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Culture

Magazine : Mostafa Derkaoui, retour d’âme


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 17 Avril 2022

Après une absence qui n’a que trop duré, le cinéaste se prépare au tournage de son douzième long métrage « Hmida Ejayeh ». La commission d’aide à la production vient de lui octroyer une avance sur recette de quatre millions deux cents mille dirhams. Le film rompt un silence entamé en 2004. Retour sur un cheminement marqué par la censure en 1974 de son premier essai « De quelques évènements sans signification ».



Mostafa Derkaoui, c’est le cinéma dans le cinéma.
Mostafa Derkaoui, c’est le cinéma dans le cinéma.
LA nouvelle ! La bonne, cela s’entend. «Le cinéaste le plus doué de sa génération» (dixit feu Nour-Eddine Saïl) est de retour pour faire revivre un scénario mis en sourdine depuis 2007, année où le Festival international du film de Marrakech lui rend hommage.

Terrassé par une maladie survenue quatre ans auparavant, Mostafa Derkaoui se sent apte à braver le destin et reprendre son siège de réalisateur. Mais la volonté qui surclasse la réalité est vite altérée. Le cinéaste aux onze longs métrages se rend à cette douloureuse évidence et continue «à penser et à produire». L’homme de théâtre et de cinéma Nabil Lahlou lui rend hommage en février 2019 (Article19.ma).

Extrait : « Mostafa Derkaoui demeure à mes yeux un grand metteur en scène de cinéma dont l’univers filmique n’a jamais été exploré, faute de moyens. Victime d’une crise cardiaque en 2003, il n’a jamais perdu l’espoir de réaliser de nouveaux films, comme a pu le faire Michelangelo Antonioni, dix ans après avoir été frappé par un AVC qui le paralysa partiellement et le priva définitivement de l’usage de la parole. Ainsi, son nouveau film : ‘Par-delà les nuages’ présenté à la Mostra de Venise en 1995, en présence du président de la République Italienne, relevait tout simplement d’un miracle cinématographique antonionien (…) Quant à Mostafa Derkaoui, il n’a trouvé auprès de ses nombreux amis que de loyaux et fidèles volontaires pour pousser sa chaise roulante, le conduisant d’un festival à un autre festival, d’un hommage à un autre hommage. C’est éprouvant pour le moral du créateur, condamné à attendre quand il va dire ‘Moteur’. »

Cette année-là, 2019 donc, Mostafa Derkaoui est invité par le festival de Berlin qui organise la projection de son premier détonnant long métrage «De quelques évènements sans signification» censuré à sa sortie en 1974 par quelques poètes sans expansion. Le négatif du film est déterré par le cadet de Mostapha, le directeur de la photographie et réalisateur Abdelkrim Derkaoui, avec le concours déterminant de Léa Morin, animatrice de l’atelier cinéma de la Faculté casablancaise d’Aïn Chok. La restauration est prise en charge par un laboratoire espagnol. Le film est également projeté lors de l’ouverture de la 20e édition du Festival national du film de Tanger. Une oeuvre d’avant-garde, respirant la liberté, mêlant cinéma et public dans un Maroc où fleurit la persécution. Mostafa Derkaoui et son équipe de créateurs de tous bords (comédiens, artistes-peintres, musiciens…), rassemblée pour les besoins de « De quelques évènements… » et agrémentée de la présence d’acteurs piochés parmi les passants, sont à la recherche d’un thème de scénario. Du cinéma dans le cinéma.

« Nous voulons habituer les gens à voir le cinéma autrement, nous voulons aussi opérer notre rééducation, celle de notre regard et de notre sensibilité. Un film qui se fait avec et devant tout le monde (…) Le travail que nous faisons se veut un travail d’initiation collective », explique le cinéaste en avril 1974 sur les colonnes de la revue culturelle Intégral fondée en 1971 par le poète Mostafa Nissaboury, l’écrivain Tahar Ben Jelloun et l’artiste-peintre Mohammed Melehi. L’approche ainsi développée par Mostafa Derkaoui demeure le socle de sa vision cinématographique à travers les années et les décennies.

En réalisant son premier long métrage, il dit ne pas vouloir s’attaquer d’emblée à la fiction mais « investir le cinéma par des moyens qui me permettraient de mieux connaître son fonctionnement et, dans la mesure du possible, d’en faire connaître les rouages au public lui-même », comme le rapporte le journaliste et cinéaste Fouad Souiba en 1995 dans Un siècle de cinéma au Maroc : 1907-1995.

Longue et belle aventure

Mostafa Derkaoui passe une année à Paris à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC). Il intègre en 1965 l’école de cinéma de Lodz en Pologne et y obtient un diplôme en réalisation. En 1974, il fonde avec son frère Abdelkrim, également lauréat de l’école de Lodz, et Laârbi Belaâkaf la société Basma Production avant de s’engager dans l’aventure inédite de «De quelques évènements sans signification».

Quelque années plus tard, il participe au projet collectif « Les Cendres du clos » (Rmad Zriba), un film regroupant les réalisateurs Abdelkader Lagtaâ, Mohamed Reggab, Saâd Chraïbi, Abdelkrim Derkaoui, Nour-Eddine Gounejjar et Laârbi Belaâkaf avec les acteurs Mohamed El Habachi et Ahmed Naji. C’est alors le début d’une longue et belle aventure.

Entre 1982 et 2004, Mostafa Derkaoui est aux commandes de « Les beaux jours de Shéhérazade » (Naïma Elmecharqui, Meriem Fakhreddine, Abdewahab Doukkali, Farid Belkahia), « Titre provisoire » (Touria Jabrane, Aziz Saâdallah, Larbi Batma, Omar Sayed), « Fiction première » (Saïda Boumenjel, Mohamed Miftah, Khadija Nour, Souad Bouazizi, Abderrahim Bargache), «Le doux murmure du vent après l’orage », « Les sept portes de la nuit », « La grande allégorie », « Les amours de Haj Mokhtar Soldi », « Casablanca by Night », « Casa Day Light ».

Dans le tas de ces productions, Mostafa Derkaoui interroge le cinéma en lui administrant des contre-pieds, chamboulant le cours de ce que l’oeil et l’esprit ont l’habitude de consommer. Le côté philosophe du cinéaste ose d’infinies brèches dans lesquelles se glissent des visions parallèles, celles du film dans le film. Avec ce douzième long métrage, « Hmida Ejayeh », Derkaoui conte les pérégrinations d’une personne qui quitte un monde pour un autre. Fatal ? Ainsi, l’âme en écharpe, Mostafa garde le coeur en bandoulière.



Anis HAJJAM



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