A plus de quatre-vingts ans dont soixante dédiés à l’art, l’artiste évite toujours de se regarder dans une glace, étant lui-même le miroir de ce qui jaillit de ses entrailles. Discret, il pousse des cris silencieux, ceux qui racontent des histoires écrites par le geste suggéré plus qu’explicité. Hamidi est dans la sensualité, l’érotisme. Seulement, culturellement, il est freiné par une mentalité qui pousse à l’imagination extrême, au contournement des tabous. Avant lui, d’autres expressions artistiques subissaient le même sort, le melhoun en tête dont les comtes d’amour sont imagés à outrance. Du coup, la parade prend forme. Végétation, volatiles et différentes formes poético-sexuelles sont appelés à la rescousse, remplaçant avec cœur de véritables représentations chères à celui qui rêve à ses débuts du nu qu’il pratique au poil. Une nudité qu’il décompose, livre à la vue d’un public invité à la restituer, esthétiquement si affinité.
Voilà qui tend vers le « décoratif » draguant la profondeur d’un corps dont les ébats font débat. Hamidi garde de cette période une forme criante d’hypocrisie, d’une simagrée ambiante. Avec une retenue à peine voilée, l’artiste brave l’interdit et ose le phallique « nauséabond », pourtant source de vie. D’une main de maître, Mohamed Hamidi enlace l’âme, se défait d’elle, lui fait de nouveau la cour. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’il risque de baisser pavillon même s’il continue à flirter avec le « no pain no gain ». L’homme, féru de couleurs qu’il déploie sous différents tons, est un incorrigible explorateur. Sorti momentanément de ses préoccupations premières et éternelles, il plonge dans les méandres de l’Afrique dans les années 1980, convoquant masques et signes. Il y cligne de l’œil à Farid Belkahia, son vieil ami de lutte contre l’incarcération de l’art marocain dans le carré naïf cher à un Occident géré par l’étiquetage et frileux face au développement de nouvelles sensibilités de création et de mise à l’épreuve sudnord.
Ceci a lieu en 1969 lorsqu’une poignée d’enseignants à l’Ecole des Beaux-arts de Casablanca rejoints par d’autres plasticiens d’un mouvement nouveau se donnent rendez-vous sur la place Jamaâ El Fna à Marrakech, scellant ainsi un manifeste historique : Belkahia et Hamidi, Hafid et Chabaâ, Melehi et Ataallah. L’émergence veut devenir ancrage, révoquant « le tout dans un même sac » au profit d’interventions individuelles. L’Ecole dite de Casablanca en découle et voit s’arrimer à ses revendications d’autres futurs grands noms de l’univers plastique marocain. Hamidi et quelques-uns de ses compagnons militants sont repérés et consacrés, Mohamed Kacimi dans le sillage. Aujourd’hui, cette belle et riche rétrospective renvoie à l’histoire, au songe et à la réhabilitation de ceux qui ont lutté pour que la suite soit féconde. Hamidi partage ainsi toute une période, tout un cheminement où ses camarades de l’époque -morts ou vivants- souhaitent la bienvenue aux nouveaux venus. Un cœur grand comme ça est une leçon non académique de ce qu’est le vivre ensemble artistique. Nous ne sommes pas dans l’adversité, plutôt dans la compréhension avec toute sa complexité.
Voilà qui tend vers le « décoratif » draguant la profondeur d’un corps dont les ébats font débat. Hamidi garde de cette période une forme criante d’hypocrisie, d’une simagrée ambiante. Avec une retenue à peine voilée, l’artiste brave l’interdit et ose le phallique « nauséabond », pourtant source de vie. D’une main de maître, Mohamed Hamidi enlace l’âme, se défait d’elle, lui fait de nouveau la cour. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’il risque de baisser pavillon même s’il continue à flirter avec le « no pain no gain ». L’homme, féru de couleurs qu’il déploie sous différents tons, est un incorrigible explorateur. Sorti momentanément de ses préoccupations premières et éternelles, il plonge dans les méandres de l’Afrique dans les années 1980, convoquant masques et signes. Il y cligne de l’œil à Farid Belkahia, son vieil ami de lutte contre l’incarcération de l’art marocain dans le carré naïf cher à un Occident géré par l’étiquetage et frileux face au développement de nouvelles sensibilités de création et de mise à l’épreuve sudnord.
Ceci a lieu en 1969 lorsqu’une poignée d’enseignants à l’Ecole des Beaux-arts de Casablanca rejoints par d’autres plasticiens d’un mouvement nouveau se donnent rendez-vous sur la place Jamaâ El Fna à Marrakech, scellant ainsi un manifeste historique : Belkahia et Hamidi, Hafid et Chabaâ, Melehi et Ataallah. L’émergence veut devenir ancrage, révoquant « le tout dans un même sac » au profit d’interventions individuelles. L’Ecole dite de Casablanca en découle et voit s’arrimer à ses revendications d’autres futurs grands noms de l’univers plastique marocain. Hamidi et quelques-uns de ses compagnons militants sont repérés et consacrés, Mohamed Kacimi dans le sillage. Aujourd’hui, cette belle et riche rétrospective renvoie à l’histoire, au songe et à la réhabilitation de ceux qui ont lutté pour que la suite soit féconde. Hamidi partage ainsi toute une période, tout un cheminement où ses camarades de l’époque -morts ou vivants- souhaitent la bienvenue aux nouveaux venus. Un cœur grand comme ça est une leçon non académique de ce qu’est le vivre ensemble artistique. Nous ne sommes pas dans l’adversité, plutôt dans la compréhension avec toute sa complexité.
Modernité post-coloniale
Dans le viseur de Hamidi, il y a cette toile immaculée qu’il s’empresse à faire frémir par le vacarme d’un sujet qui habite ses neurones des jours et des nuits durant. L’art n’est pas conditionné, cela s’entend. Il est aussi diurne que nocturne. Cette vie, ainsi vécue et transmise, nit par aimanter. Pour preuve l’acquisition de deux de ses œuvres par le Centre parisien George Pompidou. Dans une introduction, le conservateur de cet espace, critique d’art et professeur de l’art à l’Université de la Sorbonne, Michel Gauthier, écrit : « Mohamed Hamidi est l’un des peintres de l’Ecole de Casablanca, voilà ce que l’histoire pourrait se contenter de retenir, lui assurant ainsi une place de choix dans le récit, pluriel, d’une modernité post-coloniale. Pourtant, ce qui fait l’intérêt de son œuvre ne saurait se confondre totalement avec son exemplarité au sein du paradigme esthétique qu’a défini l'Ecole de Casablanca. Pour le dire autrement, Hamidi est peut-être moins vu aujourd'hui comme l'un des plus grands représentants de la- dite Ecole que comme le peintre qui a réalisé à l'extrême fin des années 1960 et au tout début de la décennie suivante une série d'œuvres dans la- quelle la superbe abstraction 'hardedge' caractéristique de l'Ecole se marie, dans des couleurs désormais plus vives, à l'exaltation d'une thématique organique et sexuelle. Assurément, la symbolique sexuelle n'est pas absente de la poétique de Belkahia et de Melehi, mais, dans la peinture que produit Hamidi durant ces années-là, elle prend une flagrance et un tour étonnants. »
En gardant en mémoire sa période cubiste traduite par un portrait de Pablo Picasso qu'il Braque, traits à main levée.
Anis HAJJAM