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Culture

Lire Lolita à Téhéran : Une chasse aux papillons


Rédigé par Oumaima HASSOUN le Jeudi 9 Juillet 2020

«Dolorès! Il y a un voile dans ce joli prénom. Son diminutif est Lola et le diminutif de celui-ci est « Lolita » c'est la raison que donne Nabokov sur le choix du nom de Lolita à un journaliste en 1959.



«Œuvre immonde» diraient les féministes du XXIème siècle, «un chef-d'œuvre!» s’exclameraient, non sans agacement, les artistes et les hommes de lettres. Seulement voilà, «Lolita» est à la fois l'une et l’autre, parce qu’elle est simplement l'histoire d'une petite fille âgée de douze ans, adoptée et «violée» par Humbert Humbert. Elle, en vérité, l'histoire de ce papillon fragile, chassé par le désir aveuglant et passionné d’un homme qui ne souffre de rien sinon d’un manque flagrant d’innocence. De l’obsession à la possession, le nympholepte est pris dans le piège de la chrysalide et exerce, avec préméditation, son emprise sur elle. Aussi devient-il lui-même un papillon aux ailes fragiles.

Le livre constitue, en fait, un plaidoyer contre la morale, la certitude, la vérité. Une prose contre le théâtre dramatique de la société "conservatrice".  

Humbert a choisi Lolita parce qu'elle était une nymphette "petite fille chaude", il lui a confisqué sa vie et l'a privée de son passé. Il l'a épinglée au mur comme le faisait Buffalo Bill dans Le Silence des Agneaux. Mais, cette orpheline a grandi et l'a abandonné pour se marier avec un autre. Et c'est là où s'est établie la métamorphose: Humbert passe du désir à l'amour; de la violence à la tendresse. Il s'humanisme. Comme s'il fallait que Lolita récupère sa vie et choisit elle-même sa propre histoire pour que le narrateur puisse, enfin, l'aimer.

La fin est tragique, elle ressemble à celle de l'Iran: Une civilisation qu'on a sacrifiée à l'autel de la morale religieuse. Dans son texte, «Lire Lolita à Téhéran » en l’occurrence, Azar Nafisi forme, discrètement, un groupe de lecture avec sept jeunes parmi ses étudiantes. Elles se réunissent tous les jeudis matins pour débattre autour des classiques de l'Occident. Le choix de Lolita n'est pas fortuit car, elle représente cet Iran étripé par un parti qui se dit "Parti de Dieu". L'Iran selon Nafisi est ce "papillon dont on a figé l'histoire au nom d'une nouvelle obsession appelée "Paradis".

Bref, si en Russie les poètes sont des criminels, en Iran les tyrans sont des hommes de religion. Si en Russie, le désir se vit en secret ou en prison, de l'Iran, le désir s'enfuit.
 
Oumaima HASSOUN