« Qu’est-ce qu’un auteur ? », se demandait Michel Foucault à la fin des années 70. La réponse ne semble pas couler de source et pour Roland Barthes l’auteur « naît en même temps que son texte ; il n’est d’aucune façon pourvu d’un être qui précéderait ou excéderait son écriture ». Michel Foucault ajoute encore dans un effort d’élucidation que l’auteur n’est en somme qu’une fonction qui ne renvoie pas, à proprement parler, à un individu réel. La psychanalyse a saisi cette nuance qui dit l’impossibilité d’analyser l’auteur d’une oeuvre littéraire dans laquelle sa présence n’est pas assurée.
Barthes affirme ainsi que l’on « a besoin de sa figure (qui n’est ni sa représentation, ni sa projection) » qui ajoute que « la figure auctoriale, (est) une figure que nous constituons pour telle et qui en retour nous constitue en lecteur».
La mort de l’auteur est à ce prix : il est dans « la mort » de la personne dont peut témoigner l’état civil et la biographie. L’invention du lecteur est une autre problématique qui vaut le détour, comme dirait le Guide Michelin, car ce lecteur est multiple. Il peut être bon, mais souvent mauvais comme le dit si bien Maxime Decout car il n’y a pas un Lecteur mais des lecteurs, il n’y a pas une perception unique ou unifiée de l’oeuvre mais des angles différents qui font que la lecture différente est qualifiée de mauvaise lecture.
La parole du narrateur n’est pas nécessairement celle de l’auteur, et moins encore celle des nombreux personnages qui peuvent s’exprimer dans une oeuvre, pour rester dans l’univers romanesque. Ce qui est complexe dans une oeuvre unique, l’est encore plus dans une oeuvre multiple. Dans quelle oeuvre se retrouve Tahar Ben Jelloun, « Harrouda » ou « l’écrivain public », « La nuit sacrée », « L’enfant de sable » ou l’homme rompu, par exemple ? La question vaut également pour Driss Chraïbi qui a publié une oeuvre romanesque, pour ne pas dire de fiction, importante. Abdelkébir Khatibi est-il dans ses poèmes, ses romans ou ses essais ? Tahar Ben Jelloun est-il dans ses poèmes, ses romans, ses contes, ses essais ou sa peinture ? Quels indices peuvent permettre le passage du narrateur et des personnages à l’auteur ? L’histoire de la littéraire est dans l’incapacité de répondre et la psychanalyse a fait son deuil de l’auteur qui renvoie au sujet de la psychanalyse.
L’auteur d’un livre est une signature
Lacan dans sa lecture de « La lettre volée » n’a pas psychanalysé Edgar Poe, comme il n’a pas fait la psychanalyse de Shakespeare à travers sa lecture de « Hamlet ». Dans sa lecture d’OEdipe qui a donné naissance au complexe du même nom, Freud n’a pas tenté de psychanalyser Aristophane et moins encore la mythologie grecque.
Dans un travail poussé sur l’oeuvre de Rachid Boudjedra, à aucun moment ne m’est venue l’idée de psychanalyser Rachid Boudjedra comme dans la figure de l’Androgyne, il ne m’est pas apparu comme une invitation à psychanalyser Abdelkébir Khatibi, Tahar Ben Jelloun et Abdellatif Laabi ! L’androgyne dans « Le livre du sang » de Abdelkébir Khatibi est un personnage comme ont pu l’être… Rabat et Casablanca dans « Le tryptique de Rabat ».
L’interprétation est de l’oeuvre, ses personnages et non un renvoi à une extériorité qui serait l’auteur qui signe le poème ou la fiction en général. La réponse est dans l’hétérogénéité de l’oeuvre que signe un auteur : passer de « La mémoire tatouée » à « Un été à Stockholm », avec pour parenthèse « Le livre du sang » qui se ferme par « Le tryptique de Rabat », sans oublier les oeuvres poétiques et les essais, font un auteur, Abdelkébir Khatibi et non un sujet pour la psychanalyse qui se penche sur celui-ci dans une forme de totalité, même fragmentée. Comment regrouper les fragments de Tahar Ben Jelloun dans ses romans, ses poèmes, ses contes, ses essais ? Les traversent-ils seulement, les minent-ils seulement et prêts à exploser à la moindre sollicitation ?
L’auteur d’un livre est une signature, loin de la réalité du sujet. Comme dans la haute couture, les habits griffés ne renvoient pas au sujet de la psychanalyse, il en est de même de la littérature et de la signature par des auteurs qui ne représentent pas nécessairement un concentré des personnages qui disent « je ». Dans ce cas d’espèce, le schéma est d’observation : un scientifique qui observe un virus est-il le virus ? Si la réponse est négative, pourquoi l’écrivain, l’auteur qui reste une sorte d’observateur d’individus qu’il transforme en personnages serait-il ces personnages ?
Barthes affirme ainsi que l’on « a besoin de sa figure (qui n’est ni sa représentation, ni sa projection) » qui ajoute que « la figure auctoriale, (est) une figure que nous constituons pour telle et qui en retour nous constitue en lecteur».
La mort de l’auteur est à ce prix : il est dans « la mort » de la personne dont peut témoigner l’état civil et la biographie. L’invention du lecteur est une autre problématique qui vaut le détour, comme dirait le Guide Michelin, car ce lecteur est multiple. Il peut être bon, mais souvent mauvais comme le dit si bien Maxime Decout car il n’y a pas un Lecteur mais des lecteurs, il n’y a pas une perception unique ou unifiée de l’oeuvre mais des angles différents qui font que la lecture différente est qualifiée de mauvaise lecture.
La parole du narrateur n’est pas nécessairement celle de l’auteur, et moins encore celle des nombreux personnages qui peuvent s’exprimer dans une oeuvre, pour rester dans l’univers romanesque. Ce qui est complexe dans une oeuvre unique, l’est encore plus dans une oeuvre multiple. Dans quelle oeuvre se retrouve Tahar Ben Jelloun, « Harrouda » ou « l’écrivain public », « La nuit sacrée », « L’enfant de sable » ou l’homme rompu, par exemple ? La question vaut également pour Driss Chraïbi qui a publié une oeuvre romanesque, pour ne pas dire de fiction, importante. Abdelkébir Khatibi est-il dans ses poèmes, ses romans ou ses essais ? Tahar Ben Jelloun est-il dans ses poèmes, ses romans, ses contes, ses essais ou sa peinture ? Quels indices peuvent permettre le passage du narrateur et des personnages à l’auteur ? L’histoire de la littéraire est dans l’incapacité de répondre et la psychanalyse a fait son deuil de l’auteur qui renvoie au sujet de la psychanalyse.
L’auteur d’un livre est une signature
Lacan dans sa lecture de « La lettre volée » n’a pas psychanalysé Edgar Poe, comme il n’a pas fait la psychanalyse de Shakespeare à travers sa lecture de « Hamlet ». Dans sa lecture d’OEdipe qui a donné naissance au complexe du même nom, Freud n’a pas tenté de psychanalyser Aristophane et moins encore la mythologie grecque.
Dans un travail poussé sur l’oeuvre de Rachid Boudjedra, à aucun moment ne m’est venue l’idée de psychanalyser Rachid Boudjedra comme dans la figure de l’Androgyne, il ne m’est pas apparu comme une invitation à psychanalyser Abdelkébir Khatibi, Tahar Ben Jelloun et Abdellatif Laabi ! L’androgyne dans « Le livre du sang » de Abdelkébir Khatibi est un personnage comme ont pu l’être… Rabat et Casablanca dans « Le tryptique de Rabat ».
L’interprétation est de l’oeuvre, ses personnages et non un renvoi à une extériorité qui serait l’auteur qui signe le poème ou la fiction en général. La réponse est dans l’hétérogénéité de l’oeuvre que signe un auteur : passer de « La mémoire tatouée » à « Un été à Stockholm », avec pour parenthèse « Le livre du sang » qui se ferme par « Le tryptique de Rabat », sans oublier les oeuvres poétiques et les essais, font un auteur, Abdelkébir Khatibi et non un sujet pour la psychanalyse qui se penche sur celui-ci dans une forme de totalité, même fragmentée. Comment regrouper les fragments de Tahar Ben Jelloun dans ses romans, ses poèmes, ses contes, ses essais ? Les traversent-ils seulement, les minent-ils seulement et prêts à exploser à la moindre sollicitation ?
L’auteur d’un livre est une signature, loin de la réalité du sujet. Comme dans la haute couture, les habits griffés ne renvoient pas au sujet de la psychanalyse, il en est de même de la littérature et de la signature par des auteurs qui ne représentent pas nécessairement un concentré des personnages qui disent « je ». Dans ce cas d’espèce, le schéma est d’observation : un scientifique qui observe un virus est-il le virus ? Si la réponse est négative, pourquoi l’écrivain, l’auteur qui reste une sorte d’observateur d’individus qu’il transforme en personnages serait-il ces personnages ?
Abdallah BENSMAÏN