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Culture

Magazine : L’art, ce présent qui se conjugue au passé


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 3 Juillet 2022

Il y a ceux qui critiquent car c’est leur métier et ceux qui s’expriment parce que ça les touche. Ainsi vont deux approches face à des oeuvres d’art et à l’endroit de ceux qui les créent. Dans le lot, une palette de fraîches touches qui tutoie plus la vallée de l’oubli que l’oasis de la reconnaissance. Plongée dans une mer variablement agitée.



OEuvre de Abbès Saladi.
OEuvre de Abbès Saladi.
Troublés et déstabilisés par ce qui s’écrit sur l’art, nous aurions pris une décision qui ne nous aurait jamais fait plaisir. A longuement réfléchir, nous serions arrivés au suivant constat : ne plus nous mêler d’art. Nous qui ne nous sommes jamais pris pour des critiques d’art en le criant SOUS tous les toits, nous nous retirerions de ce monde où la référence et la comparaison demeurent maîtresses dans un univers qui pousse à la création avec nouvelles convictions et propres aspirations ? Oui, cela aurait été douloureusement tentant. Seulement… Nous avons vu et vécu, nous avons écouté aussi.

Cela remonte au début des années 1980 avec des créateurs comme Kacimi, Labied, Mghara, Saladi, Bennani, Tallal, Hamidi et autres « stars » telles Belkahia, Chabaâ, Melehi… Actuellement, ces noms sont toujours en mouvement. Pourquoi ? Parce que les frileux tablent sur les « valeurs sûres » dont les oeuvres présentées rapportent, qu’elles soient authentiques ou fausses.

Aujourd’hui, depuis plusieurs années, nous nous battons pour l’insouciance créative d’une génération qui marque un temps aux lendemains truffés de promesses et d’une autre qui secoue déjà des signatures bien installées. Bizarrement, voilà : les plumes qui accompagnent dans les colonnes des catalogues ces « nouveaux venus » sont obligées de les renvoyer à leurs études et fatalement à leurs bases d’inspirations. Ces artistes du renouveau sont alors réduits à ne jamais être eux-mêmes. Cela ne se case que dans la niche de l’offuscation.

Qui ne s’est jamais inspiré pour se révéler et évoluer, scruter pour développer sa propre vision ? Le critique ainsi établi est plus là pour faire étal de ses références que pour décortiquer le travail de l’artiste qu’il est en charge de présenter. A ceci, un trouble constat : comme le professeur de chant est un chanteur approximatif, le critique d’art est un artiste inabouti. Pourtant, les deux fonctionnent en maux nécessaires.

Collectionneurs parvenus

Paradoxalement, l’art contemporain est sur toutes les langues, celles qui y adhèrent et d’autres qui suivent la foule maigrichonne de fait et gonflée de surfait de sa véritable existence. Quant aux installateurs, ils doivent être convaincus qu’ils n’ont pas encore déversé tout le stock de leurs larmes. Ils demeurent les malheureux pans d’un art dit de référence, celui qu’on touche et qu’on ajuste par moments à l’ambiance de son chez-soi : toiles, toiles, toiles et sculptures pas trop imposantes. On n’est plus dans l’art mais dans la décoration intelligemment débraillée, grossièrement culturelle.

Nous croisons parfois lors de vernissages des collectionneurs parvenus qui nous demandent de trancher pour eux entre deux oeuvres. C’est dire… Et ces deux dames qui s’émerveillent en louant la beauté de la galerie en lui soustrayant les oeuvres accrochées ! Nous pensons également aux créateurs Street-art longtemps combattus par les villes qui les « subissent » à travers le monde et qui les condamnent en recourant à la justice. Pourchassés de toutes parts, ils n’omettent pas d’emprunter des noms de guerre, des pseudonymes.

Depuis quelque temps, ils sont les vedettes d’une expression jadis frénétiquement rejetée. Ils deviennent subitement des artistes prisés par les galeries et les musées. Récemment et avec une naïve solennelle sortie, la galerie L’Atelier 21 de Casablanca parle, à travers l’exposition collective « La ville devant soi », de l’art urbain qui fait « enfin » son entrée dans un espace fermé. « Qu’à Dieu ne déplaise », nous serions-nous offusqués !

Un mécénat non avoué

Que demandons-nous ici dans ce brouhaha de questionnements ? Une attention à l’endroit de créateurs qui ne répondent pas forcément aux critères de l’artiste établi par une junte de marchands et de galeristes devenus décideurs de ce que veut le marché.

Cette frange est sans pitié pour le nouveau souffle, pour le lendemain d’un art qui ne s’arrête jamais d’évoluer, sinon on l’aurait su. Ce qui ne s’arrange pas avec la multiplication des ventes aux enchères de pièces d’antan, autrement grandement légitimes et facteurs d’appuis aux créations d’artistes emblématiques souvent six-pieds-sous-terre.

Il est vrai qu’un Matisse, qu’un Modigliani, qu’un Picasso ou autres n’avaient pas besoin qu’un ministère de la Culture les soutiennent. Seulement, un mécénat non avoué les accompagnait. D’autres ne deviennent célèbres et cotés qu’après leur mise en terre. Pensons à ces artistes qui sont plus intéressants vivants que morts. Après, ils ne produisent que par le talent du faussaire.



Anis HAJJAM







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