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Culture

MAGAZINE : Jimi Hendrix, d’ange heureux


Rédigé par Anis HAJJAM le Dimanche 28 Septembre 2025

Le musicien meurt il y a 55 ans. A 27 ans. A un âge où on cherche à s’affirmer comme master, le guitariste paraît avoir « dit » l’essentiel. Une carrière de quatre ans aura suffi à tout réinventer, tout chambouler. Meilleur guitariste de tous les temps, selon des publications spécialisées, Hendrix est fait en un seul et unique exemplaire. Ses contemporains parlent volontiers de lui avec dithyrambe. Génie sur terre, ange au royaume des cieux.



Le plus black des guitaristes est biberonné aux formes les plus anciennes de la musique noire.
Le plus black des guitaristes est biberonné aux formes les plus anciennes de la musique noire.
L’évoquer, c’est parler du pré-blues, un mélange de gospel et de tout ce qu’il a pu inventer. Mais il a d’abord beaucoup écouté les autres, ses autres, ceux qui ont façonné une oreille adorant se perdre dans les sons des formes anciennes de la musique noire, devenant ainsi le plus black des guitaristes. Quant à son jeu, un fracas continu et étourdissant, une limpidité crue et rugueuse. Dans son shaker, un cocktail où se bousculent des saveurs précieuses : B.B. King, Albert King, Wes Montgomery, Curtis Mayfield, Muddy Waters, Eric Gale, Bobby Womack… Les vieux enregistrements de John Lee Hooker et le Rhythm & Blues lui épatant le palais. Intrigué par John Hammond, il s’en approche et finit par le rejoindre sur scène pendant cinq jours à New York, au célèbre Gaslight Café. Mike Bloomfield, guitariste découvert en 1964 grâce à sa collaboration studio avec Bob Dylan sur l’enregistrement de l’album « Highway 61 Revisited », décrit le jeu d’Hendrix en 1966 : « La première fois que j'ai vu Jimi jouer, c'était avec Jimmy James & The Blue Flames. Je jouais avec Paul Butterfield et je pensais être le meilleur guitariste du coin ! Je n'avais jamais entendu parler d'Hendrix. Alors quelqu'un m'a dit : « Tu devrais aller écouter le guitariste de John Hammond. » J'étais au Cafe Au Go Go et il était au Nite Owl ou au Café Wha?, j'ai traversé la rue et je l'ai vu. Hendrix savait qui j'étais, et ce jour-là, en face de moi, il m'a désintégré. Des bombes H dégringolaient, des missiles téléguidés volaient dans tous les coins -je ne raconte pas les sons qui sortaient de sa guitare. Tous les sons que je devais l'entendre reproduire plus tard, il les a faits, dans cette pièce, avec une Strat, un Twin, une Maestro Fuzz-Tone, et c'est tout. Il jouait à un volume très poussé. » La même année, Jimi Hendrix rencontre au Central London Polytechnic quelqu’un qu’il respecte musicalement : Eric Clapton. Celui-ci vient de monter le trio Cream avec Ginger Baker et Jack Bruce. Etiqueté meilleur guitariste de blues anglais depuis son passage chez John Mayall, Clapton invite le musicien américain à les rejoindre sur scène pour la reprise de « Killing Floor » de Howlin' Wolf. Il conte plus tard : « Il a joué de la guitare avec les dents, derrière la tête, allongé par terre, en faisant le grand écart et d'autres figures. C'était stupéfiant et génial musicalement, pas uniquement un vrai feu d'artifice à contempler (…) Je pris peur, car, juste au moment où on commençait à trouver notre vitesse de croisière, voilà qu'arrivait un vrai génie. » Et critique envers sa propre musique, loin de l’attitude des stars du rock.
 

« Demandez à Rory Gallagher ! »
 

Avec une carrière à l’international d’à peine quatre années, Jimi Hendrix est qualifié de virtuose parmi quelques pairs triés sur le volet. Le magazine américain Time le range en 2009 à la tête des dix meilleurs guitaristes électriques de tous les temps. Rolling Stone le fait figurer à la première place des cent plus grands guitaristes dans les classements de 2003 et 2011. Pourtant, à la question posée par un journaliste : « C'est quoi être le meilleur guitariste du monde ? », Hendrix rétorque : « Je ne sais pas, demandez à Rory Gallagher ! » Assertion non vérifiée, comme celle de la rencontre du guitariste avec Abderrahmane Paco de Nass El Ghiwane à Essaouira. Dans les années 1960, Jimi s’entoure de deux musiciens anglais et forme The Jimi Hendrix Experience, le bassiste Noel Redding et le batteur Mitch Mitchell. Le premier raconte : « Mitch et moi avons beaucoup traîné ensemble, mais nous sommes anglais. Si on sortait, Jimi restait dans sa chambre. Mais toutes les dissensions sont venues de ce que nous étions trois gars qui voyageaient trop, se fatiguaient trop, et prenaient trop de drogue... J’aimais Hendrix. Je n’aime pas Mitchell. » Le second explique : « Avec Jimi, on avait parlé d’intégrer d'autres musiciens dans le groupe. Il y avait une pression de la part de Michael Jeffery (manager du groupe), car les managers voient loin. Je pense qu'il concevait toujours l'Experience tel quel avec Noel et moi. Mais Jimi voyait autre chose. » Il voit surtout la mort lui lancer des signaux : « Je ne suis pas sûr que j'atteindrai vingt-huit ans. Je veux dire qu'au moment où musicalement, je sentirai que je n'ai plus rien à donner, je ne serai plus de ce monde. » Sa mort à 27 ans, intervenant après celle de Robert Johnson, de Brian Jones des Rolling Stones et précédant celles de Janis Joplin, de Jim Morrison, de Kurt Cobain participe à l'invention du mythe du Club des 27, Amy Winehouse étant la dernière.

« Le plus grand musicien » selon B.B. King, aura marqué une multitude de noms déterminants. Neil Young avoue : « Pourquoi Jimi Hendrix est-il toujours présent ? Il était si bon. Il ne faisait qu'un avec son instrument. Personne d'autre n'a amené la guitare électrique à ce niveau, et surtout depuis. Il était à des coudées au-dessus de tous. Il était complètement parti. Si aquatique, développant ces belles choses à partir du ‘’feedback’’. Pour le dingue de guitare que je suis, il représentait le maximum. » Carlos Santana témoigne : « Très peu de gens jouent vite et intensément. La plupart jouent vite et vide. Mais Coltrane jouait vite et profond, tout comme Charlie Parker, et tout comme Jimi. » Pete Townshend des Who dit simplement : « S'il ne reste qu'un nom dans toute l'histoire du rock'n'roll dans cent ans, ne cherchez pas, ce sera forcément Jimi Hendrix. » Frank Zappa est plus dans la dérision, ayant une réputation à conserver : « Hendrix est un des personnages les plus révolutionnaires de la culture pop, musicalement et sociologiquement parlant. Le public féminin trouve Hendrix beau (peut-être un peu effrayant), mais en tout cas sexy. Le public masculin pense qu'il est un guitariste et un chanteur phénoménal. Les types semblent aimer le fait que leurs petites amies soient sexuellement attirées par Hendrix. Très peu sont froissés par son charme ou l'envient. Ils renoncent ou alors ils se payent une Fender Stratocaster, une pédale wah wah et quatre amplis Marshall. » Terminons sur une note de John McLaughlin : « Jimi m'a influencé, comme il a, je pense, influencé tous les guitaristes. Il était révolutionnaire. Et, tandis que nous expérimentions tous dans les années 1960 avec le ‘’feedback’’ et ces grands amplis, recherchant de nouvelles manières de jouer de la guitare électrique, avec la Stratocaster et le Marshall, Jimi a tout mis en place. Je veux dire, il a mis tout le monde sur sa voie. » Pendant que sur terre les hommages se poursuivent, l’astéroïde (4738) Jimihendrix est nommé en hommage au guitariste.
 
 







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