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Marché du travail : Egalité femmes-hommes, une équation qui reste encore à résoudre


Rédigé par Saâd JAFRI Jeudi 4 Mars 2021

Malgré les efforts engagés par le Maroc depuis l’an 2000 pour assurer l’égalité du genre, les lacunes en matière de participation des femmes au marché du travail ne manquent pas. Eclairage.



Marché du travail : Egalité femmes-hommes, une équation qui reste encore à résoudre
Faible développement de l’emploi féminin dans le secteur tertiaire, un cadre juridique défavorable et une économie dont la structure ne favorise pas l’intégration de la gent féminine…, le moins que l’on puisse dire est que le Maroc a un long chemin à parcourir en matière d’égalité des genres dans le monde du travail. Dans une étude baptisée «Coûts économiques des inégalités de genre dans le marché du travail au Maroc», dévoilée mardi 2 mars, par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) et ONU Femmes et qui fera l’objet d’un séminaire vendredi, il est indiqué que malgré les avancées enregistrées en la matière, des défis persistent encore, particulièrement ceux liés à la faiblesse de l’accès des femmes aux opportunités économiques, induisant des pertes en points de croissance sous l’effet de la sous-utilisation de l’ensemble des potentialités humaines dont dispose le Maroc.

En effet, l’estimation des gains potentiels qui pourraient être générés moyennant la réduction des écarts de genre, en termes d’accès à l’activité, considérés comme des réserves de croissance économique jusque-là non encore utilisés, s’avère alors d’une grande utilité et particulièrement dans ce contexte marqué par une crise sanitaire sans précédent impactant considérablement l’autonomisation économique des femmes.

Tertiarisation, un bilan en deçà des attentes

Contrairement à la plupart des pays de la zone MENA, le développement de l’emploi féminin dans le secteur tertiaire au Maroc reste faible (soit environ un quart de la part des hommes dans les services en 2019). Cette part jugée faible, conjuguée à la baisse des niveaux de participation féminine à l’activité, génère une masculinisation dominante de l’emploi dans les services, indique l’étude. Il en découle que les activités tertiaires, particulièrement dans le milieu rural, marqué par la dominance de l’agriculture, n’exercent pas encore d’effet de rééquilibrage en faveur de l’emploi des femmes, à l’instar de plusieurs pays et régions du monde. En effet, la part de l’agriculture dans l’emploi féminin rural est prépondérante avoisinant près de 93% en 2019, selon les derniers chiffres officiels.

Pour ce qui est de la part de l’agriculture dans l’emploi des hommes dans le milieu rural, elle a enregistré une baisse, passant de 75,1% en 1999 à 61,9% en 2019. Ces tendances influencent fortement le comportement de la population active occupée totale, marquée par une prédominance de l’agriculture pour les femmes qui en 2019 frôlait les 50% et, pour les hommes, une diminution de la part de l’agriculture, passant de 40,6% à 28,3% au profit des services.

Toutefois, la donne change dans le milieu urbain, où l’emploi féminin est caractérisé par une forte progression de la part des services (passant de 54,1% en 1999 à 71% en 2019) au détriment de l’industrie. Quant à la part des services dans l’emploi urbain des hommes, elle a affiché une légère augmentation de 1,6 point pour se situer à 64,4% en 2019. 

Dans le même contexte, l’examen du positionnement du Maroc par rapport à plusieurs pays en termes des niveaux d’inégalité de genre enregistrés en matière d’accès à l’activité et à l’emploi, en relation avec les performances socio-économiques (PIB/tête) et avec d’autres indicateurs de développement, confirme ces constats. En effet, selon l’étude DEPF/ONU Femmes, « les comparaisons internationales effectuées dans ce cadre indiquent que le taux d’activité des femmes au Royaume est bien inférieur au niveau qui devrait être atteint en rapport avec le niveau de développement actuel du Maroc ».

Les mille et une contraintes

Cela dit, l’étude s’est appuyée sur une analyse multivariée pour cerner davantage les facteurs déterminant l’accès des femmes à l’activité. Il en ressort que les facteurs démographiques, plus particulièrement le statut matrimonial (célibataire, divorcée ou veuve) et le statut socioéconomique du conjoint déterminent de façon significative la décision liée à la participation des femmes au marché du travail.

Les contraintes familiales, en l’occurrence le nombre d’enfants à charge, constituent également un obstacle important orientant la décision des femmes d’intégrer le marché du travail. Ces mêmes contraintes sont largement à l’origine du recours des femmes à l’activité afin d’accéder à des sources de revenus additionnels, précise-t-on.

Dans le même ordre d’idée, la même source souligne que plusieurs autres obstacles jugés principaux et d’autres complémentaires peuvent être à l’origine de la faible participation des femmes au marché du travail, en l’occurrence les normes liées au genre, le cadre juridique, la structure de l’économie et le capital humain. Ces facteurs influencent à la fois l’offre et la demande de travail.

Pour ce qui est de l’effet de l’éducation sur l’accès des femmes à l’activité, les analyses effectuées font état d’effets contrastés en fonction des secteurs d’activité. Ainsi, les niveaux d’éducation du primaire au secondaire collégial exercent un effet positif sur la probabilité de l’emploi des femmes dans l’industrie. Selon l’étude, le statut dominant des femmes employées dans l’industrie est le statut d’ouvrier (généralement sans qualification). Cependant, l’accès au niveau d’études supérieures impacte négativement la probabilité de l’emploi des femmes dans ce secteur. Par contre, l’accès aux études qualifiantes et supérieures impacte positivement la probabilité de l’emploi des femmes dans le secteur des services.

Plus de 5% de PIB à gagner !

Par ailleurs, l’analyse de la DEPF et ONU Femmes met en exergue le fait que la prise en compte des inégalités de genre en termes d’accès à l’éducation et par ricochet d’accès au marché du travail, aurait des gains significatifs en termes de points de croissance (voir repères). Il en ressort qu’en réduisant ne serait-ce que le quart de l’écart des niveaux d’activité entre les hommes et les femmes, cela conduirait à une hausse du PIB par tête variant entre 5,7% et 9,9%.

Une réduction complète de l’écart d’emploi entre les femmes et les hommes, en éliminant les barrières à l’activité des femmes, y compris celles liées à l’éducation, induirait une hausse du PIB par habitant de 39,5%. La progression du PIB par habitant serait de 22,8%, en procédant uniquement à l’élimination des barrières à l’activité des femmes sans prendre en compte celles empêchant un accès équitable des jeunes filles et des femmes à l’éducation.

A ce gain économique potentiellement mobilisable s’ajoutent les effets induits sur le plan social, voire sociétal, et qui seraient de nature à impulser la dynamique de développement d’ensemble du Maroc. La mise en place d’une stratégie globale et intégrée est donc de mise de sorte à réduire le fossé abyssal entre les hommes et les femmes qui coûte cher au Maroc.

Saâd JAFRI

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Repères

Benchmark international 
L’analyse des tendances à long terme marquant l’évolution à l’échelle internationale du taux de participation des femmes au marché du travail fait ressortir trois groupes de pays :
• Les pays de la zone MENA, dont le Maroc, qui comptent parmi les taux d’activité féminine les plus faibles au niveau mondial (entre 20% et 30%) ;
• Les pays à faible revenu ou revenu intermédiaire avec des taux entre 40% (Asie) et 55% en moyenne (Amérique Latine et Afrique) ;
• Les pays avancés (avec des taux supérieurs à 70% en majorité).
Quant à la part d’emploi vulnérable dans l’emploi féminin total à l’échelle mondiale, elle suit une tendance baissière, mais elle demeure toutefois élevée dans certains pays, dont le Maroc (avec une part qui est passée de 70% en 1990 à près de 60% en 2017).
Relation entre la croissance et la participation des femmes au marché du travail
Généralement, l’hypothèse répandue sur la relation à long terme entre développement économique et participation des femmes au marché du travail est une hypothèse fondée sur une relation sous forme de U (Goldin, 1995) décrite comme suit:
• Diminution de la participation des femmes, au cours des premiers stades du développement économique des pays, en raison des changements structurels de l’économie marqués par le passage d’une société agricole à une société industrialisée;
• Augmentation par la suite de la participation des femmes lorsque les pays deviennent des économies modernes avec des taux de fécondité qui baissent et des taux d’éducation des femmes qui s’accroissent.
Une telle relation en U est systématiquement vérifiée pour des comparaisons inter-pays (données en coupe), y compris au sein de la région MENA.








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