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Marché national du « sans gluten » : Un nouveau label pour faire enfin lever la pâte


Rédigé par Oussama ABAOUSS Dimanche 18 Septembre 2022

Un nouveau label permettra de certifier les produits « sans gluten » Made in Morocco. Une bonne nouvelle pour les coeliaques marocains et une opportunité de voir fleurir un marché prometteur.



Le marché des aliments « sans gluten » a explosé au niveau mondial depuis quelques années. Alors que ces produits étaient initialement destinés aux personnes qui souffrent d’allergies ou d’intolérance au gluten, il a suffi que quelques stars et sportifs américains s’y mettent en vantant l’aspect « Healthy » de cette alimentation pour que des millions de personnes à travers le monde les adoptent alors même que les prix de ces aliments étaient souvent bien plus élevés que ceux de leurs équivalents avec gluten.

« Il existe plusieurs produits faits au Maroc qui se revendiquent sans gluten. Mes parents ont cependant toujours été méfiants et préféraient m’acheter des produits importés », nous raconte Nada, une jeune malade coeliaque casablancaise. Une réalité souvent partagée par les milliers de familles de personnes coeliaques qui se réjouissent actuellement de la création du premier label « Sans Gluten » mis en place grâce à une collaboration entre l’Institut Marocain de Normalisation (IMANOR) et l’Association Marocaine des Intolérants et Allergiques au Gluten (AMIAG).

Un marché de niche

Si le marché des produits sans gluten s’est continuellement agrandi ces dernières années au niveau mondial et devrait atteindre en 2023 près de 6.47 milliards de dollars, l’absence de certification des produits marocains a manifestement jusqu’à aujourd’hui freiné son essor pour l’industrie agroalimentaire nationale qui a tenté de se positionner dans ce domaine.

« Le marché des produits marocains sans gluten se compose principalement de petits industriels et PME en partie fondées par des coeliaques ou parents de coeliaques. Ils proposent le plus souvent des produits basés sur des mélanges de farine de graines sans gluten qu’ils importent ou produisent parfois localement. Contrairement au blé, ces graines sont chères, ce qui augmente substantiellement les prix des produits », explique Jamila Cherif, présidente de l’AMIAG, ajoutant que ce marché local se caractérise également par la faible distribution au niveau national, car les magasins spécialisés ne sont accessibles que dans quelques grandes villes.

Une large base de consommateurs

« Nous sommes malheureusement les champions du monde de la maladie coeliaque, surtout au Sud du Maroc où existe un taux de prévalence de 5%. C’est tout simplement le plus haut taux jamais atteint. Au niveau mondial, le taux de prévalence moyen est autour de 1% de la population », précise pour sa part Dr Khadija Moussayer, vice-présidente de l’AMIAG. Le nombre estimé de personnes intolérantes au gluten dans l’ensemble du territoire national est estimé à près de 380.000.

« Malheureusement, tous ne sont pas dépistés, ce qui est très négatif au vu des risques parfois mortels pour un coeliaque de consommer du gluten », déplore Jamila Cherif. Le nombre de consommateurs marocains susceptibles de rechercher des produits estampillés « sans gluten » ne se limite cependant pas aux personnes intolérantes au gluten. « Il faut également compter les personnes bien portantes qui font ce choix de consommation ainsi que toutes celles dont la vie est améliorée grâce à un régime sans gluten, à savoir : les personnes qui souffrent de diverses autres maladies auto-immunes, les personnes autistes ou trisomiques également», précise la présidente de l’AMIAG.

Des industriels intéressés

Avec la mise en place du label national « Sans Gluten », l’industrie locale spécialisée dans les produits sans gluten peut enfin prouver la conformité de ses produits et ainsi rogner la part de marché habituellement occupée par les produits importés de l’étranger. C’est également une nouvelle porte ouverte pour le reste de l’industrie agroalimentaire marocaine.

« Nous avons été contactés par de grands industriels qui veulent se lancer dans la niche des produits sans gluten. Notre mission a donc été de les sensibiliser sur la séparation des chaînes de production et ainsi assurer qu’il n’y ait aucune contamination par le gluten. Nous espérons que le nouveau label leur permettra de réussir leur investissement dans ce marché en mettant en place une chaîne de valeur adaptée et des produits à des prix raisonnables », explique la présidente de l’AMIAG. À noter que la labélisation vise également les produits qui n’utilisent pas de céréales dans leur composition et dont les coeliaques sont plus souvent contraints de se priver par mesure de précaution.



Oussama ABAOUSS

Repères

Gluten et certification
Le gluten est présent dans toutes les denrées à base de blé, comme le pain et les pâtes, et dans une grande partie des produits issus de l’industrie agroalimentaire (plats cuisinés, desserts, additifs contenant du gluten et utilisés comme agent de texture ou de stabilité, etc.). Selon une étude, 77% des coeliaques privilégient les produits certifiés à ceux qui présentent uniquement une allégation. 95% aimeraient que tout produit sans gluten soit certifié afin de donner une meilleure garantie de conformité aux standards.
 
Maladie coeliaque
L’intolérance au gluten est une maladie chronique intestinale auto-immune liée à l’ingestion de gluten. On l’appelle également maladie coeliaque. Lors de l’absorption d’aliments contenant du gluten, les personnes concernées réagissent à la présence de la gliadine, protéine du gluten, en produisant divers anticorps. La maladie coeliaque est multifactorielle avec des facteurs liés à une prédisposition génétique et d’autres environnementaux qui, une fois croisés, déclenchent cette maladie survenant à tout âge.

L'info...Graphie

Marché national du « sans gluten » : Un nouveau label pour faire enfin lever la pâte

Procédure


Un nouveau cadre normatif pour maîtriser la chaîne de production
 
Le cahier des charges qui sous-tend le label « Sans Gluten » a pour objectif la mise en place d’un cadre normatif unifié au niveau national, visant à assurer la conformité des produits concernés par rapport aux exigences sanitaires requises le long de toute la chaîne alimentaire, allant de la production primaire à la consommation finale, afin de mieux satisfaire le besoin des personnes allergiques ou intolérantes au gluten.

La procédure de labellisation mise en oeuvre par l’Institut Marocain de Normalisation (IMANOR) en concertation avec l’AMIAG, conformément aux dispositions de la loi 12-06, consiste à réaliser des audits et des analyses, le cas échéant pour valider l’aptitude du fabricant à maintenir un seuil de gluten résiduel inférieur à 20 mg/kg. Les audits porteront également sur la maîtrise des risques de contamination par le gluten au cours de la fabrication de produits, et sur les bonnes pratiques d’hygiène et de fabrication. La documentation complète relative à cette procédure est disponible sur le site web de l’IMANOR.
 

Monde


La modification du blé à l’origine de la maladie coeliaque?
 
Le blé produit et consommé actuellement au niveau international a subi de nombreuses manipulations génétiques depuis les débuts de l’agriculture il y a 10 à 15.000 ans. Ces manipulations ont été le fruit de sélections et de mutations naturelles pendant des milliers d’années. Mais depuis plusieurs dizaines d’années, l’Homme a opéré des modifications dans le génome des blés à l’aide de techniques de génétique qui ont donné naissance à de nouveaux blés.

« Ces changements se sont répercutés sur le taux de gluten entraînant ainsi son augmentation significative. C’est ce qui explique en partie l’augmentation au niveau international du nombre de personnes coeliaques ou sensibles au gluten », explique Dr Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie et vice-présidente de l’AMIAG.

Si des régions comme l’Afrique subsaharienne et l’Asie sont longtemps restées relativement épargnées par le phénomène grâce à leurs habitudes culinaires locales, la transformation des modes de consommation à travers la diffusion mondiale des aliments contenant du gluten, associée aux facteurs prédisposant à la maladie, est à l’origine de l’émergence généralisée de la maladie coeliaque.

À l’heure actuelle, le seul remède médical à cette maladie consiste en un régime alimentaire à vie qui tend à bannir le gluten non seulement dans toutes les denrées à base de blé, seigle et orge comme le pain et les pâtes, mais aussi dans un nombre très important de produits issus de l’industrie agroalimentaire.
 

3 questions à Jamila Cherif, présidente de l’AMIAG


« La vie des coeliaques dépend d’un régime sans gluten et les prix très élevés des produits impactent les budgets des personnes qui souffrent de cette condition »
 
Présidente de l’Association Marocaine des Intolérants et Allergiques au Gluten (AMIAG), Jamila Cherif répond à nos questions sur l’accès aux produits sans gluten sur le marché marocain.


- Votre association avait oeuvré pour une réduction des taxes douanières des produits « sans gluten ». Y a-t-il eu une réponse favorable à vos demandes ?

- Malheureusement non. À ce jour, il n’existe aucune différenciation en termes de taxes ou de droits douaniers concernant les denrées et matières premières sans gluten qui sont importées au Maroc. Pourtant, la vie des coeliaques dépend d’un régime quotidien sans gluten et les prix très élevés des produits impactent énormément les budgets des personnes qui souffrent de cette condition, surtout qu’une très grande partie d’entre elles ne dispose pas de revenus suffisants pour acheter ces produits.


- Existe-t-il, selon vous, d’autres mesures qui peuvent aider les coeliaques à atténuer l’impact des produits sans gluten sur leurs budgets ?

- Je pense qu’il est possible d’atteindre cet objectif à travers un système de subvention qui cible spécifiquement les personnes coeliaques. En France par exemple, les produits sans gluten sont étiquetés et les personnes diagnostiquées peuvent les ajouter dans un dossier médical dédié pour bénéficier d’un remboursement à hauteur de 70 euros par mois. Contrairement à une potentielle exonération des produits sans gluten, cette mesure est plus équitable dans le sens où elle permet de faire bénéficier en priorité les personnes dont la vie dépend de ce régime. L’autre avantage certain de ce genre de mesure est également de favoriser le dépistage.


- Pensez-vous que la mise en place du label national « Sans Gluten » permettra la croissance et la structuration du marché local dédié à ce genre de produit ?

- C’est en effet un rêve pour les personnes coeliaques de pouvoir trouver des produits labellisés à des prix accessibles et dont la disponibilité n’est pas limitée uniquement à des magasins spécialisés. Nous espérons que l’industrie agroalimentaire marocaine utilisera ce label pour certifier les produits qui sont à la base sans gluten autant que ceux qui proposent des alternatives aux produits qui en contiennent habituellement.



Recueillis par O. A.