près d’Agadir et Tan Tan. Cette année s’est démarquée des précédentes par l’ampleur des opérations et les moyens engagés. Le but est de renforcer les aptitudes des deux armées à mener des opérations conjointes, comme le précise Karim Zitouni, Commandant de la Frégate Mohammed VI dans la revue des FAR. 

La Marine Royale à la manœuvre 

Qualifiés de « poignées de main énergiques » par le porte-voix officiel des FAR, ces exercices ont été menés conjointement par l’US Navy et la Marine Royale avec la participation des Forces Royales Air. « Il s’agit du complément maritime de l’exercice African Lion qui reste en grande partie un exercice terrestre », nous explique Mohammed Chakir, politologue et expert en études géostratégiques. Selon le Colonel Brahim Ghali, l’objectif est clair : « Renforcer les capacités de défense en matière de lutte anti-sous-marine et antinavire, de neutralisation des cibles flottantes et terrestres, grâce à l’interopérabilité entre les unités des deux marines ». Un objectif qui s’est concrétisé par des opérations de simulation, qui ont porté sur des manœuvres tactiques et d’échange de données opérationnelles. « Elles ont permis de développer la planification conjointe des opérations aéronavales entre les deux marines », indique le commandant de la Frégate Tarik Ibn Ziyad Hicham Yatefti, dans la revue des FAR. 

En plus des frégates Mohammed VI et Tarik Ibn Ziyad, plusieurs chasseurs des forces aériennes (F-5 et F-16) ont été engagés, du côté marocain, pour simuler des actions de défense aéronavales. Du côté américain, l’Armée américaine a déployé plusieurs F-18 à partir des porte-avions Dwight Eisenhower, USS Vella Gulf et USS Porter, accompagnés d’unités de surface de l’US Navy. « L’Amérique a déployé l’avant-garde de son armement », s’est réjoui un haut gradé marocain, nous racontant le déroulement des opérations. 

Grâce à l’exercice « Lightning Handshake », la Marine marocaine a acquis des techniques de défense contre les sous-marins par un ciblage efficace, opéré par des hélicoptères qui transmettent immédiatement l’information à des navires de combat pour procéder à la neutralisation de la cible. Outre cela, le groupe aéronaval de combat marocain engagé a pu affermir les capacités de tirs contre les cibles flottantes et les cibles terrestres. 

Concernant « Atlas Handshake », cet exercice qui s’est déroulé au large d’Agadir, vise à établir une harmonisation des tactiques d’attaques et de défense contre une menace de surface entre les Marines marocaine et américaine, grâce à un échange automatique de données en temps réel, entre les navires de guerre engagés. Ceci est destiné à développer les capacités de détection des cibles ennemies (navires et sous-marins compris).  En outre, l’amélioration du potentiel de l’artillerie navale était au rendez-vous, plusieurs exercices ont eu lieu avec succès sur des cibles terrestres entre la frégate marocaine Allal Ben Abdellah et le Destroyer « USS Porter ».  Il s’agit en effet du deuxième exercice « Atlas Handshake », qui fait suite à celui opéré en janvier dernier (du 13 au 15 du même mois). 

African Lion : préparation d’un exercice exceptionnel

En effet, ces manœuvres précèdent le grand exercice militaire conjoint « African Lion », qui aura lieu du 7 au 18 juin prochain. Cette année, on s’attend à des exercices particulièrement grandioses, de par le nombre des soldats qui vont y participer. Plus de 5000 soldats américains sont attendus, dont les fameux « Marines » de l’oncle Sam et 470 soldats de la Guarde nationale de Géorgie, auxquelles s’ajouteront des militaires tunisiens, sénégalais, italiens, britanniques et hollandais. La Revue des FAR évoque « l’un des exercices interalliés les plus importants dans le monde ». En effet, cet exercice annuel comprend des opérations terrestres et aériennes qui s’étendent sur deux semaines, et auront lieu pour la première fois dans les zones de Tan Tan, Dakhla et Al Mahbes, près du mur de défense. Un signe qui étaye une nouvelle fois la reconnaissance des Etats Unis de la souveraineté du Royaume sur tout le Sahara et leur soutien militaire à l’armée royale pour sécuriser ce territoire si important pour la sécurité régionale, contre la menace des groupes terroristes dont fait partie le Polisario. 

Les préparatifs ont d’ores et déjà commencé. La planification des opérations a fait l’objet de plusieurs réunions entre les militaires marocains et leurs homologues américains, à l’état-major du commandement de la région du Sud à Agadir. Des exercices de grande envergure sont à l’ordre du jour, à savoir des manœuvres terrestres, aéroportées et maritimes, où se déploieront des contingents des forces spéciales. Selon Mohammed Chakir, l’exercice de cette année se distingue par la tenue d’opérations de lutte contre les organisations terroristes.
 
Contexte régional mouvementé 

L’édition de cette année se déroule dans un contexte particulier, marqué par une tension croissante dans la région du Sahara et du Sahel, surtout après la sécurisation du passage frontalier d’El Guerguerat, le 13 novembre dernier, par les FAR, suite à son blocage par les milices du Polisario. Elle intervient également dans une conjonction de crispation des relations avec l’Algérie, le voisin de l’Est n’a eu de cesse d’afficher son hostilité en recourant à des manœuvres provocatrices le long des frontières à l’Est, supervisées personnellement par le chef d’Etat-major de l’Armée Nationale Populaire, Saïd Chengriha. En sus des exercices à tirs réels de missiles, tenus à Tindouf, l’Armée algérienne a entrepris une nouvelle démonstration de force avec un slogan provocateur : « Frappe préventive dans la profondeur d’un territoire ennemi », adressé délibérément au Maroc, qui, bien évidemment, semble conscient de la montée de l’esprit belliqueux d’Alger.
 

Trois questions à Cherkaoui Roudani

« Les exercices « Atlas Handshake » et « Lightning Handshake 2021 ont montré une capacité d’opérationnalisation de la marine royale très développée »
 
Cherkaoui Roudani, expert en études géostratégiques, a répondu à nos questions sur les enjeux et les dessous de la coopération militaire entre Rabat et Washington, à quelques semaines de l’exercice « African Lion »

- Le Maroc et les Etats ont multiplié les manoeuvres militaires dans les côtes des provinces du Sud, ceci est-il lié au contexte de tension que connaît actuellement la région du Sahara ?

- D’abord, Il est important de souligner que le problème artificiel du Sahara, pour les Américains comme pour l’ensemble des pays représentés au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, est d’ordre géopolitique entre deux Etats : le Maroc et l’Algérie. Par conséquent, l’enlisement de la situation pourra constituer un tournant dans les équilibres géostratégiques dans la région. Dans ce sens, les manoeuvres militaires « Atlas Handshake » et « Lightning Handshake » font partie de la stratégie de renforcement et d’élargissement des spectres capacitaires des deux armées. Je vous rappelle que le Maroc est considéré comme un pays essentiel dans la politique géostratégique américaine en Atlantique.

- Plusieurs experts affirmaient que la ma¬rine royale a rattrapé un retard en matière des capacités militaires grâce un effort de modernisation, vous en convenez ?

- La navalisation de l’armée marocaine est d’une importance extrême. En une dé¬cennie, la Marine royale s’est modernisée qualitativement et quantitativement à travers l’acquisition de plusieurs frégates ultramodernes et des patrouilleurs de dernière génération. Le Royaume dis¬pose de six frégates, classe FREMM, Sig¬ma et Floréal et plus de 20 patrouilleurs, outre des corvettes lance-missile avec des caractéristiques militaires très au point. Ainsi, la puissance maritime marocaine a connu un saut qualitatif lui permettant d’être considérée comme une force navale à l’échelle du continent. La grande frégate Mohammed VI et ses trois écuyers-frégates Tarik Ibn Ziyad, Allal Ben Abdellah et Moulay Ismaïl sont conçues pour tous les types de missions, notamment la défense anti-aérienne avec des missiles Aster-15, les combats en mer avec missile antinavire Exocet MM-40 et la lutte sous-marine avec des équipements ultrasophistiqués comme le radar Herakles et les torpilles anti-sous-marins MU-90.

-Concernant la rivalité maroco-algé¬rienne, des rumeurs parlent d’une instal¬lation d’une base russe dans les côtes algé¬riennes, ceci pourrait-il inquiéter le Maroc d’un point de vue géostratégique ?

- Ce sont des rumeurs. La géopolitique du conflit libyen a montré que ce genre de tentative pourrait coûter cher à la stabilité et la sécurité de l’espace euroméditerranéen. L’étude et l’analyse de la géopolitique de la Crimée est la parfaite illustration que ce genre de projet est impensable et inimaginable. De fait, ce genre de spéculation, même s’il s’agit d’événements contingents, mérite de souligner combien une pareille entreprise peut être dangereuse pour la paix et l’ordre international.