- Quelle a été la source d'inspiration initiale pour "Eureka", et comment cette idée a évolué au fil du temps ?
L'idée initiale d'"Eureka" a pris forme il y a environ neuf ans, lors de la conclusion de mon précédent film, Jauja. À ce moment-là, je ressentais le désir de prolonger mon exploration visuelle avec des images d'Indiens énigmatiques présentes dans ce film. En cherchant à établir des connexions entre différentes œuvres cinématographiques, en particulier les westerns, j'ai réalisé que je voulais plonger dans la richesse de la culture autochtone.
L'idée de travailler sur les descendants d'Indiens, devenus des peuples aux réalités variées, a émergé. Aux États-Unis, où ils sont souvent marginalisés, cette exploration s'est avérée encore plus pertinente. Ainsi a commencé la réflexion sur la manière dont le cinéma pourrait refléter cette réalité complexe, bien que le film en lui-même résiste à une narration conventionnelle.
- Est-ce la raison pour laquelle vous avez choisi de travailler avec des non-professionnels issus de ces endroits ?
Travailler avec des non-professionnels n'est pas une nouveauté pour moi, c'est un choix que j'ai fait depuis mes débuts il y a près de 20 ans. Cette approche me procure une connexion authentique avec les individus que je filme, une sorte de bonheur qui émane de cette proximité.
Cependant, j'aime aussi mélanger cette authenticité avec le professionnalisme des acteurs. Ce qui rend le travail avec des non-professionnels extraordinaire, c'est qu'ils n'ont pas besoin de simuler ; leur réalité se fond naturellement dans le film.
- Le film explore les réalités des communautés autochtones d'Amérique du Nord et du Sud. Pouvez-vous expliquer comment vous avez choisi les lieux de tournage et les communautés avec lesquelles vous avez travaillé ?
Le choix des lieux de tournage a été une décision méticuleuse. Sous les conseils de Viggo Mortensen, nous avons tourné dans la Réserve indienne de Pine Ridge, au Dakota du Sud, une communauté très connue. Au Mexique, à Oaxaca, j'ai collaboré avec une communauté de Chatinos parlant une langue singulière compréhensible seulement par quelques-uns.
Bien que la partie du film située en Amérique du Sud soit purement fictionnelle, elle évoque une jungle incertaine près du Brésil et des pays avoisinants. Les décors de westerns en Espagne, à Almería, ont également servi à créer l'atmosphère particulière du film. Pour moi, le choix des lieux de tournage est aussi crucial que celui des personnages, car le paysage permet de comprendre immédiatement les conditions qui régissent certains endroits à travers leur environnement.
- "Eureka" présente une narration non conventionnelle, passant d'un lieu à un autre et d'un temps à un espace. Comment avez-vous abordé la structure narrative pour exprimer les thèmes que vous souhaitiez explorer ?
La structure narrative de "Eureka" a été une expérience captivante pour moi, explorant les différentes perspectives temporelles à travers le monde. Le film se déroule en trois phases distinctes : d'abord, un cadre cinématographique graphique, suivi du présent dans le Dakota du Sud, et enfin, dans les années 70 au milieu d'une montagne ou d'une jungle.
Cette comparaison entre la vie actuelle des autochtones et celle de ceux n'ayant pas encore été affectés par les forces politiques et économiques met en lumière comment certaines communautés sont laissées à la marge du développement mondial.
- Vous mentionnez que le film ne transmet pas de messages clairs, laissant place à l'interprétation individuelle. Comment espérez-vous que les spectateurs recevront et interpréteront le film, et quelles conclusions incertaines souhaitez-vous qu'ils en tirent ?
En concevant "Eureka", mon intention était moins de transmettre des messages explicites que de susciter des conclusions incertaines, invitant chaque spectateur à trouver sa propre interprétation. Le film est complexe, peut-être le plus exigeant de ma carrière, marqué par des défis tels que deux pandémies, des équipes techniques changeantes dans chaque pays, des remplacements d'acteurs et des conditions climatiques extrêmes.
Pour moi, c'est un apprentissage continu, une exploration des Indiens Chatinos, une collaboration enrichissante avec des acteurs professionnels et non professionnels, le tout dans les studios d'Almería. C'est un voyage parsemé d'incertitudes qui, je l'espère, incitera les spectateurs à réfléchir et à interpréter de manière unique.