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Marché du travail : Des insuffisances qui creusent le fossé des inégalités


Rédigé par Hiba CHAKER Mardi 18 Janvier 2022

Le marché du travail marocain, profondément inégalitaire, est le reflet des insuffisances de la trajectoire de croissance actuelle et d’une société peu inclusive, qui marginalise femmes et jeunes. C’est ce que révèle un Policy paper d’Oxfam. Détails.



Dans son nouveau Policy paper intitulé : « Le marché du travail au Maroc : défis structurels et pistes de réforme pour réduire les inégalités », Oxfam Maroc pointe le problème d’inégalités qui conforte ainsi une réalité déjà inquiétante sur le marché du travail marocain caractérisé par une forte précarité, en lien avec la prépondérance de l’informalité.

Le document révèle que « l’emploi informel se concentre dans les secteurs les plus précaires : Le commerce (53%), en particulier le micro-commerce ambulant et de rue, dans le cadre d’auto-emploi (marchands ambulants et autres)», indique le rapport. Ce secteur regroupe des jeunes, des personnes migrantes, des femmes, des enfants et des personnes déscolarisées.

1 jeune sur 4 est en chômage

Dans le détail, Oxfam rapporte que « les jeunes urbains subissent un chômage massif malgré l’allongement progressif de la scolarisation ». Il ajoute même qu’au sein des 15-24 ans, « le taux de chômage concerne près d’un jeune sur 4 (24% en 2019) et suit une tendance haussière ces dernières années ». En effet, les personnes de cette tranche d’âge résidant en ville sont affectées par un taux de chômage entre 3 et 4 fois plus élevé que la population marocaine (38% en 2019 et jusqu’à 42% en 2017).

Le chômage des 25-34 ans est également plus élevé que celui du reste de la population puisqu’il touche environ 15% de la population active de cette classe d’âge. « Parmi les 25-34 ans urbains, près d’un jeune sur 5 est touché par le chômage », estime Oxfam.

Pour Hiba El Khamal, responsable du programme Justice économique et environnementale : « l’impact immédiat de la crise Covid-19 sur le marché du travail marocain a renforcé ses faiblesses préexistantes. Les destructions d’emplois, ainsi que les emplois qui n’ont pas été créés, contribuent à l’augmentation de l’inactivité, déjà massive, et du chômage. Par conséquent, les conditions d’existence de nombreux Marocains devraient en être dégradées. Selon les dernières estimations de la Banque mondiale, le taux de pauvreté aurait augmenté de 1,3 point lors de la crise Covid-19, passant de 5,8% de la population en 2019 à 7,1% en 2020. Concrètement, cela signifierait que près de 470.000 Marocains seraient devenus pauvres en 2020».

Une sous-création des emplois

Le rapport sur « Le marché du travail au Maroc : défis structurels et pistes de réforme pour réduire les inégalités » précise que les créations d’emplois sont insuffisantes pour absorber l’augmentation de la population en âge de travailler.

La population marocaine a augmenté de 7,7 millions de personnes entre 2000 et 2020, soit une hausse annuelle moyenne de 383.400 de personnes. La population en âge de travailler a crû d’environ 7,5 millions de personnes, correspondant à une hausse moyenne d’environ 370.000 personnes.

Par conséquent, 186.000 personnes environ, gonflent, chaque année, en moyenne, sur les deux dernières décennies le groupe des inactifs. Autrement dit, le marché du travail marocain aurait dû créer, en moyenne, environ 280.000 emplois par an. Toutefois, seulement 90.000 ont été créés, conduisant, une part, toujours plus importante de la population à l’inactivité. Les femmes demeurent par ailleurs surreprésentées dans les secteurs où l’emploi est précaire et les conditions de travail plus difficiles : agriculture, travail domestique, textile-habillement et économie informelle, en général.

Pour Abdeljalil Laroussi, Responsable de plaidoyer et campagne « Au Maroc, la moitié de la fenêtre démographique s’est déjà refermée et le pays n’a pas su bénéficier de cette opportunité. Les insuffisances du marché du travail sont en effet trop importantes pour entraîner une hausse rapide et soutenable du PIB par habitant et pour inclure les populations les plus vulnérables ».

Employé et en précarité !

Selon Hiba Khamal, la prégnance de l’informalité est telle qu’occuper un emploi n’est pas une condition suffisante pour échapper à la précarité. En 2020, plus de trois actifs employés sur quatre (75,2%) au Maroc ne disposaient pas de couverture sociale liée à son emploi. Ce chiffre alarmant se contracte néanmoins progressivement puisqu’en 2000 l’informalité concernait près de 87% des actifs occupés. En ville, la part des emplois informels est de 63% tandis que l’immense majorité des emplois en zone rurale sont informels (92%).

En effet, de nombreux emplois agricoles sont réalisés sous le statut d’aides familiales, bien souvent non rémunérés ou revêtant un caractère saisonnier, maintenant ainsi les ouvriers et ouvrières dans un cycle de précarité. De plus, alors que les discriminations envers les femmes sont particulièrement prégnantes au Maroc, la marginalisation de celles-ci sur le marché du travail -notamment des emplois formels- vient accroître les inégalités, en rendant plus difficile l’accès aux soins et à la retraite.

Pour la réduction des inégalités

Des mesures fortes et urgentes s’imposent pour répondre à la crise des inégalités et d’injustice sociales. Pour cela Oxfam Maroc propose que la généralisation de la protection sociale soit un moyen d’infléchir les inégalités femmes-hommes. Mieux, elle insiste pour que soit découplé l’accès à une couverture sociale de l’occupation d’un emploi qui est à même de servir l’amélioration des conditions de vie des femmes marocaines.

Autre point, le rapport préconise de protéger l’emploi, surtout les PME et TPE, à travers un plan ciblant prioritairement les jeunes et les femmes : mettre en place un plan de formalisation de l’activité économique, mais aussi améliorer la flexibilité des procédures administratives et investir dans les programmes d’accompagnement et de mentorat post-création tout en instaurant des abattements fiscaux pour les entreprises pour l’embauche de jeunes en CDI.



Hiba CHAKER

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Marché du travail : Des insuffisances qui creusent le fossé des inégalités

Maroc-Portugal


Signature d’un accord pour l’emploi et le séjour des travailleurs marocains
 
Le ministre d’État portugais des Affaires étrangères, Augusto Santos Silva, et le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger du Royaume du Maroc, Nasser Bourita, se sont entretenus hier par vidéoconférence et ont signé un accord encadrant l’employabilité et le séjour des travailleurs marocains au Portugal.

Suite à cet accord, les autorités portugaises devraient maintenant définir les procédures d’entrée et de séjour des citoyens marocains qui souhaitent travailler au Portugal. En outre, par cet accord, les deux pays visent à créer une coopération plus efficace ainsi qu’à faciliter la migration régulière du Maroc vers le Portugal.

En dehors de ce qui précède, il a été révélé que l’accord signé comprend également des règles et des procédures concernant la sélection des travailleurs qui peuvent se rendre au Portugal et y travailler notamment les règles sur le regroupement familial et les conditions de travail et de formation.
 

Sexe contre notes


Un professeur écope de deux ans de prison
 
Le professeur universitaire de Settat, poursuivi pour «attentat à la pudeur avec violence» dans une affaire de chantage sexuel visant des étudiantes en échange de bonnes notes, a été condamné à deux ans de prison ferme. Il s’agit du premier verdict prononcé dans le cadre du scandale connu sous le nom de «sexe contre bonnes notes», qui éclabousse l’institution universitaire.

Enseignant en sciences économiques à l’université Hassan Ier de Settat, ce professeur en détention préventive a été reconnu coupable d’«attentat à la pudeur», «violence» et «harcèlement sexuel» devant la Chambre criminelle de la cour d’appel de cette ville proche de Casablanca. L’une des plaignantes a renoncé à toute poursuite judiciaire en échange d’un dédommagement de 70.000 dirhams. Quatre autres professeurs d’université, dont deux sont en liberté provisoire, doivent comparaître jeudi dans le cadre du même scandale. Ils font face à de lourdes charges: «incitation à la débauche», «discrimination fondée sur le genre», «violence contre des femmes»...

En raison du scandale, le doyen de la faculté de droit et d’économie de Settat a démissionné fin novembre. L’affaire dite du «sexe contre des bonnes notes» a été relayée en septembre par des médias locaux après la diffusion sur les réseaux sociaux de messages à caractère sexuel échangés entre un des professeurs poursuivis et ses étudiantes. D’autres scandales similaires ont éclaté récemment.

 

3 questions à Hiba El Khamal, responsable du programme Justice économique et environnementale à Oxfam Maroc

Marché du travail : Des insuffisances qui creusent le fossé des inégalités


«Les indicateurs du marché du travail marocain demeurent aujourd’hui alarmants, tant sur le plan quantitatif que qualitatif»
 
 
- Vous décrivez dans votre dernier policy paper un marché de travail marocain profondément inégalitaire, quelles sont les principales raisons qui creusent ces inégalités selon vous ?

- Le marché du travail n’est qu’une composante de l’économie et n’est pas autonome des autres dynamiques. Les indicateurs du marché du travail marocain demeurent aujourd’hui alarmants, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. En raison de l’essoufflement du modèle de croissance, le nombre d’emplois créés est insuffisant et l’inactivité augmente.


- Dans quelle mesure les propositions sont réalisables dans ces conditions assez difficiles ?

- D’abord, nous considérons que le fonctionnement du marché du travail marocain ne pourra être amélioré sans une plus grande disponibilité et transparence des données de la part de l’ensemble des acteurs économiques à savoir principalement le Haut-Commissariat au Plan, la Caisse nationale de sécurité sociale, l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail et le ministère de l’Economie et des Finances.

Oxfam salue et suit avec beaucoup d’intérêt le chantier de généralisation de la couverture sociale. Cette réforme doit permettre de pallier l’importance du secteur informel et au nombre trop élevé de travailleurs ne bénéficiant d’aucun système de sécurité sociale, mais elle peut aussi être un moyen d’infléchir les inégalités.

Enfin, l’État devrait oeuvrer pour la formalisation des emplois à travers, entre autres, l’encouragement des entreprises par le biais d’incitations financières, comme la prise en charge du coût de la formalisation pendant les premières années, ainsi que par la contrainte des entreprises résistantes à travers des pénalités financières.


- Le gouvernement vient de lancer les programmes awrach et forsa pour soutenir l’employabilité des jeunes surtout. Pensez-vous que ces programmes pourront diminuer l’injustice sociale ?

- Oxfam salue les efforts du gouvernement pour faire face à cette situation. Le programme Awrach pourrait potentiellement offrir une source de revenu à 250.000 Marocains impactés par la crise.

Néanmoins, nous questionnons la viabilité de ce modèle puisqu’il se donne pour objectif de créer des opportunités de travail ponctuelles et ne répond pas aux problématiques structurelles auxquelles fait face le marché du travail.

L’intégration des jeunes au marché du travail ne pourra pas se faire sans l’amélioration de la qualité des formations post baccalauréat, notamment en les rapprochant des besoins du secteur privé, et en multipliant par exemple les stages rémunérés ; l’investissement dans les secteurs d’activité pour lesquels le Maroc dispose d’ores et déjà d’une main d’oeuvre qualifiée etc.


Recueillis par Hiba CHAKER

 








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