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Actu Maroc

Liste grise du GAFI : Les plus et les moins d’un retrait à point nommé [intégrale]


Rédigé par Soufiane CHAHID et Anass MACHLOUKH Lundi 27 Février 2023

Le GAFI vient d’officialiser la sortie du Royaume de sa liste grise. Une aubaine pour l’Exécutif qui cherche à se financer dans les meilleures conditions.



Le Maroc sort enfin de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI). Le 24 février, l’organisme mondial a décidé, à l’unanimité de ses membres, la sortie du Maroc du processus de surveillance renforcée dans lequel le Royaume est placé depuis 2019. Cette décision a été prise lors de l’assemblée générale du GAFI, tenue à Paris, du 20 au 24 février 2023. Elle fait suite à une visite de terrain effectuée dans le pays du 16 au 18 janvier, et au cours de laquelle les experts du GAFI ont pu constater que des mesures concrètes ont été prises dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
 
Cette décision vient à point nommé et selon un calendrier prédéfini par les autorités marocaines. Comme annoncé par le Wali de Bank Al-Maghrib Abdellatif Jouahri, lors d’un point de presse le 20 décembre dernier, le Maroc est en négociation avec le FMI pour une ligne modulable, qu’il espère signer en mars 2023. Contrairement à la Ligne de Précaution et de Liquidité (LPL), cette Ligne de Crédit Modulable LCM) est réputée pour sa souplesse et assure aux pays admissibles l’accès immédiat à un montant élevé de ressources du FMI sans conditionnalité continue.
 
La sortie de la liste grise du GAFI permet ainsi au Maroc d’être éligible à cette ligne de crédit avec un coût faible. Le Royaume cherche aussi à se financer à l’international, avec des maturités variant entre 5 et 12 ans. Selon l’agence Bloomberg, une délégation marocaine a entamé depuis peu des réunions dans les places financières des Etats-Unis et du Royaume-Uni avec les investisseurs internationaux.
 
L’Exécutif explore ainsi la profondeur du marché et les taux en vigueur. Une fenêtre semble s’ouvrir puisque, selon la même source, citant Mark Bohlund, analyste principal de la recherche sur le crédit chez REDD Intelligence à Londres, le coût de l’assurance de la dette contre le défaut de paiement a diminué de près de la moitié depuis début novembre pour atteindre environ 160 points de base. Avec la sortie de la liste grise, le Royaume peut espérer lever des montants importants avec des conditions plus favorables.
 
Chemin de croix
 
Pour sortir de cette liste grise, le Maroc a dû engager des réformes législatives et organisationnelles importantes. En 2021, deux lois importantes entrent en vigueur pour se conformer aux normes dictées par le GAFI dans ce domaine. Il s’agit de la loi n° 12-18 modifiant et complétant le Code pénal, et la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ces textes apportent plusieurs dispositions visant à compléter le dispositif juridique marocain, par lesquelles une définition plus large des « biens » et de leurs utilisations, susceptibles de constituer une infraction de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
 
Les crimes des marchés financiers, les crimes des ventes et des services pyramidaux, ainsi que les trusts constitués hors du territoire marocain, entrent désormais dans le champ des pratiques de blanchiment. De plus, les amendes minimales et maximales contre les personnes jugées pour blanchiment de capitaux sont révisées à la hausse, avec saisie de l’ensemble des revenus issus de cet acte. Enfin, le législateur a créé une entité centralisant les informations et coordonnant les actions à mener, l’Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF).
 
Effet sur l’investissement ?
 
Engagé dans de grands chantiers, l’Exécutif cherche à se financer dans les meilleures conditions. Cela explique l’empressement du Royaume de vouloir redorer son image à l'international en se conformant aux cadres réglementaires dessinés par les instances internationales. Sur ce point, il a réussi en février 2021 à sortir de la liste grise des paradis fiscaux du Conseil de l’Union Européenne, puis de la liste grise de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, établie par le GAFI.
 
Mais à plus long terme, compliquer les procédures de rentrée des capitaux peut-elle avoir des répercussions sur les investissements directs étrangers (IDE) ? Malgré les spécificités de l’économie marocaine, le pays cherche à s’intégrer complètement dans l’économie internationale, en se hissant aux meilleures pratiques en termes fiscales et de financements illicites. De plus, le Royaume a boosté ses opportunités d’investissement en mettant en place des Zones Industrielles (ZI) et des Zones d’Activités Economiques (ZAE). Celles-ci conservent des avantages fiscaux importants à même d’intéresser les investisseurs étrangers.
 
Pour les grands groupes mondiaux, qui scrutent de plus en plus près les cadres législatifs locaux de peur de se faire épingler pour évasion fiscale, le Maroc devient une destination de choix.
 
Soufiane CHAHID et Anass MACHLOUKH
 

Trois questions à Mohammed Rahj : « Maintenant, le Maroc n’a plus à rien à se reprocher»

Mohammed Rahj, économiste et consultant en fiscalité, a répondu à nos questions sur les bénéfices de la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI.
 
 
De votre point de vue, à quel degré la sortie de la liste grise est-elle bénéfique pour le Maroc ? 
Le retrait de la liste grise ne peut être que positif pour le Maroc et surtout pour son image chez les agences de notation internationales. Il est probable que cela se répercute positivement sur la notation souveraine. Idem pour les banques marocaines qui pourraient se voir aussi améliorer leurs notations. Plus important encore, maintenant qu’il n’est plus dans la liste grise, le Maroc se trouvera dans une position confortable lorsqu’il négociera ses prochaines levées obligataires auprès des marchés internationaux. Les créanciers pourraient revoir à la baisse leurs prétentions en termes de coût d’assurance et de primes de risques. J’ajoute que c’est une bonne nouvelle à la veille du début des pourparlers avec le FMI sur une nouvelle ligne modulable de crédit qui est plus souple et porte sur des montants importants. 


Quel est le prix que le Maroc a dû payer pour sortir de la liste grise ? 
Le Maroc a fait plusieurs réformes sous pression. Pour sortir de la liste grise, on a dû établir tout un arsenal législatif et institutionnel en matière de lutte contre le blanchiment d’argent avec une autorité de renseignement financier. De même, nous avons dû revoir en profondeur le système fiscal avec la loi-cadre pour se conformer aux exigences de l’Union Européenne qui considérait le Royaume comme un paradis fiscal.  On a opté pour l’IS unifié et laissé tomber les régimes préférentiels appliqués aux zones d’accélération industrielle et Casa Finance City. Tout cela pour renforcer l’attractivité du Royaume chez les investisseurs étrangers, comme il est désormais aligné sur les standards internationaux avec une nouvelle charte d’investissement. Donc, maintenant, le Maroc n’a plus à rien à se reprocher. Cela ne veut pas dire qu’on est sorti de l’auberge. Il existe encore des réformes à faire comme celle du climat des affaires. 


Le Maroc s’apprête à faire une sortie sur les marchés internationaux, est-ce que tous les éléments sont réunis pour que le Royaume se finance dans les meilleures conditions ? 
Le Maroc, je rappelle, est obligé de recourir à l’endettement pour couvrir ses dépenses. Aujourd’hui, la nouveauté c’est que la base de négociation est plus favorable au Maroc puisqu’il ne figure plus sur la liste grise. Il serait plus ou moins à l’aise en négociant les taux d’intérêts, le coût d’assurance… etc. 
 
Propos recueillis par A. M.
 

L’info...Graphie


Dette extérieure : Libre-cours ?

Avec un budget d’investissement public record (300 MMDH) et des dépenses de compensation de plus en plus importantes, la pression sur les finances publiques n’a jamais été aussi importante. Pour soulager le Trésor, la Loi des Finances 2023 permet de financer une partie du déficit du budget de l’Etat à partir de l’endettement extérieur en devises à hauteur de 60 milliards de dirhams. En fait, cette année, les choses semblent plus aisés que l’an dernier où le Royaume a dû mal à se diriger vers les marchés financiers. « En 2022, nous n’avons pas pu nous financer auprès des marchés internationaux pour la simple raison que le Maroc était inscrit dans la liste grise », explique Mohammed Rahj, rappelant que « le Royaume s’est financé donc auprès d’autres partenaires tels que la Banque africaine de développement, des banques islamiques et des emprunts contractés auprès de pays amis ».
 
Selon notre interlocuteur, la sortie à l’international permet de lever des fonds qui serviront à financer le budget de l’investissement. Le Maroc, rappelons-le, est engagé dans une série de réformes telles que la généralisation de la couverture sociale, la refonte du système de santé, le programme de travaux publics (Awrach), le soutien à l’entrepreneuriat, etc…
 
Toutefois, l’endettement du Maroc soulève plusieurs questions sur sa solvabilité, sachant que les chiffres sont préoccupants, d’autant que la note souveraine du Royaume est de ‘négative’ à ‘stable’, selon Moody’s. Selon les données du HCP, la dette publique devrait atteindre 83% du PIB en 2023, tandis que le Trésor sera endetté à hauteur de 70,8%.

L’endettement de l’Etat est largement intérieur, sachant que la dette intérieure est beaucoup plus supérieure que les emprunts extérieurs (54,6% contre 16,3%). Avec une dette du Trésor estimée à 960 MMDH en 2022, selon l’AGR, dont 229 MMDH proviennent de l’extérieur, la Banque Mondiale a classé le Maroc parmi les pays les plus endettés en Afrique. La tendance va se poursuivre en 2023. Le Trésor va emprunter en 2023 130 MMDH contre 105,38 MMDH en 2022, dont plus de 69 MMDH provenant des emprunts internes.

Climat des Affaires : Vers des réformes « new generation »

Selon Mohammed Rahj, certes, le Maroc a fait plusieurs réformes qui lui ont permis de quitter la liste grise et d’améliorer son attractivité, mais reste l’épineuse question du Climat des Affaires à laquelle le gouvernement semble déterminé à s’attaquer le plus tôt possible. Il y a quelques semaines, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a promis « une nouvelle génération » de réformes du Climat des Affaires. Lors de la séance plénière dédiée à la politique générale, il a fait part de la volonté de l’Exécutif d’élaborer une nouvelle feuille de route à l’horizon de 2026. Les réformes promises s’articulent autour de trois objectifs principaux, à savoir la simplification des procédures administratives, l’amélioration de l’accès au foncier et à la commande publique et la facilitation de l’accès au financement.  Trois conditions jugées nécessaires pour la réussite de la nouvelle charte de l’investissement. Le Maroc aspire à dépasser le marasme de l’investissement qui demeure peu productif et ne rapporte pas les effets escomptés. 








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