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Maroc-Algérie : Les dessous d’une course patrimoniale où le Royaume est favori


Rédigé par Achraf EL AOUAD Dimanche 26 Décembre 2021

L’inscription récente à l’UNESCO, sur l’instigation du Maroc, de la Tbourida en tant que patrimoine culturel immatériel de l’Humanité représente une nouvelle bataille de gagnée pour le Royaume dans la longue guerre qu’il mène pour préserver ses spécificités culturelles face aux convoitises d’un certain voisin de l’Est.



Maroc-Algérie : Les dessous d’une course patrimoniale où le Royaume est favori
Au moment où l’attention générale est accaparée par la rivalité géopolitique entre le Maroc et l’Algérie sur la question du Sahara marocain et du leadership régional, un autre duel, cette fois-ci culturel et patrimonial, a pour théâtre les réseaux sociaux et les couloirs de l’UNESCO. Et dans cette querelle, les sujets de discorde sont légion : couscous, Tajine, Musique Gnaoua, Raï, Caftan, Argan … sont autant d’éléments patrimoniaux autour de la paternité desquels une sourde bataille fait rage entre les deux frères ennemis du Maghreb.

Côté algérien, le Maroc est accusé d’être un voleur sans scrupule de patrimoine algérien. Côté marocain, l’Algérie est considérée comme un pays à peine affranchi d’un long cycle colonial et donc sans profondeur historique, qui essaie de se forger une contenance patrimoniale sur le dos du Maroc, État-Nation millénaire dont elle serait maladivement jalouse.

En filigrane de cette guerre d’appropriation culturelle, l’ombre de la rivalité géopolitique entre les deux pays voisins, aujourd’hui en totale rupture diplomatique, n’a jamais été aussi pesante. Et le Maroc, pays relativement sûr de son fait et de sa valeur historique, ne s’est jamais montré aussi vigilant et entreprenant face aux assauts répétitifs du voisin algérien sur son riche patrimoine.

Dernière démonstration en date de cette mobilisation marocaine pour la sauvegarde de ses spécificités culturelles : le Round gagné haut la main de l’inscription de la «Tbourida» marocaine sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Celle-ci sonne en effet comme une réplique à l’inscription conjointe du couscous au nom de l’ensemble des pays du Maghreb, en 2020. Une « mutualisation » qui aurait été, selon des sources bien informées, «très mal perçue en haut lieu, vu qu’elle pourrait signaler le début d’un malencontreux processus de dilution des spécificités culturelles marocaines dans le moule d’une improbable uniformité maghrébine».

Depuis lors, le Royaume s’est engagé dans un processus tous azimuts de protection de son capital socio-culturel, héritage d’un État-Nation millénaire, face aux tentatives d’appropriation, principalement algériennes. Le classement de la ‘’Tbourida’’ représente ainsi le premier épisode de ce feuilleton où le Maroc entend asseoir la singularité de son patrimoine, souvent et malencontreusement considéré comme commun entre les pays du Maghreb. Et ça commence bien !

Réuni le 15 décembre dans le cadre de sa seizième session, le Comité Intergouvernemental de Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO a en effet répondu favorablement à la candidature du Royaume du Maroc pour l’inscription de la Tbourida sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Si cet art équestre est pratiqué depuis des siècles dans les trois principaux pays du Maghreb, en l’occurrence le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, où elle s’est développée en parallèle des campagnes militaires, la «Tbourida» marocaine est une discipline à part, réglementée et codifiée au millimètre près pour préserver son authenticité et sa singularité historique. Une rigueur qui fait défaut à la «Fantasia» algérienne ou tunisienne où les pratiques ancestrales ont été passablement dénaturées au fil du temps.

Exception marocaine

Cette reconnaissance internationale d’un héritage civilisationnel unique au monde et auquel les Marocains sont très attachés est vécue au Royaume comme la consécration d’une indiscutable exception marocaine que d’aucuns tentent de diluer dans cet ensemble pas aussi uniforme qu’il n’y paraît qu’est le Maghreb. Elle témoigne de l’importance d’un certain nombre de legs profondément enracinés dans la conscience collective des Marocains et perfectionnés au fil de leur Histoire plurimillénaire.

Certes, et vu la proximité géographique, la langue commune, la culture semblable et l’Histoire partagée, l’intersection des champs patrimoniaux marocain et algérien contiendrait un nombre non négligeable d’éléments. Ces points de convergence dépassent ces deux pays pour englober tous les pays du Maghreb, voire certains pays de l’Europe.

Cependant, en creusant plus profondément, les particularités ressurgissent et les spécificités de chaque héritage, marocain qu’il soit ou algérien, se font voir. La démonstration est également valable pour la gastronomie où la finesse et la variété de l’art culinaire marocain ne sont aucunement comparables à ceux des voisins. Il en est de même de l’architecture, de l’artisanat, de la musique et de la couture traditionnelle qui ont trouvé dans le magma culturel judéo-amazigho-arabe du Maroc un terreau des plus fertiles pour sublimer leurs créations. Le prochain Round aura certainement pour enjeu le caftan dont la paternité est revendiquée des deux côtés de l’Oued Kiss, mais dont les particularités dans chaque pays n’autorisent aucune mutualisation.

Plus que la créativité, le Maroc, en sa qualité d’État-Nation riche d’une Histoire millénaire, a su donner une dimension universelle aux composantes de son riche terroir culturel grâce au jeu de la transmission générationnelle et du peaufinage perpétuel de ses arts et savoirs aujourd’hui consacrés pour leur beauté, leur singularité, leur authenticité et surtout pour leur constance.

Autant d’atouts qui manquent à nos voisins de l’Est, dont l’Histoire et la culture, certes riches, ont été hachées et maintes fois interrompues ou dénaturées au gré de longs épisodes coloniaux, dont le plus dévastateur est celui de la colonisation française de peuplement qui a gravement ravagé le substrat identitaire, culturel et patrimonial du peuple algérien. Il n’empêche qu’une incontestable créativité de ce peuple jumeau de celui marocain a pu résister, se matérialisant avec éclat dans le riche répertoire musical algérien, ainsi que dans d’autres domaines patrimoniaux similaires à ceux du Maroc.

Toutefois, et au lieu d’asseoir la singularité de son propre patrimoine, de le valoriser et de le marqueter comme il se doit, l’Algérie, un pays longtemps fermé qui continue à vivre dans une situation de quasi-isolement par rapport au reste du monde, n’a trouvé d’autre alternative que celle de revendiquer les éléments patrimoniaux préservés, développés et perfectionnés au fil des siècles par son voisin de l’Ouest. Et ça ne risque pas de changer avec le régime militaire actuellement aux manettes qui a fait de la jalousie envers le Maroc et sa détestation une véritable religion. 
 

Achraf EL OUAD

Repères

Patrimoine marocain : moderne mais original
Comme pour la musique de Gnawa ou le Caftan, les Marocains ont effectué un énorme travail de modernisation, de mise au goût du jour mais aussi de valorisation de certains biens culturels. La géographie y est sans doute pour quelque chose. Le Maroc est au carrefour de l’Afrique du Nord et du monde occidental, c’est une position stratégique ouverte sur différentes fenêtres culturelles et civilisationnelles qui le rend plus enclin à être dans un schéma de modernisation et d’ouverture, que d’autres pays plus enclavés. Le patrimoine n’y est pas un patrimoine mort, rigidifié dans des musées, mais en permanente évolution, qui peut épouser l’air du temps et devenir contemporain, sans se trahir.

Sur les bons rails vers un ‘’Made in Morocco’’
La stratégie du‘’Made in Morocco’’ va devenir la pierre angulaire de la politique économique marocaine, ce qui explique sans doute la démarche actuelle du ministère de la Culture, marquée par une volonté de structurer un héritage et un patrimoine et de préserver des savoir-faire afin d’utiliser le capital immatériel dans une perspective économique


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Maroc-Algérie : Les dessous d’une course patrimoniale où le Royaume est favori

Tenues traditionnelles


Quid du Caftan ?
 
Au Maroc, le caftan est très ancien et profondément ancré dans les habitudes vestimentaires du pays. En effet, il est apparu au 8ème siècle à l’époque de la Dynastie Mérinide où il était porté par la Royauté marocaine. Mais celui-ci ne ressemble en rien à ceux portés en Perse et dans l’Empire ottoman.

D’ailleurs, à la différence de ces derniers, le Caftan marocain est un habit exclusivement porté par les femmes. Au fil du temps, et jusqu’à nos jours, cette tenue est restée très prisée des Marocaines. Et elle a évolué au point que, traditionnellement, chaque ville du royaume a son propre style de caftan et sa broderie.

En Algérie, le Caftan a été introduit par les routes de l’Orient, lors de l’apogée de l’Empire ottoman en l’an 1515, soit 8 siècles plus tard. À Tlemcen, la tenue traditionnelle (Chedda) est composée sous la garniture d’un Caftan. Autrefois, les Caftans étaient larges et les manches également.

Le caftan de Tlemcen « caftan a’sder » apporté d’Andalousie est un caftan court, qui arrive aux genoux ou un petit peu au-dessous des genoux. Ce type de caftan a disparu dans la plupart des grandes villes, mais reste très porté à Tlemcen en Algérie.
 

Patrimoine immatériel de l’UNESCO


Le Maroc vice-président du Comité
 
Le Maroc a été élu, samedi 18 décembre, à la vice-présidence du Comité du patrimoine mondial immatériel, en la personne de l’ambassadeur-délégué permanent du Royaume auprès de l’UNESCO, Samir Addahre. Cette élection du Maroc à ce poste est intervenue à l’occasion de la 16ème session du Comité Intergouvernemental de Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO, réuni en ligne du 13 au 18 décembre.

Le Comité est composé de 24 représentants élus parmi les 180 États parties à la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les fonctions principales du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel consistent à promouvoir les objectifs de la Convention, à donner des conseils sur les meilleures pratiques et à faire des recommandations sur les mesures de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.

Le Comité étudie les demandes d’inscription sur les Listes ainsi que des propositions de programmes ou de projets. Il est aussi responsable de fournir une assistance internationale. Le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel prépare la mise en oeuvre de la Convention, principalement à travers l’élaboration d’une série de directives opérationnelles et d’un plan pour l’utilisation des ressources du Fonds pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel tel que défini dans l’article 25 de la Convention. Il soumet ces documents à l’Assemblée Générale pour approbation.
 

3 questions à Tajeddine Houssaini


« Couscous, Caftan ou Tbourida ne sont que des petits signes qui montrent que l’Algérie essaie
de se positionner mieux que le Maroc, mais le monde entier témoigne du contraire »

 
 
Tajeddine Houssaini, politologue et professeur des relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, a répondu à nos questions concernant le duel patrimonial que l’Algérie essaie de déclencher contre le Maroc.


- Pourquoi, à votre avis, l’Algérie mène-t- elle cette guerre patrimoniale contre le Maroc ?

- L’Algérie, qui n’a pas d’identité, est en train de la chercher. Cette zone géographique a été traversée par plusieurs civilisations, les ottomans avant la colonisation française, les carthaginois et autres et n’a jamais constitué un Etat indépendant. Le peuple algérien a cherché depuis l’indépendance à s’identifier à quelque chose et trouver l’Etat-Nation qui n’existait pas en Algérie. Celle-ci a pris la guerre de libération comme symbole de cette identité. Aujourd’hui, elle la cherche dans l’Histoire de ses voisins.


- Vous dites que le voisin de l’Est pioche dans le patrimoine de ses voisins, pourquoi a-t-il choisi le Maroc comme cible pour sa quête identitaire ?


- L’Algérie se situe entre plusieurs pays très enracinés dans l’Histoire, dont le Maroc, qui a une Histoire de 12 siècles. Elle croit que sa force est tributaire de la faiblesse de ses voisins. Envers l’Espagne, un pays développé faisant partie d’un ensemble régional très solide qui est l’Union Européenne, l’Algérie ne pouvait prétendre à aucune rivalité, tant l’écart est évident.

Avec la Tunisie, un pays doté d’une Histoire riche et d’un grand patrimoine mais d’une petite superficie, l’Algérie en sa qualité de plus grand pays d’Afrique cultive depuis toujours un certain complexe de supériorité. Reste le Royaume millénaire du Maroc sur lequel le régime algérien fait une sorte de fixation depuis le lendemain de l’indépendance, allant jusqu’à le désigner aujourd’hui comme ennemi classique.


- Pourquoi l’Algérie a-t-elle choisi ce moment pour déclencher un conflit patrimonial et culturel ?


- Cette attitude découle des éléments précités, à savoir la rivalité et l’adversité voulue par le régime algérien qui ne se conçoit que dans ce genre de rapports conflictuels. Et comme la guerre militaire est un luxe qu’il ne peut pas ou ne veut pas se permettre, restent les gesticulations de toutes sortes parmi lesquelles les tentatives de spoliation du patrimoine d’autrui et les répétitives dénonciations, fausses accusations et pleurnicheries concernant des supposées tentatives de spoliation par le Maroc du maigre patrimoine algérien.


Recueillis par A. E

 








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